Art et Engagement.
Publié le 16/05/2020
Extrait du document
«
I)E rENGAGEMENT
A LA PROPAGANDE
À l'origine, le terme de propagande
désigne les actions mises au service
de la propagation de la foi
catholique.
À partir de 1793, la
Révolution française souhaite
mobiliser les artistes contre les
«ennemis de la liberté et de la
République » : ainsi, Louis David
est-il invité« à employer les talents
et moyens en son pouvoir pour
multiplier les gravures et les
caricatures qui peuvent réveiller
l'esprit public...
».
Puis, au XIX" siècle,
les partis politiques tentent de
transmettre aux foules le message
révolutionnaire.
L'image s'impose
d'emblée comme le médium
le plus approprié, étant aisément
déchiffrable.
Si certains artistes
s'étaient déjà engagés, à titre
personnel, pour différentes causes,
tels Eugène Delacroix (La Liberté
guidant le peuple, 1830) ou
Honoré Daumier, au travers de ses
caricatures de bourgeois, c'est au
tournant du siècle que le statut
de l'art comme moyen de
propagande va s'imposer
dans les partis politiques et les États
européens.
L'avènement des régimes
totalitaires fascistes et communistes,
dans les années 1920-1930, portera
à son comble la mainmise du
pouvoir sur la création artistique.
------------
La Première Guerre mondiale va
fournir aux États belligérants -y
compris les démocraties -l'occasion
de familiariser l'opinion publique
avec les pratiques propagandistes.
Aux premières heures des combats,
la plupart des artistes européens
s'enthousiasment pour ce qu'ils
croient être une guerre
régénératrice.
En France, une
Commission des missions artistiques
voit le jour en 1916 et, perpétuant
la tradition du peintre aux armées,
organise des voyages d'artistes sur
le front afin que ceux-ci fixent sur
la toile les vertus patriotiques
et l'allant des combattants.
Mais
Pierre Bonnard, Édouard Vuillard
d'artistes milanais soutenus par
Margherita Sarfatti, critique influente
Les futuristes et le fascisme
et maîtresse de Mussolini, crée le
mouvement du Novecento.
Felice
Depuis les premières années du
siècle, de jeunes artistes secouaient Casorati et Arturo Tosi, ses
l'ancienne culture, en appelant à une fondateurs, entendent effectuer
révolution de l'esprit.
Pendant qu'en un retour au passé en réhabilitant
Allemagne le groupe expressionniste les chefs-d 'œuvre de la culture
de Dresde, Die Brücke (ede Pont »),
italienne.
Cette relative ouverture
d'esprit devait attirer les plus grands
animé par Ernst Kirchner et Erich
artistes italiens de l'époque, tels que
Heckel, finit d'opérer la révolution
Giorgio De Chirico, Giorgio Morandi,
des couleurs inaugurée par les
Carlo Carrà et Gino Severini (tous
Fauves, de nouveaux courants
deux ex-futuristes), tous adeptes
fleurissent en France -le cubisme
d'un néoclassicisme qui, par le choix
avec Pablo Picasso et Georges
Braque -, en Russie - le primitivisme de sujets neutres, paysages, scènes
avec Mikha·11 Larionov- et en Italie - de genre et natures mortes, et une
le futurisme de Umberto Boccioni,
facture réaliste «plate», réduisait
Carlo Carrà et Filippo Marinetti.
En
en fait l'engagement individuel
s'attaquant à la forme, ils allaient
de l'artiste et du public.
Le régime
faire entrer l'art dans l'ère du
fasciste s'en tiendra à cet art officiel
modernisme.
Mais, de ces trois
à défaut d'exercer un vrai monopole
d'État, faute d'habileté ou de volonté
courants, seul le futurisme italien
entendait repenser le rôle de l'art
politique.
dans son contexte social.
Dès 1910,
L'avant-garde russe
le second manifeste des artistes
LES AVANT-GARDES ET
LA RtvOLUTIDN SOC IALE
et le communisme
Moins exubérante, l'avant-garde
russe se caractérise d'emblée par
son rejet du passé et une approche
marxiste de la fonction artistique :
et Félix Vallotton, entre autres,
l'art doit refléter et même devancer
en reviennent avec des images
les bouleversements politiques et
de misère et de mort peu à même
culturels induits par la Révolution.
de servir l'œuvre de propagande.
Au lendemain de la victoire des
Seuls les futuristes italiens
bolcheviks, en 1917, tout ce que
continueront à développer une
la Russie compte de créateurs,
thématique de la modernité
de Vassily Kandinsky à Marc Chagall
de la guerre.
Les autres mouvements
et Kazimir Malevitch, se réunit en
d'avant-garde (constructivisme
comités, commissariats, universités,
russe, expressionnisme allemand,
provocations, créant même des
autant d'organes quasi officiels
L'asservissement de l'art au politique dadaïsme et surréalisme)
émeutes selon la méthode du
à la solde idéologique du nouveau
durant la première moitié
se positionneront rapidement contre «terrorisme verbal• (déclamations
pouvoir, mais qui disposeront pour
de XX" siècle trouve son origine dans l'idéal national et patriotique.
véhémentes accompagnées de
un temps d'une relative liberté
les mutations qu'ont connues les
Par réaction, la plupart vont être
bruitage), méthode reprise plus tard d'expression.
Trois courants majeurs
sociétés au début du siècle et dans
amenés à servir la cause
par les dadaïstes.
vont successivement se détacher.
l'effondrement des valeurs
internationale, le communisme.
