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COMMENTAIRE : Molière, Le Médecin malgré lui, acte II, scène 4, 1666

Publié le 06/11/2022

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« COMMENTAIRE : Molière, Le Médecin malgré lui, acte II, scène 4, 1666 C’est en 1666, après les difficultés que lui a causé la cabale des dévots contre Tartuffe et Dom Juan que Molière revient à une pièce dont le titre, Le Médecin malgré lui, montre qu’elle est plus directement inspirée par la farce traditionnelle, avec la satire des médecins héritée du moyen-âge.

Il met d’emblée l’accent sur le personnage, Sganarelle, mais en sous-entendant déjà qu’il s’agit d’un faux médecin, puisqu’il l’est devenu « malgré lui », « après une ruse de sa femme » comme le précise le paratexte.

Nous assistons donc dans cette scène à la confrontation de deux mensonges, celui de Lucinde, qui « feint d’être muette » pour échapper à un mariage arrangé par son père, Géronte, et celui de Sganarelle. Afin d’analyser les procédés mis en œuvre par Molière pour atteindre les cibles de sa satire, nous observerons d’abord la situation, puis nous étudierons le personnage de Sganarelle, enfin les réactions des assistants. Observation de l’introduction On notera les étapes de la démarche, qui progresse du plus général au plus précis : - Une ouverture, s’appuyant sur l’histoire littéraire, pose le thème, « la satire des médecins », ici en s’appuyant sur le titre de la pièce. - Puis vient la présentation de l’œuvre (genre, date) dont est tiré l’extrait à commenter : le paratexte est souvent utile pour le situer dans l’ensemble de l’intrigue. - Cette présentation conduit à poser une problématique, suivie de l’annonce du plan de l’étude, ici en trois parties. On soulignera la façon dont s’enchaînent ces différentes étapes. Confirmant le titre de la comédie, le paratexte nous apprend que Sganarelle n’est pas « médecin ».

Cette scène est donc une mise en abyme, dans laquelle le médecin, acteur, joue un rôle, en se livrant à une consultation parodique. Le comique de la situation naît d’abord du décalage entre l’apparence et la réalité.

Nous pouvons imaginer déjà que Sganarelle a revêtu l’habit du médecin, et, la didascalie « en faisant diverses plaisantes postures » suggère qu’il parodie les gestes d’une consultation.

Il doit, bien sûr, masquer son ignorance, et, pour ce faire, le langage joue un rôle essentiel, à commencer par l’emploi du latin… après avoir vérifié que Géronte ne pourra pas démasquer son imposture : « Vous n’entendez point le latin ? » Il se lance alors dans une longue réplique dans un latin en partie inventé, en partie emprunté à un manuel scolaire.

Il en arrive même à du grec et à de l’hébreu, tout aussi imaginaires, dans une autre analyse.

Il est donc parfaitement entré dans le rôle qui lui a été imposé. Mais la situation est comique aussi par la maladie même que sa consultation doit soigner : « Lucinde feint d’être muette », nous apprend le paratexte.

Le diagnostic est donc évident, et il ne revient au médecin que d’en formuler la cause, ce qui est déjà rendu comique par l’emploi d’une périphrase : « cet empêchement de l’action de sa langue ».

Or, pour en arriver là, Sganarelle prétend avoir construit un raisonnement, sur lequel il insiste et qu’il entend bien poursuivre : « Pour revenir donc à notre raisonnement », « comprenez bien ce raisonnement, je vous prie ».

Molière met alors en valeur un nouveau décalage comique, entre la rationalité, affichée, et la réalité, l’ignorance, en multipliant d’abord les points de suspension dans sa première tirade, puis en alignant une explication vide de sens à grand renfort de redondances : « cet empêchement de l’action de sa langue est causé par de certaines humeurs, qu’entre nous autres savants nous appelons humeurs peccantes ; peccantes, c’est-à-dire… humeurs peccantes ; d’autant que les vapeurs formées par les exhalaisons des influences qui s’élèvent dans la région des maladies, venant… pour ainsi dire… à… » Toutes ces hésitations tranchent avec la conclusion solennelle de ce discours vide : « Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette.

».

Ainsi, l’absurde met un point final à cette situation comique. Cependant, le comique n’est pas gratuit, il vise à la fois à divertir et à instruire. Observation de la structure d’une partie de commentaire On observera la démarche suivie pour mener l’étude : -Une introduction partielle en annonce les sous-parties, des paragraphes marqués par un alinéa. -Une conclusion partielle ferme la partie, tout en permettant l’enchaînement avec la suivante : elle forme une transition. Les paragraphes, eux aussi, sont construits rigoureusement : -Une phrase ouvre le paragraphe en en posant, de façon simple et directe, l’idée générale. -Le cœur du paragraphe démontre cette idée, en introduisant plusieurs arguments. -Ces arguments sont eux-mêmes soutenus par des exemples, à propos desquels on associe le sens et le procédé d’écriture utilisé. -Une phrase de bilan termine le paragraphe : on évite de la finir sur un exemple. On veille à enchaîner ces composantes de l’analyse, notamment grâce à l’emploi de connecteurs logiques. Cette situation a, en effet, un objectif : dénoncer les défauts des médecins, au premier chef leur prétention et leur ignorance, sans oublier leurs traitements sans effets. Pour jouer les médecins, Sganarelle doit reproduire leur comportement, qui se définit d’abord par l’orgueil, complaisamment étalé quand il se qualifie : « entre nous autres savants ».

Ce pronom « nous », répété, accentue la valeur que les médecins s’accordent par un savoir qui les rend d’emblée supérieurs aux hommes ordinaires.

Le ridicule ressort ici tout particulièrement quand, de façon absurde, Sganarelle en arrive à modifier la biologie en inversant « le foie » et « le cœur », mais en posant cela comme un progrès de la médecine : « nous avons changé tout cela, et nous faisons maintenant la médecine d’une méthode toute nouvelle.

» La comparaison en réponse aux excuses de Géronte, « vous n’êtes pas obligé d’être aussi habile que nous.

», révèle tout le mépris dont sont capables les médecins. Mais cette prétention n’est qu’un moyen, aux yeux de Molière, de masquer l’incompétence des médecins.

Ainsi, dans le discours de Sganarelle, il ridiculise la théorie de son époque sur les « humeurs », considérées alors comme cause des maladies.

Il la rend absurde par la répétition de ce mot, accompagné de l’adjectif « peccantes », c’est-à-dire coupables (mais qu’il ne définit pas), puis remplacé par un synonyme, « les vapeurs », qu’il ne parvient pas mieux à définir.

Il se lance alors dans une description totalement fantaisiste de cette circulation : il inverse les organes, fait communiquer « le poumon » et « le cerveau » par l’intermédiaire de « la veine cave », située principalement dans l’abdomen et qui s’ouvre dans le cœur, tandis qu’il attribue des « ventricules », propres au cœur, à « l’omoplate ».

La répétition de la formule « lesdites vapeurs » vise à renforcer le ton didactique de cette explication, tout en effrayant celui qui l’écoute, par l’insistance, « lesdites vapeurs ont une certaine malignité ».

Il suggère ainsi le danger de ces « vapeurs », de même que le terme « âcreté » qui évoque.... »

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