Eugène BOUDIN:LE DÉJEUNER SUR L'HERBE.

« Trois ans après «Le Déjeuner sur l'herbe» de Manet, qui a fait scandale, Boudin peint une scène beaucoup plus anodine sous le même nom.

Il l'offre à Eugénie Manet, la mère de l'artiste tant décrié.

En 1866, Boudin sillonne les côtes norman­ des et sé/·ourne au Havre, à Trouville, Deau­ ville et Vi lerville.

Ses scènes de plage et ses marines lui valent un certain succès auprès d'amateurs éclairés, ce qui lui permet de vivre plus facilement.

Au fur et à mesure que sa notoriété grandit, il_devie~t plus exigean~ ~v~c lui-même: «Je dev1ens d autant plus d1ff1cde qu'on me met fréquemment entre un Corot, un Daubigny ou un Jongkind et qu'il me faut faire une ~igure honnête en si bonne compa­ gnie», écrit-il.

Au Salon, il présente deux toiles, La Plage de Trouville et Réunion sur la plage de Trouville.

Mais c'est l'Exposition uni­ verselle de l 867 qui sollicite toute son atten­ tion.

Malgré la sévérité du jury, qui refuse 3 600 toiles sur 4 000, une marine et un pay­ sage de Boudin sont acceptés.

L'ŒUVRE On est loin de l'audacieuse scène de pique­ nique érotique de Manet.

Certes, on retrouve les trois personnages principaux du Déjeuner sur l'herbe: mais, au lieu d'être totalement nue et de fixer le peintre droit dans les yeux, la figure féminine sur la gauche est vêtue d'une longue robe élégante et devise avec ses amis.

La pose de cette jeune femme (Femme en robe bleue sous un paraso~ de même que le traitement de sa robe ne sont pas sans évoquer le travail de Manet, que Boudin fréquentait assidûment à l'époque.

Eugène BOUDIN 1824-1898 • Le Déjeuner sur l'herbe • Huile sur toile 175 cm x 250 cm • Signé, daté et dédicacé bord droit «à Mme Eug.

Manet 10 octobre 66 E.

Boudin» • Peint en 1866 • Localisation : Paris, musée d'Orsay Au milieu, un homme aux traits indistincts est absorbé par la conversation.

Sur la droite, un autre homme nous tourne le dos et pointe le doigt devant lui.

Boudin nous maintient délibé­ rément à distance des trois personnages, comme s'il rechignait à nous foire entrer dans leur intimité, contrairement à Manet.

Le décor aussi est croqué d'une manière totalement dif­ férente.

Loin d'avoir un aspect allégorique, il est restitué avec un classicisme saisissant: sur la gauche, un grand arbre touffu, brossé en touches serrées, anime l'arrière-plon.

Au milieu de la toile, un autre arbre très élancé surplom­ be un massif d'arbustes très dense.

Le ciel légèrement vaporeux est rendu ovet une palet­ te claire, annonçant les plus belles harmonies des impressionnistes.

LA CRITIQUE Boudin a été plus facilement accepté que ses omis impressionnistes.

«Je dirai en deux mots ce qu'est M.

Eugène Boudin: un des plus sin­ cères, un des plus fins et des meilleurs paysa­ gistes du temps présent», écrit M.

de Fourcaud.

LA COTE II faut compter entre 65 000 FF (10000 dollars) et 3,18 millions de francs français (600000 dollars) pour acquérir une huile de Boudin.

Une toile de la même époque, Le Rivage à Plougastel, a changé de main pour 356000 FF (65000 dollars) au cours d'une vente aux enchères à Zürich en 1993.. »