Leur optimisme aveugle placé dans
Le suprématisme de Malevitch
traditionnelles après la guerre
le pouvoir des machines et leur
apparaît comme le destructeur
de 14-18.
Les mobilisations
exaltation nationaliste les conduisent radical de l'art passéiste et
DU MODERNISME
populaires du XIX" siècle avaient
à accueillir la guerre avec
occidental.
Ses compositions
AU RUUSME TOTAL
amené certains penseurs à élaborer
enthousiasme.
Boccioni s'y fera tuer abstraites (Carré blanc sur fond
une théorie des foules.
L'union de l'art et de la politique
en 1916, tout comme l'architecte
blanc, 1918) représentent l'infini,
Gustave Le Bon écrit en 1895 une
ne va pas de soi et les conditions
Antonio Sant'Eiia, dont l'esthétique
des champs de possibles ouverts
Psychologie des foules qui sera lue
de leur accord relèvent tantôt d'un
sera ultérieurement présentée
aux nouvelles générations.
par Lénine et Mussolini ; mais c'est
libre et mutuel consentement, tantôt comme art officiel national par
Le constructivisme - esthétiquement
Georges Sorel (1847-1922) qui,
du mariage forcé.
En matière
Mussolini.
En effet, au lendemain
hérité des tableaux-reliefs de
le premier, va rendre compte du
de propagande, la volonté politique
de la
Vladimir Tatline - entend soumettre
pouvoir mobilisateur de l'image et
domine et tant qu'un régime n'a pas
guerre,
l'art à des fins utilitaires au nom
des mythes politiques -la Nation, la totalement consolidé son assise
l'adhésion de l'objectivité.
Le photographe
Révolution, la grève générale -, dans (comme c'est le cas après une
de
Aleksandr Rodtchenko, le poète
;es Réflexions sur la violence (1908).
révolution), il laisse l'art exprimer
Marinetti
Vladimir Maïakovski, mais surtout
~cela s'ajoutent de nouveaux outils ses attentes et ses espérances au parti
le peintre et architecte El Lissitzky
de diffusion de la pensée : les
mais en aucun cas ses critiques !
fasciste
(1890-1941 ) en sont les principaux
10urnaux à grand tirage, la publicité, À ce titre, les avant-gardistes
ouvre une représentants.
On doit à ce dernier
bientôt la radio et le cinéma, ainsi
futuristes en Italie et constructivistes
seconde
la très caractéristique affiche Battre
1ue l'exploitation de la couleur dans en Union soviétique jouiront, dans
phase
les blancs avec les coins rouges
les magazines et autres imprimés.
les années 1920, d'une relative
dans
Dès lors, les conditions
liberté d'expression.
l'histoire du mouvement.
Le
Dsychologiques et techniques d'une En revanche, une fois consolidé,
24 octobre 1922, le jour du coup
1ouvelle politique d'influence des
le pouvoir autoritaire entend dicter
d'État de Mussolini, les artistes
:omportements humains et de
à la lettre le cadre idéologique précis futuristes défilent dans les rues
auquel les artistes doivent se
aux côtés des milices fascistes.
nobilisation de grande ampleur se
Peu de temps après, un groupe
rouvent réunies.
soumettre.
de 1919 qui, par un arrangement
simple et clair de formes
géométriques, exprime une idée
politique.
Le courant constructiviste évoluera
rapidement vers le productivisme,
un art industriel s'incarnant dans
des objets usuels ou des machines
(le Létatline, machine volante
construite par Tatline en 1930).
Néanmoins, en 1922, lorsque Staline
est nommé secrétaire général du
parti communiste, l'Association des
artistes de la Russie révolutionnaire
(AKHRR) se prononce contre
le " futurisme », incarné par
Malevitch mais aussi par Kandinsky
et les avant-gardistes.
Selon le mot
de Trotski, en 1928, «la fantaisie
doit s'arrêter».
Une nouvelle ère
s'ouvre où l'élan cède la place
à l'immobilisme et au réalisme
académique.
Les avant-gardes allemandes
Moins politisées, les avant-gardes
françaises et allemandes, tout
en marquant leur sympathie pour
les idéaux de la révolution,
limiteront leur engagement
à quelques actions d'agitation
politique (Dada), des pétitions
(les surréalistes), des affiches
et des tracts (John Heartfield).
En ce qui concerne
l'expressionnisme allemand,
le groupe de la Nouvelle Objectivité,
fondé en 1923, rassemble des
artistes communistes (Georg Grosz,
Bertolt Brecht), d'anciens
expressionnistes (Otto Dix,
Max Beckmann) et des
sympathisants soviétiques, tels
qu'Emil Nolde, fondateur
du mouvement et l'un des premiers
artistes allemands à avoir rejoint le
Parti national-socialiste.
Ces artistes
visaient surtout la bourgeoisie au
pouvoir (le visage de la classe
dirigeante, série de caricatures,
Grosz, 1921), la politique belliciste
des vieilles nations européennes
(le
triptyque
de la
Guerre,
Dix, 19291932),
ainsi
que les
conditions
de vie de
la classe ouvrière (L'Internationale,
Otto Griebel, 1930).
Dès l'arrivée d'Hitler, en 1933,
ils seront interdits, et beaucoup
émigreront aux États-Unis ;
ils deviendront les représentants
de l'« art dégénéré•, selon la
terminologie nazie, au même titre
que leurs homologues du Bauhaus,
courant architectural allemand
proche des constructivistes russes..
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