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ARTICLE DE PRESSE: Eclaircie inattendue sur la démographie africaine

Publié le 10/12/2021

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15 septembre 1995 - Une révolution démographique silencieuse est en train de se produire en Afrique au sud du Sahara : une baisse de la fécondité significative dans un nombre non négligeable de pays. Les résultats des dernières enquêtes effectuées depuis le début des années 90 confirment un mouvement jusqu'ici mal perçu, largement ignoré des estimations et projections démographiques. Cette rupture traduit des changements profonds dans des sociétés trop souvent considérées comme immobiles. Elle laisse prévoir à terme un ralentissement de la croissance de la population. Jusque-là, le continent noir, avec quelque 6,4 enfants par femme contre 3,8 pour l'ensemble des pays en développement, semblait en effet demeurer à l'écart de la " transition démographique " (passage d'un régime de fécondité et de mortalité fortes à une fécondité et une mortalité faibles) qui gagne peu à peu le reste de la planète. On n'avait repéré de baisse de la fécondité que dans quelques pays isolés : au Kenya, où elle était naguère fort élevée (jusqu'à 8 enfants par femme) et surtout au sud, au Botswana et au Zimbabwe l'Afrique du Sud semblait être dans le même cas, sans qu'on disposât de données précises. Mais les démographes restaient prudents : cet élan allait-il se prolonger ? Ne s'agissait-il pas d'exceptions ? Aujourd'hui, le doute ne semble plus permis. Les dernières enquêtes internationales confirment le mouvement et ajoutent de nouveaux pays à la liste : Ghana, Guinée, Sénégal, Cameroun, Côte-d'Ivoire, République centrafricaine. En dix ans, la fécondité y a diminué d'un enfant par femme, parfois deux. " Tous les nouveaux résultats d'enquête montrent des baisses, au moins dans les villes ", souligne Thérèse Locoh, spécialiste de l'Afrique, qui, dans la dernière chronique du Centre français d'études sur la population et le développement (Ceped), annonce la " fin de l'exception africaine ". Sur les vingt-deux pays pour lesquels on dispose de données récentes, treize ont des taux de fécondité inférieurs aux estimations actuelles des Nations unies, même dans leur hypothèse " basse ". Certes, ces taux restent encore considérables par rapport à l'Extrême-Orient ou à l'Amérique latine . Mais ils révèlent une rupture dans une Afrique noire marquée par une " culture de forte fécondité ", appuyée sur l'organisation du mariage et de la famille, et les structures sociales. Grâce à la croissance continue des générations, la polygamie concerne encore la moitié des femmes mariées les mariages et la sexualité restent précoces. Dans des pays majoritairement ruraux, la répartition des terres en fonction de la dimension de la famille et l'étendue des tâches demandées aux femmes conservent à la main-d'oeuvre juvénile toute son utilité. Le rôle dominant du lignage et de la famille " étendue " amènent un grand nombre d'enfants à ne pas vivre chez leurs parents biologiques qui n'ont donc pas à les prendre en charge. D'autre part, contrairement à ceux du Maghreb, les pays d'Afrique subsaharienne ne se sont engagés que récemment, et assez mollement, dans des politiques de contrôle des naissances. Certes, à la conférence de N'Gor en 1992, les Etats de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) s'étaient promis de ramener la croissance démographique à 2 % par an en 2010. Mais derrière ces engagements publics, destinés à plaire aux bailleurs de fonds, se cachent souvent absence de conviction et inertie administrative : " Nous prenons ce qu'on nous donne nous n'avons pas le choix ", nous avouait le chef d'une délégation africaine à la conférence du Caire sur la population. De façon classique, le changement est parti des villes. L'allongement de la scolarité semble avoir joué, comme ailleurs, notamment au Maghreb, un rôle décisif : les jeunes femmes se marient plus tard, ce qui retarde la première naissance, réduit la descendance, et change les relations dans les couples. La crise a renforcé l'effet, explique Thérèse Locoh : les hommes aussi doivent attendre pour se marier, faute d'argent. Avec le risque de chômage, les couples " éduqués " des villes craignent d'avoir trop d'enfants trop vite : la solidarité de la famille élargie ne suffit plus. " Dès que l'on ouvre un centre de planning familial en ville, on constate qu'il y a une demande de contraception ", nous ont raconté des responsables de programmes de population et des médecins de santé publique du Niger et du Burkina Faso. La pratique de la contraception moderne reste limitée : même en ville, la proportion d'utilisatrices n'atteint pas 20 %, sauf au Zimbabwe, en Namibie, au Botswana et au Kenya. Mais l'avortement, souvent clandestin, notamment en Afrique francophone, où l'on a conservé la loi française de 1920, est largement répandu, surtout parmi les jeunes. La baisse de la fécondité va ralentir la croissance de la population de l'Afrique subsaharienne, qui, au rythme actuel, apporte l'équivalent d'une Hollande ou d'un Mozambique de plus chaque année, et entraînerait un doublement en vingt-quatre ans. Mais c'est à terme que les effets de cette inflexion seront sensibles : les couples des générations montantes, qui ont moins d'enfants, sont beaucoup plus nombreux que leurs aînés. A quelle vitesse le reste du continent noir va-t-il entrer dans la " transition démographique " ? Condamnés à " ajuster " leurs dépenses, les Etats africains parviendront-ils néanmoins à accroître la scolarisation des filles dans les campagnes ? Alors que leurs systèmes de santé sont en ruine, pourront-ils répondre à la nouvelle demande de contraception ? Arriveront-ils, surtout, à réduire des taux de mortalité infantile encore proches de 100 pour mille naissances (un enfant sur dix !), afin que les familles n'aient plus la conviction que " pour garder cinq enfants, il faut en faire au moins dix " ? Les démographes se demandent en outre si la pratique africaine de planification des naissances espacer celles-ci, plutôt que de limiter a priori le nombre d'enfants n'aboutira pas à un palier dans la baisse de la fécondité. Quoi qu'il en soit, on peut penser que la population de l'Afrique subsaharienne n'atteindra pas, dans trente ans, les chiffres des projections actuelles les plus usuelles l' " hypothèse moyenne " de l'ONU, soit près de 1,3 milliard d'habitants, contre moins de 600 millions aujourd'hui. Où se situera-t-elle ? Ne serait-ce qu'au niveau de l' " hypothèse basse " déjà dépassée dans plusieurs pays , cela ferait vers 2025 quelque cent millions d'habitants de moins. Soit l'équivalent du Nigeria... De quoi alléger la charge de pays généralement peu denses et pourtant menacés par le nombre. GUY HERZLICH Le Monde du 15 septembre 1995

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