Emmanuel Chabrier1841-1894L'apparition lumineuse et fantasque d'un lutin, en quelque songe
Publié le 23/05/2020
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Emmanuel Chabrier
1841-1894
L'apparition lumineuse et fantasque d'un lutin, en quelque songe de nuit d'été, l'irruption
d'un bon diable, ensemble malicieux et bénévole, à travers un conte légendaire d'Orient :
tel fut, parmi le trantran artistique et mondain de la capitale, le sillage d'impressions et de
souvenirs que laissèrent la brève existence d'Emmanuel Chabrier et sa carrière, plus
écourtée encore, de musicien professionnel.
Tel s'y manifesta roulant comme boule à
travers quilles, bousculant les poncifs, narguant les pontifes — ce petit gros homme à
barbiche de chèvre-pied, à cerveau olympien, à nez bourbonien (“ L'Ange du Cocasse ”,
disait de lui son ami Vincent d'Indy).
Il venait à Paris (vers 1857) du fin fond des provinces : on veut dire, de l'Auvergne rude.
Il
était né à Ambert le 18 janvier 1841.
Il tirait son ascendance paternelle d'une antique
souche de bourgeois d'Ambert — marchands, gens d'église, gens de robe.
Son grand-père
était magistrat, son père, avocat.
Tous ces Chabrier étaient naturellement tenus à un certain
décorum.
Ils s'en revanchaient par une singulière propension à l'humour, à la
mystification, aux inventions plaisantes.
C'est d'eux assurément qu'Emmanuel Chabrier
hérita ce don de la bouffonnerie dont furent marqués son caractère, sa vie quotidienne, et
finalement, son génie de musicien.
L'aptitude musicale elle-même, il est vraisemblable
qu'il la devait à sa mère, la gracieuse Evelina Durozay, par laquelle il avait des attaches
dans le Bourbonnais cher aux Muses.
Emmanuel Chabrier — le petit “ Mavel ”, comme on disait en diminutif affectueux, dans le
langage du cru — fut élevé à Ambert jusqu'à l'âge de sa première communion ; puis au
Lycée de Clermont-Ferrand ; enfin au Lycée Saint-Louis, d'où il passa sur les bancs de
l'École de Droit.
Car la famille Chabrier-Durozay s'était transplantée à Paris alors
qu'Emmanuel atteignait sa seizième année.
Plus tard, dans son existence de déraciné (de “ Vaincu de Paris ”, a dit Bergerat), rien ne
devait effacer pour Chabrier l'empreinte des années quasi villageoises, quasi bucoliques,
de son enfance à Ambert.
Au collège, Emmanuel avait été un assez bon écolier ; car il avait
l'esprit prompt, et accordait aux travaux scolaires une application dont son père au surplus
ne l'eût pas dispensé.
Mais dès les années de tendre enfance, tout son effort, toute sa
passion d'apprendre étaient voués à la musique.
A dix ans, à quinze ans, dans les cercles
mondains d'Ambert de Clermont, on l'applaudissait déjà comme un petit virtuose du
clavier.
Après deux ou trois années de Paris, il faisait figure d'un pianiste de haute classe,
sinon encore d'un compositeur rompu au métier.
Rien pourtant de plus fantaisiste, de plus
excentrique, que la formation musicale de Chabrier.
Il eut des maîtres d'une valeur
incontestable, mais qui tous plus ou moins étaient en marge de l'enseignement officiel, de
la Musique patentée.
A Ambert, ses débuts se firent avec deux Espagnols, deux réfugiés
carlistes : Zaporta et Pitarch.
A Clermont, il eut pour professeur un immigré polonais, le
violoncelliste Tarnowski ; au Lycée Saint-Louis, un autre Polonais dont la réputation, il est
vrai, était déjà bien établie : le pianiste Edouard Wolff.
La composition lui fut enseignée
par un original, injustement obscur, le Nantais Aristide Hignard, auteur d'opérettes..
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