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Dans Le Barbier de Séville (1775), Beaumarchais fait dire au personnage de Figaro : «Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer.» En 1988, le comique Pierre Desproges meurt d'un cancer, mal qu'il a longtemps caricaturé dans ses sketches doux-amers.Pourquoi rit-on de situations graves, voire tragiques ? N'y a-t-il pas là une contradiction ? Comment l'expliquez-vous ? Vous répondrez dans un développement composé, illustré d'exemples précis tirés de vos lectures mais

Publié le 15/05/2020

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Ci-dessous un extrait traitant le sujet : Dans Le Barbier de Séville (1775), Beaumarchais fait dire au personnage de Figaro : «Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer.» En 1988, le comique Pierre Desproges meurt d'un cancer, mal qu'il a longtemps caricaturé dans ses sketches doux-amers.Pourquoi rit-on de situations graves, voire tragiques ? N'y a-t-il pas là une contradiction ? Comment l'expliquez-vous ? Vous répondrez dans un développement composé, illustré d'exemples précis tirés de vos lectures mais aussi d'autres domaines (cinéma, spectacles, arts graphiques, etc.). Ce document contient 3033 mots soit 7 pages. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système gratuit d’échange de ressources numériques. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en Littérature.

« Buffon dans son Histoire Naturelle écrit : «Le rire et les pleurs sont des signes particuliers à l'espèce humaine pourexprimer le plaisir ou la douleur de l'âme.» Et Voltaire observe plaisamment dans l'article Rire du Dictionnairephilosophique : «On dit que quelques personnes sont mortes de rire ; j'ai pensé à le croire, et sûrement il en estdavantage qui sont mortes de chagrin».

On rit des bons moments de la vie, quand on ale coeur léger.

On pleure,parfois sans le montrer, quand on ne peut contenir sa tristesse. Il y aurait donc quelque chose d'absurde, de fou, à rire quand on est triste.

C'est pourtant la ligne de vie qu'aadoptée Figaro, valet de comédie plein d'esprit.

C'est aussi l'attitude que choisit le comique Pierre Desproges,bravant une maladie terrible.

Ces deux-là sont-ils des exceptions ?L'association, à une cause douloureuse, d'une manifestation comique est-ellesi paradoxale qu'il y paraît d'abord ? lisera, en tout cas, intéressant de mettre au jour les intentions de ceux quicomme Figaro s'efforcent de rire de leurs misères «de peur d'être obligé(s) d'en pleurer». I.

Figaro, personnage du Barbier de Séville, alter ego de son créateur, avait une vocation : écrire.

il était bourré de talent, et il le savait.

Pourtant, abandonné par ses parents, il grandit sans protection, condamné à servir, dansune société où la liberté était un vain mot.

Contraint de faire taire son esprit, il troqua la plume contre le peigne etle rasoir pour ne pas connaître la misère ou la prison.

Au début de la pièce, créée à la veille de la Révolution en1775, il retrouve son ancien maître, le comte Almaviva et, dans une tirade éblouissante, lui expose sa philosophie :«fatigué d'écrire, ennuyé de moi, dégoûté des autres, abîmé de dettes...

j'ai quitté Madrid, accueilli dans une ville,emprisonné dans l'autre et partout supérieur aux événements, (me voici) enfin établi dans Séville et prêt à servirvotre Excellence».

Ce qui lui a donné une philosophie aussi gaie ? L'habitude du malheur.

«Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer».

C'est ce que l'on appelle «faire contre mauvaise fortune bon cœur». Deux siècles plus tard, un autre humoriste, Pierre Desproges, atteint d'une maladie incurable, le cancer, lance àson public «Noël au scanner.

Pâques au cimetière.» ou encore, se parodiant lui-même, cette fois : «Desproges est mort.

Étonnant, non ?» et déclenche le rire dans la salle. On pourrait citer encore bien des exemples.

Le dessinateur humoristique Sempé, qui était loin de prendre la vie àla légère, l'avenir l'a prouvé, nous fait sourire de son tout petit homme perdu dans la jungle des villes, aussisolitaire dans une cour vide, cernée de tours, qu'au beau milieu d'un embouteillage, tentant assez naïvement devivre à contre-courant dans son minuscule pavillon cerné par les gratte-ciel.

Homme de communication par saprofession et son talent, il hérisse les habitations d'antennes et s'amuse à planter Chaque couple devant la mêmeémission de télévision, tandis que les enfants livrés à eux-mêmes dans un coin de la pièce s'adonnent à desactivités d'adultes intelligents.

Nous sourions de ce monde qui ne tourne pas rond et qui est aussi le nôtre.

Et lesalbums de Sempé s'offrent comme cadeau de Noël. Et Georges Brassens, la guitare en bandoulière et l'oeil pétillant de malice, chante, tour à tour, les exploitsrabelaisiens du gorille ou des gaillardes commères de Brive, et la haine dont les «braves gens» poursuivent le marginal, et la mort, «la Camarde qui ne (lui) a jamais pardonné / D'avoir planté des fleurs dans les trous de son nez / (et le) poursuit d'un zèle imbécile», et Charlie Chaplin et Woody Allen. Aujourd'hui, comme par le passé, les auteurs s'amusent et nous amusent en effet bien souvent avec ce quia priori devrait plutôt faire pleurer.

Conteurs, auteurs dramatiques, poètes, ils portent sur la réalité la plus lugubre unregard sélectif pour y déceler le détail insolite, cocasse.

Pendant longtemps, l'écrit fut le seul moyen d'enregistrerdurablement un discours.

Cependant, il ne faudrait pas croire que l'humour soit l'apanage des écrivains, puis éventuellement une attitude littéraire.

Observons notre comportement ou celui de notre entourage et nous enaurons la preuve. Certains êtres sont affligés par exemple d'une laideur impossible à dissimuler.

Grave injustice du sort à l'ère de laphotographie et de la vidéo.

Sartre accepte que la couverture des Mots dans la collection Folio, s'orne d'une caricature qui jette à la tête du futur lecteur son strabisme, et accentue la taille de ses oreilles dans une têteexagérément grande par rapport au reste du corps.

Mais nous connaissons tous des êtres laids qui, sans êtrephilosophes, prennent leur parti de leurs traits disgracieux et ne craignent pas d'en plaisanter.

Ils optent pour deslunettes humoristiques, des tenues farfelues, acceptant d'attirer l'attention.

Est-ce à dire qu'ils s'habituent à leurlaideur ou méprisent l'avantage que la nature leur a refusé ? On aurait ton de le croire et, le cas échéant, onregrettera de les avoir blessés par un mot maladroit.

Ils n'en avaient donc pas pris leur parti, pas plus que Cyrano! D'autres fois, c'est la société qui est impitoyable.

Toute société sécrète des normes et donc des anomalies.

DeVillon aux punks, en passant par Restif de La Bretonne, Beaumarchais, Beckett ou Brassens, la comédie humaine nemanque pas d'originaux, malmenés par les circonstances, aussi incapables de rentrer dans le rang que d'assumerleur statut de marginaux.

Voici au XV 9 siècle, dans un monde en désarroi que va balayer le raz de marée de la Renaissance, Villon entouré de tous les miséreux dont il partage l'existence hasardeuse.

Il chante la «Ballade de bonne doctrine à ceux de mauvaise vie» : c'est en vain que ceux-ci s'évertuent à gagner — honnêtement ou malhonnêtement — leur vie, rimant, faisant des tours de prestidigitation, jouant (ou trichant) aux cartes,fabriquant de la fausse monnaie, ou même labourant, pansant chevaux et mules.

Tout ce qu'ils gagnent, ils savent. »

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