Canada (1984-1985): Le début de l'ère Mulroney
Publié le 13/09/2020
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Pierre Elliott Trudeau n'a pas quitté la scène sur la pointe des p
ieds.
Son dernier geste d'éclat aura été de
miner le retour momentanément triomphal, après une absence de neuf
ans de l'arène politique, de son
ancien ministre des Finances John Turner, que la convention libérale
du 16 juin 1984 avait choisi pour lui
succéder à la tête du parti et du gouvernement.
Trudeau a en ef
fet sommé Turner d'effectuer, au
moment même du déclenchement précipité des élections lé
gislatives (annoncées le 9 juillet pour le 4
septembre), une impressionnante série de nominations politiques.
Tur
ner a cédé ...
et l'opinion publique a
très mal réagi.
Il a encore aggravé son cas au cours de la camp
agne électorale: maladresses, faux pas et
vaines rétractations se sont succédé, au point que l'incroyable
s'est produit.
Le chef du Parti
conservateur, Brian Mulroney, avait promis à son parti des gains impo
rtants dans sa propre province, le
Québec, qui votait libéral depuis presque cent ans.
Promesse tenue
...
avec intérêts.
Avant l'élection, le
Québec comptait un seul député conservateur.
Le soir du 4 septe
mbre 1984, il en comptait 58 sur 75: les
libéraux fédéraux n'ont pas survécu au départ de Trudeau
et à l'offensive de charme de Mulroney, et
même les nationalistes ont préféré ce dernier au Parti natio
naliste, d'inspiration indépendantiste, qui n'a
jamais réussi à décoller.
De l'Atlantique au Pacifique, les Can
adiens ont voté conservateur, envoyant au
Parlement 211 députés de cette formation, 40 libéraux et 31 NDP
(Nouveau parti démocratique, social-
démocrate).
A l'automne 1984, trois défis majeurs attendaient le nouveau gouverne
ment: le déficit budgétaire, le
chômage et la question du Québec.
Le déficit, de 36 milliards d
e dollars canadiens (en mai 1985 le dollar
canadien équivalait aux trois quarts du dollars américain), ét
ait un des plus élevés d'Occident rapporté à
la production nationale (8,5% du PNB).
Le chômage était en baiss
e mais n'arrivait pas à se fixer au-
dessous de 10%, malgré un taux de croissance très respectable (4,
6%) du PNB en 1984.
Il faut dire que
le Canada avait été durement touché par la récession de 1981
-1982 et que les profits des entreprises se
situaient encore en 1984 loin de leur niveau d'avant la récession.
Le
s investissements stagnaient, d'autant
plus que les entreprises manufacturières ne fonctionnaient toujours q
u'à 77% de leur capacité au dernier
trimestre 1984.
Heureusement,il restait les exportations, essentiellemen
t destinées au marché américain:
grâce à la forte croissance du voisin du Sud et à la hausse du
dollar américain, elles ont progressé de
19%.
C'était un des deux seuls rayons de lumière dans un tableau p
lutôt gris, le second provenant de la
stabilité relative des prix.
Le Québec n'a pas signé l'entente constitutionnelle d'avril 1982,
qui lui fut imposée, péripétie majeure de
l'affrontement constant entre le gouvernement libéral d'Ottawa et cel
ui du Parti québécois, entre Pierre
Trudeau et René Lévesque.
La défaite libérale a fourni l'occ
asion de redéfinir la place du Québec au sein
de la fédération.
Renversement des tendances
Brian Mulroney a fait campagne sur l'assainissement des finances publiqu
es, la relance économique, la fin
des confrontations avec les provinces (dont le Québec) et le rét
ablissement de bonnes relations avec
Washington.
Les deux derniers points étaient acquis six mois après
l'entrée en fonction du gouvernement
conservateur.
Le virage dans le domaine des relations étrangères a été spe
ctaculaire.
Le plan de paix de Trudeau a été
mis au rancart.
On a prévu un accroissement des dépenses militaire
s.
Les barrières aux investissements
étrangers (donc américains) ont été éliminées, sauf
dans le secteur culturel.
Le Canada, allié
malcommode pour Reagan du temps de Trudeau, est-il en passe de devenir u
n inconditionnel de l'oncle
Sam? Le sommet Reagan-Mulroney des 17 et 18 mars 1985 à Québec a s
cellé les retrouvailles.
On y a
signé un accord de modernisation conjointe du système de radars da
ns le Grand Nord canadien (la ligne
DEW).
Le Canada participera au projet de station orbitale permanente qu
e les Américains veulent mettre
en orbite en 1993.
Renversant la position de Trudeau, le gouvernement Mu
lroney avait déjà accueilli
favorablement l'Initiative de défense stratégique de Reagan (la "
guerre des étoiles").
En échange de tout
cela, Mulroney n'a obtenu qu'une maigre contrepartie: la création d'u
n comité de haut niveau pour
étudier (encore une fois!) la question des pluies acides, que les É
tats-Unis exportent au Canada, et de
vagues assurances concernant les pressions protectionnistes exercées
aux États-Unis sur certains produits.
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