Commentaire sur le portrait de Vautrin, Père Goriot

« GARTOTE Inès, Commentaire de littérature française – P145-147 16/10/2020 Commentaire littéraire - Le Père Goriot , Balzac « Il avait vu les trois grandes expressions de la Société : l’Obéissance, la Lutte et la Révolte ; la Famille, le Monde et Vautrin.

Et il n’osait prendre parti ».

Ces deux phrases, tirées de la quatrième et dernière partie du Père Goriot , La mort du Père , sont une forme de synthèse du parcours initiatique que suit Rastignac tout au long du roman.

Vautrin, ancien forçat qui dissimule son identité véritable, y est rattaché à l’idée de révolte.

Ce rapprochement trouve sa source dans l’extrait étudié.

Ce dernier se situe au commencement de la seconde partie du roman, intitulée L’entrée dans le monde .

Au début de cette nouvelle partie, Rastignac, après avoir demandé de l’argent aux femmes de sa famille, est confronté à un dilemme : il est partagé entre son désir de parvenir et celui de s’en tenir à sa morale.

C’est finalement le premier qui semble triompher.

Se pose alors la question du chemin à emprunter pour monter l’échelon social.

L’extrait étudié a lieu dans le jardin de la pension Vauquer, alors que Rastignac prend à part Vautrin, suscitant du même coup l’angoisse de Mlle Taillefer qui craint un possible duel. La scène de face-à-face entre les deux hommes se solde en un discours que Vautrin livre à Rastignac.

Ce discours est décisif dans les projets d’ascension sociale de Rastignac : il constitue une option, un chemin de vie que Vautrin lui vend.

Le personnage de Vautrin est présenté à Rastignac et au lecteur, tant par ses dires et la philosophie de vie qu’il expose que par son comportement.

Comment Balzac fait-il de Vautrin un personnage ambivalent et, de ce fait, fascinant, tant pour Rastignac que pour le lecteur ? Si Vautrin apparaît comme un guide charismatique et éloquent, il évoque sous certains aspects une figure amorale et inhumaine. Dans un premier temps, Balzac fait de Vautrin un personnage qui se veut décisif dans les choix de vie de Rastignac.

Dans son discours, l’homme se présente à Rastignac comme un guide et un conseiller, incarnant une figure charismatique et fascinante. Son discours et sa posture de guide sont légitimés et appuyés par sa propre expérience.

Vautrin est un homme au passé fourni et brumeux : il se décrit comme un véritable picaro, et ce dès la première phrase, « j’ai eu des malheurs » (l1).

La construction syntaxique très simple laisse transparaître l’expérience de l’homme dans un laconisme « viril ».

Le seul mot « malheurs » englobe ainsi l’ensemble de ses péripéties.

Plus loin, on retrouve cet alliage de sobriété et de récit autobiographique lorsqu’il affirme « voilà ma vie antérieure en trois mots » (l2,3).

Cette exagération rhétorique traduit là encore sa volonté de brièveté.

Il se refuse ainsi à s’étendre sur sa vie -ce qui s’explique aussi par son passé de forçat- et à verser dans le pathos, ce qui en fait en quelque sorte un modèle de virilité.

Le lourd bagage d’expériences porté par Vautrin est néanmoins rendu visible, notamment par l’utilisation constante du passé composé : « j’ai lu » (l16), « j’ai appris » (l17), « j’ai bien réfléchi » (l22) ou encore « j’ai tiré » (l31).

Le temps utilisé établit un lien entre le passé et le présent : sa vie 1. »