Fiche sur la rencontre Amoureuse de Manon et du chevalier

« TEXTE 5 : EXTRAIT DU ROMANMANON LESCAULT : LA RENCONTRE AMOUREUSE 35/37 « Depuis j’avais marqué (..) » à « ..pour (à rattraper quand on pourra). J’avais marqué le temps de mon départ d’Amiens.

Hélas ! que ne le marquai-je un jour plus tôt ! j’aurais porté chez mon père toute mon innocence.

La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s’appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d’Arras, et nous le suivîmes jusqu’à l’hôtellerie où ces voitures descendent.

Nous n’avions pas d’autre motif que la curiosité.

Il en sortit quelques femmes qui se retirèrent aussitôt ; mais il en resta une, fort jeune, qui s’arrêta seule dans la cour, pendant qu’un homme d’un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s’empressait de faire tirer son équipage des paniers.

Elle me parut si charmante, que moi, qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention ; moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d’un coup jusqu’au transport.

J’avais le défaut d’être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais, loin d’être arrêté alors par cette faiblesse, je m’avançai vers la maîtresse de mon cœur.

Quoi qu’elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée.

Je lui demandai ce qui l’amenait à Amiens, et si elle y avait quelques personnes de connaissance.

Elle me répondit ingénument qu’elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse.

L’amour me rendait déjà si éclairé depuis un moment qu’il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs.

Je lui parlai d’une manière qui lui fit comprendre mes sentiments ; car elle était bien plus expérimentée que moi : c’était malgré elle qu’on l’envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s’était déjà déclaré, et qui a causé dans la suite tous ses malheurs et les miens. CONTEXTUALISATION DU TEXTE L’abbé Prévost a rédigé l’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut en 1731.

Le roman appartient au genre du roman épistolaire, ce qui signifie qu'il est composé de lettres échangées entre les personnages. Jugé scandaleux, le roman est condamné en 1733 et 1735.

Manon Lescaut met en scène la passion naissante du chevalier des Grieux pour Manon Lescaut. C’est pour l’abbé Prévost l’occasion de réaliser un traité de morale sur les dangers de la passion.

Néanmoins l’abbé Prévost est une personnalité complexe, dont la vie oscille entre vocation religieuse et les plaisirs mondains.

Cette scène de rencontre entre De Grieux et Manon Lescaut est marquée par cette ambiguïté. Cet extrait de Manon Lescaut, de l'abbé Prévost, constitue une scène attendue du roman : la rencontre amoureuse.

Dans cette scène inaugurale, le lecteur peut déjà imaginer la destinée de ceux qui ne sont pas encore amants.

Le hasard d’un évènement (la flânerie désœuvrée de Des Grieux qui, en compagnie de son ami Tiberge, attend son départ fixé au lendemain) met en présence Des Grieux et Manon qui débarque du coche d’Arras.

C’est le coup de foudre immédiatement.

Ce récit du premier souvenir est placé tout entier sous l’éclairage des suites fatales de l’aventure.

Deux regards se superposent : celui du jeune chevalier, charmé par Manon et celui d’un narrateur mûri par l’expérience douloureuse de la passion : récit et confession se conjuguent pour poser pour la première fois l’une des questions fondamentales du roman : Qui est Manon La scène est donc l'objet d'un récit rétrospectif : avec le recul du temps, le narrateur se montre capable de porter un jugement critique sur sa vulnérabilité d'alors.

Pour cette raison, le récit nous fait l'analyse psychologique, lucide et ironique de cette rencontre amoureuse.

-Le lecteur parle au passé car il évoque sa relation avec Manon Lescault qui est décédé au moment de sa rédaction du roman. PRECISION SUR L’EXTRAIT QUE L’ON VA ETUDIER : Lieu et contexte : La rencontre a lieu à Amiens.

Le contexte social de l'époque, avec ses codes et ses conventions, est présent, mais la passion naissante entre les personnages transcende ces normes. Attraction immédiate : Dès le premier regard, il est clair que Des Grieux est profondément attiré par Manon.

