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Artémis (Gérard de Nerval)

Publié le 09/12/2021

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Cet énigmatique sonnet des Chimères s'intitulait primitivement Ballet des heures, titre évocateur qui met en valeur le mystère de celui que Nerval finalement lui préféra : Artémis. Pourquoi Artémis ? Qui est-elle ici ? ' La soeur d'Apollon qui partage avec lui beauté et intelligence ? La « Dame au fauve » et la « Pure » dont parle Homère ? La déesse des morts subits ? Sans doute les trois images se superposent-elles dans cette ronde des heures qui demeure éternellement la même (sur les anciens cadrans, l'heure I et l'heure XIII — l'heure pivotale — se superposent). Le poète est donc fasciné par ce temps qui tourne sur lui-même, qui ne déplace les choses que pour les ramener à leur place éternelle. Cette conception va s'étendre à la vision que Nerval a des êtres, vision qui nous est donnée dans la circularité d'un ballet. Ballet des différentes identités, tout d'abord. Nerval s'est représenté successivement sous les traits de Faust, de Prométhée, d'Orphée, il a surtout décelé en Jenny Colon, la femme qu'il aima, Octavie, Isis, Pandora, Aurélia, la Reine de Saba... Au centre du tourbillon, la figure de la femme. Elle hante le poète qui n'ignore pas que le cercle, le cadran solaire, la spirale sont des figures magiques et noires qui font de la femme, la reine des ténèbres, une Artémis, soeur de la lumière et déesse des morts subits.

« DISSERTATION REDIGEE Cet énigmatique sonnet des Chimères s'intitulait primitivement Ballet des heures, titre évocateur qui met en valeur le mystère de celui que Nerval finalement lui préféra : Artémis.

Pourquoi Artémis ? Qui est-elle ici ? ' La soeur d'Apollon qui partage avec lui beauté et intelligence ? La « Dame au fauve » et la « Pure » dont parle Homère ? La déesse des morts subits ? Sans doute les trois images se superposent-elles dans cette ronde des heures qui demeureéternellement la même (sur les anciens cadrans, l'heure I et l'heure XIII — l'heure pivotale — se superposent).

Le poète est donc fasciné par ce temps quitourne sur lui-même, qui ne déplace les choses que pour les ramener à leur place éternelle.

Cette conception va s'étendre à la vision que Nerval a des êtres,vision qui nous est donnée dans la circularité d'un ballet.

Ballet des différentes identités, tout d'abord.

Nerval s'est représenté successivement sous lestraits de Faust, de Prométhée, d'Orphée, il a surtout décelé en Jenny Colon, la femme qu'il aima, Octavie, Isis, Pandora, Aurélia, la Reine de Saba...

Aucentre du tourbillon, la figure de la femme.

Elle hante le poète qui n'ignore pas que le cercle, le cadran solaire, la spirale sont des figures magiques et noiresqui font de la femme, la reine des ténèbres, une Artémis, soeur de la lumière et déesse des morts subits. Le Ballet des heures nous apparaît dès le premier quatrain comme la danse de l'éternel retour.

« La Treizième revient...

c'est encore la première » ; Le recommencement (e la première ») est éternel (« encore »).

Au premier vers, le rythme à deux temps est donné, qui renforce cette impression de ronde, qui suggère le tic-tac de l'horloge : la coupe de l'hémistiche de l'alexandrin est particulièrement nette, voire insistante.

Ce sont les points de suspension.

Dansce silence imposé dès les premiers mots du poème, il faut discerner le moment d'arrêt de l'aiguille qui reste suspendue entre deux courses.

Les trois pointssont pleinement « de suspension ».

On notera enfin l'abondance des liquides, « 1 », « r », qui rendent à l'oreille fluide ce temps qui passe inlassablement parles mêmes lieux et les mêmes visages. Le premier vers donne le ton.

On retrouvera par la suite les mêmes effets.

La répétition d'abord, répétition des structures : le présentatif « c'est », au deuxième vers.

Répétition de la superposition des ordinaux : « la première ou la dernière », au vers 3.

Répétition des mots qui instaure un jeu d'échos : « seul » (vers 2, 4, 6) « encore » (vers 1, 7), « sainte » (vers 9, 10, 14), etc.

Mais ce rythme binaire qui est au coeur de toute invocation palingénésique, c'est aussi celui de la disjonction : « Et c'est toujours la seule, — ou c'est le seul moment », « la première ou dernière », « toi le seul ou le dernier amant ». « C'est la Mort — ou la Morte.

» Le ballet des heures, le retour éternel nous étourdit au point que nous ne sachions plus reconnaître vraiment les visages.

Les heures, les êtres se confondent et leur danse crée le vertige des images, appelle cette spirale de références obscures dans laquelle nous entraîne à sa suitele poète. Car au centre du ballet se trouve une femme.

La Femme ? Le titre Artémis attire notre attention sur les deux premiers mots du texte, l'un et l'autre au féminin : « La Treizième...

» Un article et un caractérisant, l'un et l'autre en attente de leur support substantiel.

De qui, de quoi s'agit-il ? D'une femme ? D'une heure ? La majuscule déconcerte et sacralise en même temps.

D'une majuscule à l'autre ce visage en quête duquel part le poète se profile de façon inquiétante : «la Treizième » (y 1), « la Seule » (v 2), « la Reine » (y 3), « la Morte » (y 7).

