Databac

Commentaire de le scène 10 de la première partie de la pièce Cendrillon de J.Pommerat

Publié le 30/04/2025

Extrait du document

« Le texte proposé à l'étude est un extrait de la pièce de théâtre Cendrillon de Joël Pommerat, dramaturge mais essentiellement metteur en scène contemporain.

Ce dernier est notamment lauréat du « Prix Europe pour le théâtre » en 2016 .

Cette pièce est une réécriture du conte de Perrault.

Il s’agit de sa deuxième réécriture de conte : il a effectivement porté sur scène Le Petit Chaperon rouge en 2005.

La Première de Cendrillon s’est quant à elle déroulée le 11 octobre 2011.

Le motif principal du conte est repris, à savoir le remariage d'un père, remariage engendrant une situation de maltraitance pour sa fille. L'extrait en question se situe au début de la pièce, scène 10 de la première partie des lignes 1 à 70.

Il a pour sujet la répartition des tâches ménagères effectuée par la belle-mère. Comment l’auteur met-il en lumière l’assujettissement subi par la très jeune fille dans cet extrait de Cendrillon ? Il s'agira d'abord d'explorer la façon dont les corvées sont réparties, avant de s'attacher à mieux comprendre l’influence du personnage de la mère décédée de Sandra. En premier lieu, Joël Pommerat se penche sur la soumission de la très jeune fille à travers la répartition très contrastée des tâches ménagères effectuée par la belle-mère.

Dès la première didascalie, l’indication « la très jeune fille a l’air sombre » dévoile l’incommodité ressentie par cette dernière : l’adjectif qualificatif « sombre » montre qu’elle ne se sent pas à sa place au sein de cette nouvelle famille, elle est morose.

La belle-mère prend alors instantanément la parole, elle comble déjà l’espace scénique par sa présence et annonce : « depuis toujours, les enfants aident aux tâches ménagères et participent à des travaux simples de rangement et de nettoyage ».

La locution adverbiale « depuis toujours » indique qu’il s’agit d’une évidence dans cette maison.

Cela va de soi et il n’est même pas pensable de procéder d’une façon différente.

Suite à cette intervention, les deux soeurs paraissent étonnamment joyeuses, ce qui est exprimé à travers les répliques suivantes « absolument », « on aime bien ça », « super ! », correspondant respectivement à un adverbe, une phrase déclarative et une phrase exclamative.

Ainsi, elles font l’effort de faire ressortir la bonne ambiance régnant dans cette famille avant l’arrivée des nouveaux venus, ce qu’elles justifient par cette entente à propos de sujets susceptibles d’engendrer des conflits dans tant d’autres foyers.

La belle-mère est par la suite dans une position de domination.

Elle décide effectivement seule du partage des corvées : « J’ai réfléchi à une juste répartition des tâches entre vous ».

Ici, l’utilisation du pronom personnel « je » indique que c’est son propre choix.

De surcroît, cela montre qu’elle ne prendra pas en compte l’avis des autres personnages car elle estime que son choix est préférable et plus légitime.

Par la même occasion, cette dernière insiste sur son désir de parité concernant la répartition des corvées, qu’elle promet alors « juste et équitable ».

Cette idée est renforcée par l’emploi de l’adverbe « évidemment » à maintes reprises : tout d’abord utilisé deux fois par la belle-mère à sept mots de différence seulement, il est repris ensuite par le père qui confirme les paroles de sa compagne.

Ce dernier témoigne ainsi son soutien à la bellemère, il est nécessaire pour lui de préserver leur relation.

Cette lourde répétition démontre déjà subtilement que ces affirmations sont frauduleuses.

Effectivement, en cherchant à trop vouloir rassurer son auditoire à propos des paroles qui vont succéder, un sentiment de méfiance peut-être éprouvé face à cette déclaration à l’allure pourtant si anodine.

Il s’agit donc a fortiori d’une provocation adressée à la très jeune fille.

De fait, la décision de la bellemère est brutale : la répartition des tâches n’est manifestement pas impartiale, elle avantage ses filles.

En effet, « ranger votre linge propre dans les tiroirs », « aidiez la femme de ménage pendant qu’elle s’occupe de la cuisine », ces paroles correspondant aux tâches destinées aux deux soeurs sont à peine qualifiables de « tâches ménagères ».

La réaction des deux soeurs est particulièrement étonnante malgré cette faveur considérable : en répondant « Ah bon? » (l.22) elles ne cachent pas leur surprise.

Elles ne sont pas satisfaites et s’attendaient à tout autre chose.

Néanmoins, il s’agit certainement d’un moyen très raffiné servant à irriter la très jeune fille.

