Fiche Oral: Frère dame de David Diop
Publié le 09/02/2022
Extrait du document
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Frère dame de David Diop prix Goncourt des Lycéens 2018
Une amitié de la vie à la mort
David Diop publie un roman poignant et marquant sur la Grande Guerre, le roman d’une humanité
perdue et retrouvée au cœur de l’horreur, à travers l’histoire de deux amis inséparables, tirailleurs
sénégalais séparés par la mort et la folie .
Une histoire faite de vengeance et de folie
Alfa Ndiaye a perdu son « plus que frère » sur le champ de bataille.
Lorsque Mademba, gravement
blessé, l’a supplié de l’achever pour abréger ses souffrances, Alfa n’en a pas eu le courage.
Empli de la
rage et surtout de la culpabilité du survivant, il décide de venger la mort de son ami en contrevenant
aux règles de « la guerre civilisée ».
A chaque expédition, il torture un ennemi à mort et rapporte une
main allemande dans sa tranchée ; mais après plusieurs trophées macabres, ses camarades le
regardent avec effroi.
On le croit fou, et même sorcier.
Alors on décide de l’éloigner pour un temps.
A
l’initiative d’un médecin, Alfa va se mettre à dessiner : les poilus, les mains tranchées, et son village
natal où il retourne en pensée.
Ce roman paradoxalement poétique raconte la barbarie de la guerre, les doutes sur la légitimité des
massacres, et aussi les différentes formes de rébellion : refus de combattre et d’obéir, désertions,
mutineries ou névroses traumatiques.
Avec un style fluide et une narration à la première personne, le
romancier David Diop nous fait pénétrer dans l’esprit d’un tirailleur sénégalais qui, entre folie et
nostalgie, interroge les notions d’identité et de déracinement, d’humanité et de sauvagerie.
Une réincarnation de l’auteur
Une chose m’a d’emblée interpellé quand je suis entré dans ce récit guerrier : l’auteur donne son
propre nom au personnage de l’ami sacrifié dont lui-même, personnage narrateur à qui il donne le
nom de Ndiaye, n’a pas eu l’audace d’abréger les souffrances.
Ndiaye nous dit son propre
basculement vers une sorte de folie vengeresse, accomplie comme une expiation pour ce manque
d’audace.
Il raconte son cheminement intérieur, depuis son village natal jusqu’au point de bascule.
Il
dit son remords et sa folie sorcière, il dit sa rage en une longue et lancinante incantation, rythmée à
profusion par les expressions « mon presque frère » et « par la volonté de Dieu ».
Les derniers chapitres, déroutants, semblent nous mettre sur la voie : Mademba Diop, la victime du
livre, ne se serait-il pas réincarné en Alfa Ndiaye dont il serait devenu le côté obscur, l’inhumaine
barbarie ?
Chant de vie et de mort, africain en diable dans un monde « civilisé » devenu fou, le récit est fort et
grâce à un phrasé volontairement répétitif (ou malgré lui car ce phrasé peut générer un peu
d’agacement chez le lecteur) il prend la forme d’un conte vomi par un griot, malfaisant malgré lui,
voué contre son gré à la mort.
Aux portes de la magie noire, un livre terrible, fascinant….
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