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Bérénice de Jean RACINE (Résumé & Analyse)

Publié le 15/05/2020

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« La tragédie de Racine, Bérénice, et la comédie héroïque de Tite et Bérénice, de Corneille, furent représentées concurremment en1670, en une sorte de duel.

Si elles connurent à l'époque un succès à peu près égal, la postérité couronna le seul Racine. Devenu empereur de Rome, Titus doit renvoyer Bérénice, « malgré lui, malgré elle ». Quand la raison d'État affronte les raisons du cœur Le 1er juillet 79, le deuil officiel de Vespasien vient de s'achever et Titus succède à son père.

Bérénice, reine de Palestine - doncétrangère - et son amante, s'apprête à devenir impératrice.

Elle exulte.

Aussi Antiochus, le roi de Comagène, et depuis cinq ans, àRome, son amoureux en secret, s'apprête à se retirer après avoir confessé son amour.

Mais la raison d'État qui, à Rome, refuse reineset rois sur le trône, l'emporte en Titus.

Il renvoie Bérénice « invitus invitam » (Suétone), « malgré lui, malgré elle ».

L'heured'Antiochus va-t-elle enfin sonner ? Mais, chargé par l'empereur d'annoncer à son amante la difficile nouvelle, il est couvert de sa haineet de son mépris.

De son côté, Bérénice, qui avait d'abord songé à mourir, accepte de vivre, mais seule.

Chacun continuera d'aimer,en secret, sauvegardant ainsi son honneur et celui de tous.

Et tous trois se séparent.

Antiochus soupire...

« hélas » ! Un long poème élégiaque Pièce classique jusqu'à l'extrême, presque un exercice de style, Bérénice est un long soupir modulé en de subtiles variations, dans unelangue mélodieuse, jusqu'au silence de la séparation.

L'intrigue est ténue, réduite à l'essentiel, avec pour arrière-fond, poétique, laPalestine et « les sables de l'Orient ».

Le sentiment amoureux, décliné en un français très pur, y devient presque abstrait, mettant enjeu des passions quasi désincarnées qui nous mènent loin de Phèdre du même Racine et plus loin encore des antiques, Sophocle,Euripide et surtout du Romain Sénèque.

Point de pleurs ici, sinon une larme discrètement essuyée, point de hurlements non plus, maiscomme un long cri retenu, tel un fil tiré à l'extrême mais qui ne rompt pas.

Ainsi est Bérénice, un joyau du répertoire classique, uncristal très pur apprécié d'un petit nombre et qui finalement s'inscrit dans la lignée française du roman d'analyse, des « tempêtes dansun cœur » où les mouvements de l'âme, même les plus ténus, tiennent lieu d'action, où le dit et le non-dit sont plus importants peut-être que les faits, où le dit et le non-dit constituent l'action elle-même. 1 • LE CONTEXTEAu faîte de sa gloire, Racine écrit en 1670 une nouvelle tragédie romaine, inspirée de quelques lignes de l'historien Suétone et peut-être de la rupture entre Louis XIV et Marie Mancini.

En peignant le conflit de la passion et du devoir, il défie Corneille sur son propreterrain et les deux dramaturges s'affrontent sur le même sujet.

Mais le Bérénice de Racine l'emporte largement sur le Tite et Bérénicede Corneille, que le public a relégué dans l'oubli.

Racine impose ici son esthétique (« toute l'invention consiste à faire quelque chose derien ») et une conception nouvelle du plaisir tragique, qu'il définit comme « une tristesse majestueuse ». 2 • LE TEXTETitus, le fils de Vespasien, succède à son père sur le trône.

Amoureux depuis cinq ans de Bérénice, reine de Palestine qui l'a suivi àRome, le jeune empereur s'apprête enfin à l'épouser.

Mais une tradition romaine s'oppose à cette union avec une reine étrangère.Titus sacrifie son amour, confie à Antiochus, son ami et rival malheureux, le soin d'en informer Bérénice, puis se résout à prononcerlui-même le terrible aveu.

Désespérés, les amants sont au bord du suicide ; c'est la jeune reine qui décide de couper court à leurstourments en renonçant au mariage, offrant ainsi à Titus la plus belle preuve d'amour. 3 • LES THÈMES MAJEURS• Le devoir politiqueLe jour où Titus devient maître de l'univers, il renonce à son amour ; même si sa décision politique obéit plus à la force d'un préjugéqu'à une nécessité, il n'hésite pas.

Sa souffrance ne naît pas, comme chez Corneille, du dilemme, mais du sacrifice.

Le drame intimeatteint ainsi à la tragédie de la raison d'État : « Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner.

»• La violence des passions«Je l'aime, je le fuis ; Titus m'aime, il me quitte » : la passion, dans son caractère irrationnel, est plus forte que jamais dans la rupture.Mais cette violence ne s'exerce pas contre l'autre : « Et c'est moi %eut aussi qui pouvais me détruire », dit Titus ; triomphant de latentation de la mort, elle se sublime en sacrifice et en tendresse.• L'héroïsme tendreTitus et Bérénice obéissent au principe du « sacrifice généreux » de leur amour, tout en se comprenant et pardonnant leurs choixrespectifs.

Cette capacité hors du commun qu'ont les deux héros de dominer leurs passions traduit la solennité du combat de l'hommecontre le destin.

Elle réalise un nouvel idéal tragique, où la cruauté s'efface devant l'élégie de l'amour malheureux. 4 • L'ÉCRITURE• La sobriétéPar « l'effet de sourdine », la sobriété du langage racinien accentue la violence des sentiments.

Au moyen d'un contraste entre unvocabulaire délibérément restreint et des expressions arrachées au code galant, l'auteur tire les effets étonnants d'une savantedouceur : les indéfinis, les pluriels systématisés, la personnification des abstraits, les oxymores construisent un art de la suggestion.• L'élégieLa parole n'exprime pas ici l'action mais le discours amoureux dans sa plaintive et « majestueuse tristesse » : remémoration dubonheur enfui, rêverie illusoire, tendresse inquiète et malheureuse, nuances et inflexions d'un amour qui se découvre impossible : «Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même / Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ? ». »

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