Dès lors que l'image de la mort apparaît nous sommes fixés quant à la signification du ballet des heures.

Regret d'une femme aimée emportée par la mort ? Evocation tragique et désespérée ? Nerval réalise autre chose et le temps circulairen'est pas le temps suspendu du souvenir de Lamartine (le Lac).

Il est même son contraire.

Les accents romantiques se font toutefois entendre dans le second quatrain. « Aimez qui vous aima du berceau dans la bière ; Celle que j'aimai seul m'aime encore tendrement.

» Ce long soupir (sans césure) était préparé au vers 5 par « le seul ou le dernier amant ».

On y trouve les principaux éléments caractéristiques d'une certaine poésie romantique : l'amour, mais un amour ardent, actif (le verbe est conjugué quatre fois), la solitude, le tragique du destin avec un sens réel de la formulequi frappe l'imagination (« du berceau dans la bière », la similitude des consonnes initiales renforce évidemment l'expression.

Ce n'est pas sans évoquer le Chateaubriand des Mémoires d'Outre-Tombe : « Ma tombe a de mon berceau, mon berceau a de mon tombeau ») l'expression enfin de la subjectivité (« Celle que j'aimai...

», pour la première fois Nerval utilise le pronom personnel).

Mais ces accents lamartiniens sont de courte durée.

Lamartine n'écrit-il pas dans le Lac que nous sommes « Dans la nuit éternelle emportés sans retour » ? Ce qui pour l'un semble « sans retour » revient éternellement aux yeux de l'autre.

L'amour reste présent et au présent : « Celle que j'aimai seul m'aime encore...

» Nerval résout l'absence de la femme aimée par son idéalisation, par sa déification.

Morte, elle devient Mort (v 7) ou la divinité des morts, Artémis ou sondouble christianisé, « la sainte de l'abîme ».

On a le sentiment qu'émerge de la spirale des quatrains, une sorte d'icône.

Les visages se sont à ce point brouillés qu'ils ont pu quasiment se cristalliser en fusionnant en une image sacrée.

La divinité paraît alors accompagnée du signe, de l'insigne grâce auquelelle se fait connaître : « La Rose qu'elle tient c'est la Rose trémière.

» Le vers est à rapprocher d'un passage célèbre d'Aurélia : « La dame que je suivais, développant sa taille élancée dans un mouvement qui faisait miroiter les plis de sa robe en taffetas changeant, entoura gracieusement de son bras nu une longue tigede rose trémière.

» On le note, Nerval pratique la fusion.

Fusion tout d'abord de différentes religions : le paganisme et le christianisme.

Le poème s'intitule Artémis et s'achève par un vers où le mot « sainte » est employé à deux reprises.

Les allusions appartiennent au monde grec (ce sont les anciens qui ont du temps une conception circulaire) comme à l'univers chrétien (« As-tu trouvé ta croix...

»).

Il y a même conflit entre les deux religions (vers 12) auxquelles appartiendra une nouvelle divinité, unique en son genre, cette femme morte (vers 7) sacralisée par le souvenir.

Nerval pratique un syncrétisme auquel il ajoute deséléments de sa propre mythologie personnelle.

C'est pourquoi le sonnet semble à une première lecture d'une difficulté et d'une obscurité déroutante.

Aupaganisme et au christianisme il combine également les temps forts d'une autobiographie transmutée.

Ce visage de « sainte », par exemple, pourquoi est-il associé à Naples ? « Sainte napolitaine aux mains pleines de feux...

» Il s'agit en réalité d'une allusion à un séjour à Naples que fit le poète en 1834 : il aurait alors rencontré une jeune anglaise qui lui aurait donné rendez-vous pour un matin au Pausilippe.

Le lendemain, il aurait vu dans les rues de Naples unebohémienne qui l'aurait amené chez elle, dans un décor extraordinaire, et qu'il aurait quittée plein d'idées désespérantes, au point de songer au suicide s'iln'avait le souvenir de son rendez-vous.

La jeune anglaise a donc un effet salvateur.

Cette anecdote est rapporté dans les Filles du feu au chapitre intitulé Octavie.

On le retrouve dans le second quatrain du célèbre Desdichado.

Ces allusions perturbent grandement la lisibilité du texte (et il y en a d'autres, associées en particulier au personnage de Jenny Colon) mais par l'obscurité qu'elles provoquent donnent aussi au sonnet son charme mystérieux.

Celecteur moderne se trouve placé dans la posture d'un fidèle qui ne comprend pas toutes les paroles que son rite le conduit à prononcer.

L'hermétisme dessonnets des Chimères leur donne la dureté comme l'éclat des pierres précieuses et magiques. En quête d'une figure féminine que la mort lui a ravie, Nerval réalise dans Artémis sa mythification progressive.

Le processus s'achève dans une sorte de combat manichéen dans le flamboiement duquel il sublime ce sentiment du vertige, de l'ivresse et de la perte de soi qu'il avait créé dès les premiers vers.La magie n'est pas seulement convoquée par l'omniprésence du chiffre treize, elle se réalise dans la pratique de ce que Rimbaud nommera plus tard «l'alchimie du verbe » par laquelle toutes les fusions et toutes les résurrections deviennent possibles.. »

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