Les deux soeurs se doutent bien que les corvées adressées à Sandra seront infiniment plus ingrates que les leurs.

Réagir ainsi met en évidence leur dérision et instaure alors une certaine distance.

Cela est confirmé par la répétition du « Ah bon? » (l.40), accompagné par « C’est pas des tâches comme ça qu’on faisait avant », une fois les besognes de Sandra dévoilées.

L’autorité exercée par la belle-mère refait alors surface : « Eh bien, on ne discute pas » (L.47).

La négation indique ici que les deux soeurs sont tout de même sous l’emprise de la belle-mère, ce procédé les empêchant de répondre ou de réagir.

Malgré leur révolte, elles sont contraintes de céder.

En revanche, la gradation concernant Sandra est d’un tout autre niveau « tu pourrais aider la femme de ménage à changer les poubelles des différents sanitaires, salles de bains, buanderie, cuisine et aider à porter tout ça ensuite dans le local à poubelles du jardin », ces corvées qui nécessitent notamment la manipulation de détritus, exposent explicitement le dédain éprouvé envers Sandra. La belle-mère s'évertue à humilier la très jeune fille, à la déshumaniser, afin que son rang atteigne un stade méprisable.

Cependant, un effort de modération est notable, via notamment l’emploi du conditionnel « tu pourrais », servant ici à atténuer ses paroles. Mais la condescendance ne s’arrête pas là : à travers son interrogation « tu es d’accord?», la belle-mère n’attend en réalité même pas de réponse, il s’agit là d’un ordre dissimulé, reformulé.

Sandra n’a pas le droit d’y voir d’objection.

Ce stratagème permet en outre de duper le père, qui dénué d’esprit critique du fait de sa soumission pourrait y voir a contrario une marque de sollicitude. Sandra réagit aux attaques de la belle-mère de façon déconcertante : « Oui je suis d’accord ! Ah oui c’est très bien ça ».

L’adverbe “très” démontre qu’elle est d’une docilité stupéfiante, elle est en accord avec tout ce que dit la belle mère.

Il s’agit d’une démonstration claire de sa servitude.

La très jeune fille ne ressent même plus l’utilité de s’indigner face à son propre sort. Elle accepte sa fatalité telle une stoïcienne en partant du principe que tout espoir d’échapper à son destin serait vain.

La didascalie révélant que « la très jeune fille lève la main » renforce cette hypothèse, il s’avère qu’elle considère sa bellemère comme une supérieure digne d’un grand respect et juge utile de se faire approuver avant d’user d’un droit qu’elle conserve pourtant : la liberté de s’exprimer.

Cette attitude est absurde. Dans un élan altruiste, elle accepte même les tâches de ses deux demi soeurs « Si ça leur pose un problème, je crois que je vais aimer ça ».

Ici, elle se punit d’une transgression méconnue pour satisfaire des sentiments de culpabilité inconscients : « ça va me faire du bien de faire ça ». En outre, elle développe consciencieusement ce qu’il l’attend « nettoyer le gras de la cuisinière, racler le gras du four […] la graisse et le gras du four […] c’est vraiment dégoûtant ».

Par l’usage de termes peu valorisants tels que le nom commun « gras », elle accentue la répugnance associée à son travail.

Elle a cependant une conscience lucide de son infériorité.

Effectivement, elle demeure très insolente envers son père : « Qu’est-ce que tu racontes toi ? Je suis pas du tout gentille ! ».

Ici, elle réfute les paroles de son père en utilisant une phrase interrogative puis en employant une négation « pas ».

Persécutée de tous les côtés, Sandra ressent une inconsciente nécessité de dominer tout de même une dernière personne : ici son père, ce qui se traduit chez elle par un manque de respect. Cette réaction disproportionnée peut également signifier de sa part une déception implicite quant à la réaction de son père, qui demeurait pourtant le seul personnage susceptible de la soutenir.

En effet, les paroles du père : « Voilà très bien… c’est gentil ! Ne t’inquiète pas, elle est simple et gentille Sandra » sont assez audacieuses venant d’un père, il se permet même d’employer l’adjectif qualificatif « gentil » pour qualifier la décision de sa femme.

Il ne veut surtout pas que sa fille devienne un obstacle pour son couple et la fait passer au second plan, ce qui la fait naturellement exploser.

De plus, en rétorquant par la suite « Tais-toi, s’il te plaît Sandra, arrête de dire n’importe quoi », on constate également une souffrance paternelle, il n’a pas d’autre issue que de supplier sa fille, de l’implorer afin d’obtenir son.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles