E.L. « user l’existence par le plaisir » Honoré de BALZAC, La Peau de Chagrin, 1831, Partie 2, « La femme sans cœur », pages 262-263, GF. De « […] Je préfère la mort à cette vie. » à « mourir avec élégance. »
Publié le 18/06/2025
Extrait du document
«
E.L.
« user l’existence par le plaisir »
Honoré de BALZAC, La Peau de Chagrin, 1831, Partie 2, « La femme sans cœur », pages 262-263, GF.
De « […] Je préfère la mort à cette vie.
» à « mourir avec élégance.
»
1.
Lecture et repérage
2.
Pistes pour une introduction
[…] Econduit par Fœdora, à qui il a avoué ses sentiments et la la manière dont il s’est ruiné pour elle, Raphaël est prêt à
mettre fin à ses jours.
Il rencontre Rastignac qui, une nouvelle fois, fait l’éloge de la « dissipation », vie faite de
divertissements superficiels et de dettes jamais payées.
Il prend la parole après Raphaël.
3.
Propositions de projets de lecture
En quoi cet échange entre Raphaël et Rastignac fait-il osciller création et destruction ?
En quoi Rastignac propose-t-il une solution paradoxale à son ami ?
En quoi HB nous invite-t-il, à travers le personnage de Rastignac, à réfléchir sur la façon de dépenser son énergie vitale ?
4.
Étude linéaire :
Mouvement 1 : L’élan suicidaire de Raphaël rencontre le cynisme de Rastignac
« […] Je préfère la mort à cette vie.
Aussi cherché-je avec conscience le meilleur moyen de terminer
cette lutte.
Il ne s’agit plus de la Fœdora vivante, de la Fœdora du faubourg Saint-Honoré, mais de ma
Fœdora, de celle qui est là, dis-je en me frappant le front.
Que penses-tu de l’opium1 ? — Bah ! des
souffrances atroces, répondit Rastignac.
— L’asphyxie ? — Canaille ! — La Seine ? — Les filets
5
et la Morgue sont bien sales.
— Un coup de pistolet ? — Et si tu te manques, tu restes défiguré.
- Phrase 1 : P1 + verbe de sentiment, vœu au présent (plusieurs valeurs possibles : énonciation, habitude ?) +
opposition vie/ mort > Raphaël, de nouveau, pense au suicide et c’est sous forme d’euphémisme qu’il verbalise son
souhait d’en finir.
- Phrase 2 : conjonction (annonce une conséquence) + toujours P1 et présent (« aussi » entraîne l’inversion du sujet) +
voc.
de la raison + superlatif paradoxal car il est mis en opposition avec l’idée de suicide : notons l’euphémisme + la
métaphore guerrière « terminer cette lutte ».
Raphaël semble sans solution autre que la mort.
> Registre pathétique et
tragique du passage.
- Phrase 3 : Il semble ensuite donner les raisons de sa volonté d’en finir : cf.
anaphore de « Fœdora » qui semble
rendre compte de l’obsession de R pour cette « femme sans cœur ».
C’est ce qu’il semble dire par la gestuelle qui
théâtralise le passage : « en me frappant le front ».
Le front est le siège de ses pensées.
Notons la progression « la » >
« ma » : Fœdora est devenue comme idéalisée et obsédante.
- 4 : La fin de ce 1er mouvement consiste en un échange de courtes phrases de la part des 2 perso.
: cf.
tirets + verbes
de parole > impression de stichomythies théâtrales (= succession rapide de très courtes répliques, au théâtre.) Les
répliques de Raphaël sont uniquement nominales après sa 1re question adressée à Rastignac et sont toutes des questions
: « Que penses-tu de l’opium ? »/ « L’asphyxie ? »/ « La Seine ? »/ « Un coup de pistolet ? » :
1
Opium : n.
m.
Suc du fruit d'un pavot, utilisé comme stupéfiant.
il s’agit d’une énumération de possibles moyens de suicides : par l’ingestion de fortes drogues/ étouffement/ noyade/
arme.
Le discours de Raphaël semble sérieux.
À chacune de ces propositions, Rastignac répond par des objections, non sans humour ou, au moins, ironie : « — Bah !
des souffrances atroces »/ « Canaille ! »/ « Les filets et la Morgue sont bien sales.
»/ « Et si tu te manques, tu restes
défiguré.
» > il imagine les inconvénients des formules proposées par Raphaël.
Ironie et humour noir de Rastignac.
> Nous sommes là dans un échange rapide, une scène, où se mêlent différents registres contradictoires : dans ce
mouvement, au pathétique ou tragique de Raphaël, s’oppose l’ironie voire le cynisme de Rastignac.
Cynisme : qui relève d’une attitude cynique.
Cynique : Philo.
Qui appartient à l'école philosophique de l'Antiquité qui cherchait le retour à la nature en méprisant les
conventions sociales, l'opinion publique et la morale commune.
2.
Qui exprime sans ménagement des sentiments, des
opinions contraires à la morale reçue.
Mouvement 2 : Rastignac expose sa théorie
6
Écoute, reprit-il, j’ai comme tous les jeunes gens médité sur les suicides.
Qui de nous, à trente ans,
ne s’est pas tué deux ou trois fois ? Je n’ai rien trouvé de mieux que d’user l’existence par le plaisir.
8
Plonge-toi dans une dissolution profonde, ta passion ou toi, vous y périrez.
L’intempérance, mon
cher ! est la reine de toutes les morts.
Ne commande-t-elle pas à l’apoplexie foudroyante ?
10
L’apoplexie est un coup de pistolet qui ne nous manque point.
- Phrase 1 : prise de parole de Rastignac sous forme, en qq sorte, d’un monologue/ d’une tirade : cf.
vb de parole + «
je ».
Commence par un impératif, sorte de captatio benevolentiae (ou fonction phatique pour confirmer l’attention et le
bon contact du destinataire) : début d’une démonstration qui requiert l’attention de l’auditoire, le « tu » présent dans
l’impératif + cela semble annoncer une opinion, une leçon, une réflexion voire un aveu, un secret.
Puis PC : retour sur le passé (« j’ai médité ») > action/ valeur accomplie + comparaison qui laisse entendre le caractère
commun de la réflexion + un regard porté sur sa génération > cf déterminant « tous », collectif > invite à penser à la
jeunesse désœuvrée du XIXe siècle & au « mal du siècle » + confirme la thématique de la discussion par le substantif «
suicide ».
- Phrase 2 : Question rhétorique + « nous » qui sous-entend un état d’esprit commun à la jeunesse actuelle (résumée
par « à trente ans ») + CL de la mort, de....
»
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