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André Malraux écrit, à propos du mythe d'oedipe, que l'essentiel de l'émotion tragique « c'est la conscience simultanée de la servitude humaine et de l'indomptable aptitude des hommes à fonder leur grandeur sur elle ». Vous apprécierez ce jugement sur quelques exemples pris notamment dans le théâtre français.

Publié le 09/12/2021

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Ci-dessous un extrait traitant le sujet : André Malraux écrit, à propos du mythe d'oedipe, que l'essentiel de l'émotion tragique « c'est la conscience simultanée de la servitude humaine et de l'indomptable aptitude des hommes à fonder leur grandeur sur elle ». Vous apprécierez ce jugement sur quelques exemples pris notamment dans le théâtre français.. Ce document contient 1006 mots. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système d’échange gratuit de ressources numériques ou achetez-le pour la modique somme d’un euro symbolique. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en : Littérature
.) ce qu'on avait à dire (...) Et pour rien : pour se le dire à soi, pour l'apprendre, soi ». Il s'agit là en fait d'une grandeur assez dérisoire. La lucidité ne prend sa pleine valeur humaine que chez l'être qui se sacrifie. Encore ce sacrifice, où réside l'essentiel de la grandeur tragique, peut-il recouvrir deux mouvements opposés de la volonté humaine : la révolte et le don.   L'homme peut tenter de fonder sa grandeur sur' la servitude en se révoltant. L'exemple le plus ancien est celui de Prométhée, qui dans la tragédie d'Eschyle clame sa souffrance comme une preuve de la tyrannie de Zeus. L'Athalie de Racine, infiniment plus coupable, s'élève pourtant à la grandeur tragique par ses dernières imprécations. Mais cette attitude reste rare dans la tragédie classique ; c'est à l'époque contemporaine qu'elle apparaît dans toute sa clarté. Le sacrifice d'Antigone, chez Jean Anouilh, n'est finalement qu'un « non » jeté à la face du monde tel qu'il est.

« INTRODUCTION Servitude et grandeur.

Cette antithèse, banale depuis Vigny, reçoit sous la plume d'André Malraux une applicationnouvelle : elle constitue à ses yeux la clé de la tragédie.

L'émotion tragique essentielle, telle qu'on la ressent parexemple devant le destin d'oedipe, c'est selon lui « la conscience simultanée de la servitude humaine et del'indomptable aptitude des hommes à fonder leur grandeur sur elle ».Quelques exemples pris dans le théâtre français pourront nous aider à apprécier la valeur de cette formule. I.

LA TRAGÉDIE FAIT PRENDRE CONSCIENCE DE LA SERVITUDE HUMAINE La tragédie, en effet, rappelle toujours à l'homme, par certains côtés, la servitude qui pèse sur lui.

Non passeulement parce que la souffrance et la mort y triomphent ; mais aussi, plus profondément, parce que la volontéhumaine y est humiliée, et ses efforts impitoyablement déjoués.

C'est pourquoi il n'y a de tragique au plein sens duterme que si le public admet ou entrevoit, au-delà des explications naturelles relevant de la psychologie ou del'histoire, l'existence d'une puissance transcendante vainement affrontée par l'homme : c'est la fatalité dans oedipe,la Providence dans Athalie — « Impitoyable Dieu, toi seul as tout conduit », s'écrie Athalie en constatant que toutesses intrigues se sont retournées contre elle, — Vénus dans Phèdre, Rome dans Bérénice. II.

LA TRAGÉDIE FONDE LA GRANDEUR SUR LA SERVITUDE En même temps, la tragédie rappelle à l'homme qu'il peut fonder sa grandeur sur cette servitude. II le peut d'abord par la lucidité.

Un héros asservi revêt une certaine grandeur lorsqu'il a le courage de voir sa misèreen face.

C'est ce que fait Oreste dans le célèbre dénouement d'Andromaque, ou Phèdre dans ses célèbres tiradesde l'Acte IV.

De même Ferrante, à la fin de la Reine Morte, reconnaît qu'il n'a jamais compris le pourquoi de sesactes ni tranché ses contradictions.

