Chants de MaldororLautréamontChant quatrième (extraits)C'est un homme ou une pierre ou un arbre qui va commencer le quatrième chant.
Publié le 22/05/2020
Extrait du document
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Chants de Maldoror
Lautréamont
Chant quatrième (extraits)
C'est un homme ou une pierre ou un arbre qui va commencer le quatrième chant.
Quand le pied glisse sur une grenouille, l'on sent une sensation de dégoût ; mais,
quand on effleure, à peine, le corps humain avec la main, la peau des doigts se fend,
comme les écailles d'un bloc de mica qu'on brise à coup de marteau ; et, de même
que le c œur d'un requin, mort depuis une heure, palpite encore, sur le pont, avec
une vitalité tenace, ainsi nos entrailles se remuent de fond en comble, longtemps
après l'attouchement.
Tant l'homme inspire de l'horreur à son propre semblable !
Peut-être que, lorsque j'avance cela, je me trompe ; mais, peut-être qu'aussi je dis
vrai.
Je connais, je conçois une maladie plus terrible que les yeux gonflés par les
longues méditations sur le caractère étrange de l'homme : mais, je la cherche
encore… et je n'ai pas pu la trouver ! Je ne me crois pas moins intelligent qu'un
autre, et, cependant, qui oserait affirmer que j'ai réussi dans mes investigations ?
Quel mensonge sortirait de sa bouche ! Le temple antique de Denderah est situé à
une heure et demie de la rive gauche du Nil.
Aujourd'hui, des phalanges
innombrables de guêpes se sont emparées des rigoles et des corniches.
Elles
voltigent autour des colonnes, comme les ondes épaisses d'une chevelure noire.
Seuls habitants du froid portique, ils gardent l'entrée des vestibules, comme un droit
héréditaire.
Je compare le bourdonnement de leurs ailes métalliques, au choc
incessant des glaçons, précipités les uns contre les autres, pendant la débâcle des
mers polaires.
Deux piliers, qu'il n'était pas difficile et encore impossible de prendre pour des
baobabs, s'apercevaient dans la vallée, plus grands que deux épingles.
En effet,
c'étaient deux tours énormes.
Et, quoique deux baobabs, au premier coup d' œil, ne
ressemblent pas à deux épingles, ni même à deux tours, cependant, en employant
habilement les ficelles de la prudence, on peut affirmer, sans crainte d'avoir tort (car,
si cette affirmation était accompagnée d'une seule parcelle de crainte, ce ne serait
plus une affirmation ; quoiqu'un même nom exprime ces deux phénomènes de l'âme
qui présentent des caractères assez tranchés pour ne pas être confondus légèrement)
qu'un baobab ne diffère pas tellement d'un pilier, que la comparaison soit défendue
entre ces formes architecturales… ou géométriques… ou l'une et l'autre… ou ni l'une
ni l'autre… ou plutôt formes élevées et massives.
Je viens de le trouver, je n'ai pas la
prétention de dire le contraire, les épithètes propres aux substantifs pilier et baobab :
que l'on sache bien que ce n'est pas, sans une joie mêlée d'orgueil, que j'en fais la
remarque à ceux qui, après avoir relevé leurs paupières, ont pris la très louable
résolution de parcourir ces pages, pendant que la bougie brûle, si c'est la nuit,
pendant que le soleil éclaire si c'est encore le jour..
»
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