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Etude de la scène X de l'île aux esclaves de Marivaux.

Publié le 03/12/2021

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Étude de la scène X

L’île des esclaves Marivaux

1/ Situation de la scène dans l’oeuvre :

La scène X est la deuxième scène du dénouement (c’est le véritable dénouement de la

pièce). Elle constitue le deuxième aveu d’Euphrosine (le premier étant dans la scène IV avec

Trivelin). Celleci,

comme Iphicrate, avoue à son tour avec plus de sincérité les abus qu’elle a

fait endurer à Cléanthis grâce à sa supériorité sociale.

Cette scène est la suite logique de la scène IX où Arlequin et Iphicrate se réconcilient

moralement et reprennent leur statut initial : « Pourquoi avez vous repris votre habit « (l.4).

Cléanthis est étonnée de constater cette réconciliation générale : « Mais enfin notre projet ?

« (l.11). Elle se lance alors, dans un réquisitoire constitué par sa longue tirade (l.22l.

47), et à

son tour, elle pardonne les actes d’Euphrosine.

2/ Comment est distribuée la parole ?

La scène compte 18 répliques : 6 sont attribués à Cléanthis, 4 à Euphrosine, six à Arlequin et

enfin 2 à Iphicrate. La parole à des valets domine. Arlequin mène la scène, il persuade

Cléanthis de pardonner à sa maîtresse et tire une leçon de morale : Se repentir est être bon,

comme l’explique la troisième tirade d’Arlequin « je me repens, …repentezvous,

…se

repentira aussi ; et vive l’honneur après «.

Iphicrate, quant à lui, corrige la première réplique d’Euphrosine (l.18) et lui propose de suivre

l’exemple d’Arlequin.

Le projecteur est braqué sur les femmes. La réconciliation générale n’aura lieu qu’après celle

d’Euphrosine et Iphicrate.

3/Etude des didascalies :

Les didascalies donnent des indications sur la mise en scène. Cette mise en scène accentue

la bonne volonté d’Arlequin « il embrasse les genoux de son maître « et incite ainsi Cléanthis

à avoir le même comportement à l’égard de sa maîtresse.

Les didascalies sont peu nombreuses et donnent des informations sur les sentiments

qu’éprouvent les personnages : « tendrement « (l.5), « tristement « (l.58), « pleurant « (l.68),

«avec attendrissement « (l.51). Elles font référence au champ lexical de la tristesse.

Elles insistent sur l’émotion que provoque ce dénouement sur les personnages.

XVIIè siècle : siècle classique, règles très rigides en littérature et aux mouvements

artistiques.

XVIIIè siècle : la comédie larmoyante est la base du romantisme (romans sentimentaux) è

siècle des lumières, de la raison, de la logique.

Auteurs dramatiques : Marivaux, Beaumarchais è changer les moeurs par le rire.

Or ici, le public est ému è comédie sentimentale ou larmoyante : mélange de genres

(comédie + tragédies) : annonce du romantisme Marivaux se donne le droit à l’émotion.

4/ Tirade de Cléanthis :

Cette tirade est la plus longue de la scène (très construite), Cléanthis dominant la langue

(style soutenu) porte ici le message de Marivaux sur les « honnêtes gens du monde « dont la

bonté (le « bon coeur «) s’oppose à l’hypocrisie des privilégiés et l’orgueil des aristocrates

avec un ton colérique (exclamations, langage commun), accusateur.

Marivaux dénonce l’abus des maîtres en un réquisitoire contre la société bourgeoise et ses

moeurs. Ce réquisitoire est destiné à une classe sociale déterminée « les honnêtes gens du

monde « qui vise le public.

Cette longue tirade laisse douter les spectateurs sur le choix que va prendre Cléanthis (Va telle

pardonner à sa maîtresse ?). On ressent une certaine ambiance de suspens.

Une opposition se distingue entre les maîtres et les valets « de pauvres gens (domestiques)

que vous avez toujours offensés … tout riches que vous êtes « è parallélisme de

construction.

De nombreux procédés littéraires sont utilisés pour appuyer son argumentation : l’hyperbole

« cent fois plus honnêtes qu’eux «, comparaisons (l.26) « regardant comme de vers de terre

«, l’accumulation (l.28) « de l’or, de l’argent, des dignités « (è rythme ternaire), répétition du

terme « voilà « à la reprise qui insiste sur la dénonciation du caractère des privilégiés. A la

ligne 3334,

on peut distinguer des questions rhétoriques (accompagnées des réponses afin

de faire avancer le récit) « que fautil

être s’il vous plait ? «. Il y a un jeu de miroir qui reflète

l’opposition sociale maîtres/valets + une gradation rythmique (l.2327)

« qui…qui…et qui «

quaternaire.

Pour conclure, on peut dire que cette tirade ressemble à une sentence, comme la donnerait

un juge lors d’un procès : Cléanthis dresse ici un véritable réquisitoire contre les injustices

sociales en montrant sa supériorité dans la maîtrise de la langue. Il est adressé aux maîtres

mais aussi au public noble auquel elle s’adresse directement : « entendezvous,

…les

honnêtes gens du monde « è double énonciation théâtrale. Cléanthis leur reproche d’exercer

un pouvoir arbitraire, fondé sur les privilèges (or, argent) au lieu de la bonté et de la vertu :

annonce de la révolution. Or Marivaux fait pleurer Cléanthis. Sa révolte va échouer ; la pièce

n'est pas vraiment révolutionnaire, la vérité et dans le sentiment.

5/ Etude de la fin de la scène :

La scène s’achève finalement sur un pardon réciproque, plein de sentiments (tradition du

drame larmoyant). Cléanthis accepte finalement de retrouver son statut initial. Elle s’y résigne

sous l’influence de ses trois interlocuteurs (surtout Arlequin).

Sous la pression de cette épreuve, l’inégalité sociale entre Euphrosine et Cléanthis ne se

rétablit pas tout à fait ( Euphrosine propose quand même à Cléanthis de lui rendre sa liberté)

voir réplique finale d’Euphrosine.

Ici on distingue le caractère misogyne de Marivaux : les femmes accèdent plus lentement la

raison, le pardon semble plus difficile à admettre pour celleci.

La scène s'achève sur un ton dramatique. Les sentiments qui animent les personnages

montrent la vérité de leurs pensées (morale chrétienne basée sur le sentiment).

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