Telle serait, d'après le Prologue et le Choeur qui commentent Antigone de JeanAnouilh, l'essence de la tragédie : « on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos (...) on n'a plusqu'à crier (...) ce qu'on avait à dire (...) Et pour rien : pour se le dire à soi, pour l'apprendre, soi ».Il s'agit là en fait d'une grandeur assez dérisoire.

La lucidité ne prend sa pleine valeur humaine que chez l'être qui sesacrifie.

Encore ce sacrifice, où réside l'essentiel de la grandeur tragique, peut-il recouvrir deux mouvementsopposés de la volonté humaine : la révolte et le don.

L'homme peut tenter de fonder sa grandeur sur' la servitude en se révoltant.

L'exemple le plus ancien est celui deProméthée, qui dans la tragédie d'Eschyle clame sa souffrance comme une preuve de la tyrannie de Zeus.

L'Athaliede Racine, infiniment plus coupable, s'élève pourtant à la grandeur tragique par ses dernières imprécations.

Maiscette attitude reste rare dans la tragédie classique ; c'est à l'époque contemporaine qu'elle apparaît dans toute saclarté.

Le sacrifice d'Antigone, chez Jean Anouilh, n'est finalement qu'un « non » jeté à la face du monde tel qu'ilest.

L'Oreste de Sartre, dans Les Mouches, voit dans ses épreuves l'occasion non pas d'expier son meurtre, mais dele revendiquer crânement.C'est sans doute à cette forme de sacrifice que songe surtout André Malraux lorsqu'il parle d'une « indomptable »aptitude des hommes.

Pourtant la véritable grandeur dont la tragédie donne conscience ne réside pas dans la purerévolte, mais dans le don.

Don de soi, renoncement généreux, telle est la leçon d'Antigone dans la tragédie de Sophocle.

L'héroïne ne lancepas sa mort comme un soufflet au monde tel qu'il est, elle la dédie comme un hommage aux « lois non écrites »fondées sur l'amour.

Parfois le personnage tragique cherche par son sacrifice à sauver ou à servir d'autres êtres :tel est le cas d'Iphigénie, de Titus et de Bérénice, d'Andromaque, de Junie ; de même l'Oreste de Sartre travaillepour l'humanité — car la révolte et le don peuvent n'être que les deux faces d'un même sacrifice.

Mais ces gestes-làappartiennent aussi bien au drame.

La grandeur proprement mise en lumière par la tragédie est plutôt celle d'un «Oui » donné gratuitement par l'homme à ce qui le domine — volonté divine ou loi morale.Ainsi le vieil oedipe, aveugle, vagabond, maudit, proclame au début à oedipe à Colone, la dernière pièce deSophocle, que tout est bien.

Ainsi le vieil Horace, dans le crime qui souille sa maison, reconnaît une juste leçondonnée à l'orgueil humain.

Ainsi Phèdre mourante fait de ses dernières paroles, toutes mêlées de passion qu'ellessoient encore, un hommage à la lumière et à la pureté.

C'est encore Polyeucte offrant son martyre à la gloire deDieu, ou Violaine et Rodrigue, ces grands sacrifiés volontaires du théâtre claudélien.

Ou même la « petite Antigone »du XXe siècle murmurant : « il faut faire ce que l'on peut ». CONCLUSION On a souvent affirmé que toute tragédie impliquait l'écrasement de l'homme, et qu'un théâtre comme celui deCorneille, où triomphe la liberté humaine, ne méritait pas d'être appelé tragique.

Sans doute peut-on se faire unedéfinition a priori du tragique «tel qu'il devrait être», et tenir pour négligeable ce qui ne s'y conforme pas.

Mais latragédie telle qu'elle est, chez les Grecs et chez nous, ne connaît pas ces exclusives.

Elle montre l'homme contraintou invité au sacrifice ; elle fait entendre, parfois mêlées, parfois séparées, mais toujours sous le signe de lagrandeur, la protestation de sa dignité et le cri de sa bonne volonté.

Le mérite de la formule d'André Malraux est derespecter cette ambiguïté, sans laquelle la tragédie perdrait beaucoup de sa richesse humaine.. »

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