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Gustave Singier

Publié le 16/05/2020

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« Gustave Singier 1909-1984 Yvon Taillandier parle en ces termes de la peinture de Singier : "Pourquoi les peintures de Singier — quels que soientleurs titres — m'évoquent-elles toujours l'image double et, semble-t-il, contradictoire, d'une campagne paisible etd'un volcan ? Certes, la partie paisible de l'image, l'aspect calme, ordonné, je me l'explique.

Singier ne dit-il pas lui-même : "Je veux créer, dans mes tableaux, un espace vivable ?" Et cette intention, il ne fait aucun doute qu'il laréalise.

Quand, par exemple, entre 1941 et 1946, il pratique, avec quelques autres, ce style qu'un peu partout enEurope on imitera et qui est une des premières causes de sa célébrité, ce qu'il exprime alors, c'est déjà une volontéd'ordre et de paix.

"A ce moment-là", remarque-t-il, "je subis l'influence du fauvisme et particulièrement de Matisse,du cubisme et notamment de Braque et de Picasso, mais aussi de Bonnard".

Or, Bonnard est un intimiste commeBraque.

Dans l'agressivité de Picasso, ce que Singier retient est compatible avec l'idée d'ordre.

Quant à Matisse, iln'a jamais caché son désir de susciter la joie.

Bref, la peinture de Singier, à cette époque, parle incontestablementde bonheur et de paix.

Et plus tard aussi.

Quand, à partir de 1947, il redécouvre, dit-il, à la fois la liberté et le réel,ce réel est, à vrai dire, féerique.

C'est un réel où, par exemple, l'atmosphère est devenue si accueillante que, dansl'air, rien ne tombe, tout semble porté, depuis les masses colorées qui évoquent des montagnes volantes, jusqu'àdes lignes qui flottent comme des fils de la Vierge.

Et, quand on demande à Singier les influences qu'il a subies et lespeintures qu'il aime, il énumère une série d'artistes dont la majorité, par le style — sinon par les sujets — suggèrentl'idée d'une discipline pacifique : les minutieux primitifs flamands, Jean van Eyck, Memling ; le monumental Giotto, leprécis Paolo Uccello, Clouet, Fouquet ; plus tard, Vermeer de Delft ; plus près de nous, Seurat et Matisse qui ont,pour lui, une importance capitale, et aussi Fernand Léger, ce portraitiste de la puissance sereine.

Certes, ilreconnaît avoir subi l'influence de peintres dynamiques, comme Rubens et Renoir ; mais ce sont là des avocats de lavitalité heureuse ; leur tumulte, dans la paisible campagne dont je rêve à propos de Singier, est bien moinsperturbateur que le silence du volcan.

Cézanne a montré suffisamment de vertus classiques pour trouver place danscette région idyllique ; les dansantes figures des fresques de Saint-Savin, pour lesquelles Singier professe la plusgrande admiration, n'y sont pas davantage déplacées, non plus que le maniérisme de l'École de Fontainebleau.

Enfin,quand j'ai recours à la biographie de Singier, j'y retrouve une orientation vers la vie heureuse.

D'abord, cetteenfance dont les toutes premières années s'écoulent dans le climat net et calme et la douce lumière qu'évoquera,bien plus tard, en 1951 L'Intérieur flamand.

Il est vrai que, dans ce tableau, l'on voit des points plus intenses quijaillissent comme des étincelles volcaniques ou crépitent comme des coups de feu.

Il est vrai aussi que Singier n'aque cinq ans (il est né en 1909 à Warneton en Belgique) lorsque la première guerre mondiale éclate et que, dès lors,commence pour lui la chaotique et terrible existence des populations civiles à proximité du front.

Il m'a raconté cequ'il a vu ou vécu.

La vie dans les caves où son père lui apprend à lire — il ne suivra d'enseignement régulier (écoleprimaire, cours complémentaire, école Boulle) qu'à la fin des hostilités.

En attendant, ce sont les bombardements, lafuite de village en village, la misère, le spectacle du sang, des mutilations et de la mort.

Inutile de chercher plus loinles causes : ces atroces années de guerre vécues par une âme enfantine, voilà le volcan.

Mais c'est aussi, parréaction et par nécessité, une sagesse précoce qui s'élabore.

Dans le danger, il faut du calme.

C'est une attitude etun style.

"Je ne suis pas un romantique", me confie Singier.

"Tout ce qui trahit la fièvre, je l'efface".

Certes.

Maisd'une main légère, car, dans l'ensemble de son œuvre — œuvre très divers (non seulement peintures, maislithographies, tapisseries, grande mosaïque pour le Palais de la Radio, décors et costumes de théâtre, notammentpour Pelléas et Mélisande donné à Bruxelles, et pour le T.N.P.) — dans tout ce qu'il fait, l'œil attentif et lespectateur interrogateur perçoivent la fièvre.

Fièvre d'autant plus émouvante qu'elle est cachée et que, dans cesformes apparemment si statiques, elle se révèle subtilement.

"J'aime", avoue Singier, "le mouvement secret".

Cemouvement secret, c'est d'abord le frémissement parfois presque imperceptible des lignes et des couleurs.

Maisc'est aussi une mobilité qui résulte paradoxalement d'un besoin profond chez un homme frappé dès l'enfance par lafragilité des êtres et des choses : le besoin de permanence.

A ses débuts, Singier — qui peint sa première toile àquatorze ans — travaille d'après nature.

Mais la nature, il ne l'ignore pas, est fragile.

Seconde période :expressionnisme.

C'est le cœur qui parle.

Mais le cœur, on le sait, est changeant.

Troisième période : la luminositéfauve et la géométrie cubiste expriment bien la permanence, mais, pense Singier, elles l'éloignent du réel.

Pour s'enrapprocher sans se priver pour autant de cette permanence dont le besoin l'obsède, il adopte — l'année même où ilacquiert la nationalité française, c'est-à-dire en 1947 — une solution nouvelle.

Supposons un arbre.

Ce qui nechange pas en lui demeure semblable quelle que soit l'heure ou la saison et quel que soit le sens qui le perçoit : nonseulement la vue, mais l'odorat, le toucher, le goût, l'ouïe (ne pas oublier que Singier est un passionné de musique).Bien ! Seulement, il faut l'admettre : cet arbre immuable ne ressemble pas aux arbres fugaces que nousconnaissons.

Or, le voici sur une toile : nous ne savons pas ce que c'est.

Nous l'interrogeons.

"Es-tu un arbre ?" —“Peut-être", répond-il.

"Une touffe d'herbe ?" — “Peut-être".

"Un buisson d'éclairs dans le ciel ?" — “Pourquoi pas".Prenons garde, cependant.

Nos questions le déplacent.

Touffe d'herbe, il est à nos pieds.

Arbre, plus loin.

Éclair,très loin.

Moralité : ce que l'on trouve de plus immobile est mobile.

La plus grande certitude est incertaine.

Encoreune fois, c'est notre volcan.

Singier sourit.

En effet, cette sagesse — aux origines si lointaines dans son existenceet qui retrouve l'affirmation bouddhiste : tout change sauf le changement — se teinte d'une nuance complémentairedu calme apparent et qui, elle aussi, n'est pas sans être efficace dans le péril de vivre : l'humour.". »

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