L'auteur utilise des descriptions visuelles et émotionnelles pour capturer l'impact instantané de cette rencontre sur Des Grieux. Passion et transgression : La rencontre évoque immédiatement le thème de la passion amoureuse et de la transgression sociale.

Des Grieux est un noble, et Manon, bien que charmante, n'appartient pas à la même classe sociale.

Cette différence accentue l'intensité de leur amour, car il défie les normes de la société. Caractérisation des personnages : Les descriptions des personnages au moment de la rencontre sont essentielles.

Des Grieux est souvent dépeint comme idéaliste et romantique, tandis que Manon incarne la beauté et la séduction.

Ces caractérisations initiales jettent les bases de la dynamique complexe de leur relation. Éléments narratifs : L'auteur utilise des éléments narratifs tels que le ton, la focalisation, et la structure pour intensifier l'impact de la rencontre.

La narration à la première personne par Des Grieux peut donner un aperçu subjectif de ses émotions et de ses pensées. Thèmes abordés : La rencontre soulève des thèmes tels que l'amour passionnel, la destinée, la lutte contre les conventions sociales, et les sacrifices que les personnages sont prêts à faire au nom de leur amour. En résumé, la rencontre entre Des Grieux et Manon est un moment pivot dans le roman, marqué par l'attraction immédiate, la passion intense et la transgression des barrières sociales.

Elle pose les fondations de la relation complexe et tumultueuse qui sera explorée tout au long de l'œuvre. ANALYSE DU TEXTE : IDEE DIRECTRICE : le topo de la rencontre amoureuse romanesque qui donne lieu à deux portraits des protagonistes. I- Autoportrait élogieux voir complaisant de Des Grieux A) Attendrir l’ascendant de sa destiné : la rencontre avec une femme fatale L'homme qui parle au début commente son expérience dans le sens du remords et de l'apologie personnelle. -L’interjection « Hélas » du début de l'extrait indique assez bien le jugement qu'il porte sur son aveuglement passé : Regret de l’évènement évoqué par le narrateur. -Il exprime son sentiment d'avoir commis une faute et l'exprime avec solennité, voire grandiloquence « Que ne le marquais-je un jour plus tôt » : il aurait souhaité agir différemment ou prendre conscience de son erreur plus tôt.

C'est une manière expressive de souligner le poids du regret et de la culpabilité. -L’expression du regret se lit également dans la phase « je devais quitter cette ville ».

Le destin du personnage semble scellé dès le début. -L’expression « toute mon innocence » peut se comprendre de deux manières : par le jeune âge et par l’absence de péché, alliance qui sous-tend tout le texte : il commence déjà à se déresponsabiliser et met la faute sur son âge et son innocence. -« La veille même de celui que » : fatalité tragique sur fond de déresponsabilisation expose ce moment comme une fatalité qu’il subit et qu’il n’a pas voulu : Des Grieux selon ses dires semble être au mauvais endroit au mauvais moment : il s’en ai fallu d’un jour et il n’aurait pas rencontré Manon : révélation d’un choix étonnant de divertissement pour un jeune insouciant et vertueux. -Sans relâche, le narrateur amoncelle les excuses en insistant sur la pureté de sa vie antérieure et de ses intentions : -Négation restrictive : « Nous n'avions d'autre motif que la curiosité » : propose une justification de la scène que le lecteur ignore encore : tente de justifier ses choix : toujours cette idée de déresponsabilisation. -D’autres déclaration démontre ce plaidoyer ; « J'avais marqué le temps de mon départ », «moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue DONC : Ce début d’extrait démontre : - L’attendrissement d’une mauvaise destiné : il se déresponsabilise avec un art de la manipulation. - Dans le récit qui le présente sous un jour avantageux : il n’est pas responsable de tout ce qu’il appelait à commettre après cette rencontre. B) Le séducteur paradoxal.... »