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compagnonnage

Publié le 06/12/2021

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compagnonnage, en France, société initiatique d'apprentissage et de solidarité réunissant des artisans.

Les compagnonnages ont aujourd'hui perdu beaucoup de leur importance au sein du monde ouvrier et artisanal ; jusqu'au XIXe siècle, ils constituèrent de puissantes organisations. Les différents compagnonnages (de Salomon, de maître Jacques, du Devoir) rassemblaient chacun plusieurs corps de métiers. Tous avaient en commun l'usage d'un argot spécifique et des pratiques rituelles initiatiques, plus ou moins secrètes ; tous se rattachaient à un passé mythique et, sinon chrétien, du moins biblique ; tous enfin avaient pour triple objectif la moralisation, la défense et la formation des ouvriers (terme générique comprenant aussi bien les artisans que les ouvriers). Ils intégraient un examen initiatique, conclusion d'un tour de France sanctionné par la réception d'un « chef d'œuvre «. Tous disposaient d'un réseau de maisons où ils pouvaient trouver le toit et le couvert, maisons appelées « mères «, gérées par des femmes portant le même titre. Enfin, tous nourrissaient vis-à-vis des autres compagnonnages une solide hostilité, de même qu'à l'intérieur de chaque compagnonnage des rivalités opposaient les différents corps de métiers. Sans doute résidait là l'une de leurs grandes faiblesses.

L'origine mythologique revendiquée par les compagnons comprenait trois figures emblématiques : Salomon, maître Jacques et le père Soubise ; et deux moments : la construction du temple de Jérusalem, dont Jacques aurait été l'architecte avec son ami Soubise, et la fin de l'ordre des Templiers, bâtisseurs féconds, maître Jacques devenant alors Jacques de Molay, le dernier maître exécuté en 1314 sur l'ordre de Philippe le Bel. Sur cette matrice, chaque époque et chaque métier brodait sa propre variante. Les gens du bâtiment furent réellement les créateurs du compagnonnage.

Héritiers sans doute des ghildes, fratries et hanses nées dès le VIIIe siècle, les compagnonnages apparurent formellement au XIIIe siècle, principalement dans le cadre de la construction des cathédrales. D'emblée, le serment et le secret soudaient les membres de ces associations souvent mystérieuses comme ces forgerons du deverium en forêt d'Othe. Les parcours des compagnons furent attestés à Rouen au XIVe siècle. Au début du XVe siècle, les brodeurs, les menuisiers, les tondeurs étaient en justice en tant que corps. À la fin du Moyen Âge, l'essentiel des caractères du compagnonnage était, en tout cas, dessiné.

Au XVIe siècle, les premiers textes juridiques tentèrent expressément d'empêcher les réunions des compagnons (Châtelet de Paris, 1506 ; ordonnances royales de 1539, 1564, 1566, 1567, etc.) ; une « mère « fut mentionnée à Dijon en 1540. Les libations, les mères, les réunions, les masques, les rois attirèrent sur les compagnonnages les foudres des justices ecclésiastiques et royales. Les imprimeurs de Lyon furent ainsi menés entre procès et émeutes de 1539 à 1573 contre l'autorité royale. Celle-ci, la multiplication des interdits le montrait, était en fait impuissante à empêcher l'accroissement des compagnonnages.

Ces derniers s'engagèrent dans les conflits religieux : les « gavots « de Salomon tinrent pour les réformés, les « dévoirants « de maître Jacques pour les catholiques et les rivalités entre les sociétés s'attisèrent, en même temps que leur capacité d'intervention sur les salaires et les embauches. Au XVIIe siècle, après une série de procès contre les cordonniers et autres ouvriers du textile et cuir (1643-1655), Michel-Henry Buch tenta de créer une structure « honnête «, avalisée par la Sorbonne et l'État — en fait, les « couvents-coopératives « créés à Paris, Lyon et Soissons devinrent à leur tour des foyers de résistance aux maîtres et aux autorités des corporations.

Les compagnonnages inquiétèrent de façon croissante les autorités civiles avant la Révolution : à Dijon, vingt procès furent intentés aux compagnonnages de 1667 à 1785. À Marseille, gavots et dévoirants s'allièrent même ponctuellement (1726). Présents dans tout le royaume, les compagnons rédigèrent leurs règles et les précisèrent ; ils eurent, à la fin du XVIIIe siècle, le pouvoir de « damner « une ville en la privant de la quasi-totalité de ses ouvriers. Leur « fermentation « est évoquée par Louis Sébastien Mercier dans son Tableau de Paris. Ils furent, de ce fait, l'une des principales cibles des décrets d'Allarde et Le Chapelier de 1791, interdisant les coalitions et les corporations ouvrières.

Sous la Révolution, et plus encore sous l'Empire, les compagnonnages furent tolérés et surveillés étroitement par la police. La conscription leur enleva d'importantes forces vives et les compagnonnages connurent sous la Restauration une période de renouveau, malgré quelques heurts avec les autorités (1820 à Angoulême, par exemple) : les compagnons regrettaient l'Ancien Régime, sans livret ouvrier et sans loi d'Allarde. Contrôlant l'embauche et les salaires, les compagnonnages firent l'objet d'attaques nombreuses de la part de la monarchie de Juillet ; ils furent réhabilités par l'œuvre d'Agricol Perdiguier, menuisier, élu député en 1848, qui tenta d'adapter les compagnonnages aux nouvelles donnes économiques, industrielles et sociales, après les avoir célébrés, en 1839, dans Le Livre du compagnonnage. Généreux, le combat était d'arrière-garde : le compagnonnage était incapable de s'adapter à un monde ouvrier travaillant en usine dans une France irriguée par les chemins de fer. Les tentatives d'union compagnonniques aboutirent en fait à un nouvel éparpillement : fondée en 1889, l'Union compagnonnique devint bientôt une quatrième obédience compagnonnique. Le XIXe siècle assista surtout à la naissance du compagnonnage romantique — en même temps que les compagnons se faisaient écrivains. Les compagnons du XXe siècle acceptèrent d'être aussi des syndiqués ; relativement préservés lors de l'épisode de l'État français, les compagnonnages se dotèrent de structures fermes entre 1945 et 1946. Le compagnonnage est aujourd'hui une institution de formation reconnue dans le monde artisanal et dans celui du bâtiment.

Sociétés secrètes, sociétés de défense des ouvriers, sociétés nostalgiques de l'ordre ancien, les compagnonnages furent le symbole d'une remarquable continuité des structures associatives du monde ouvrier.

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