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Anatole France

Publié le 09/12/2021

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Il dépassa ­ on ne lui en fait pas un mérite ­ les quatre-vingts ans, comme Voltaire. Numina nomina : sa pensée et son art, gréco-latins, parisiens et d'entre Seine et Loire, sont exempts de toute inspiration étrangère, anglo-saxonne, nordique ou orientale. Et le patriarche de la Béchellerie est le seul écrivain français dont le rayonnement, de son vivant même vraiment universel, puisse être comparé à celui du patriarche de Ferney. Il meurt dans une apothéose. Le jour des obsèques, des "jeunes gens pleins de génie", comme eût dit Renan, publient un pamphlet de quatre pages intitulé Un Cadavre, où ils disent son fait au mort. L'attaque surprit, moins par la pertinence des reproches que par la véhémence du ton et le choix de l'instant. Puis Jean-Jacques Brousson divertit les badauds avec les irrévérences de son Anatole France en pantoufles et les venimeux ragots de L'Itinéraire de Paris à Buenos Aires. Plus graves, les jugements de Gide : "Le scepticisme a fait son temps. Il ne reste rien à en attendre. Ceci soit dit pour France" ; de Romain Rolland : "France, faux bonhomme et affété" ; d'André Rousseaux : "Quand nous rejetons Anatole France parmi les médiocres,... nous laissons se perdre entre nos doigts la poussière d'une pensée misérable et d'une écriture morte." Voyons cela. Faux bonhomme, Anatole France ? Il sait être féroce avec des mots pleins de bonhomie, mais s'il s'agit de son caractère, et bien que ce soit le point de l'attaque où il semble vraiment vulnérable, n'y a-t-il pas plus d'équité dans le mot de Léon Blum, qui n'a jamais vu "d'homme plus secret et moins perméable" ? L'affaire du Parnasse n'est pas glorieuse pour France ; du moins Mallarmé, Rollinat, Verlaine ne devaient-ils se plaindre que de l'étroitesse du goût de leur ami. Avec Charles Cros, il manqua de générosité, vidant des querelles privées sur le terrain littéraire. Pour sa fille Suzanne il fut d'une incroyable dureté. Avec Mlle Brindeau, sa brutalité fut celle des indécis quand ils sont le dos au mur. Oui, il poussa l'indépendance jusqu'au plus farouche égoïsme, son eutrapélie put souvent faire douter de sa franchise, en un mot il ne semble avoir témoigné dans le privé que de vertus médiocres. Il eut peu de vrais amis, beaucoup de flagorneurs.

« Anatole France Il dépassa on ne lui en fait pas un mérite les quatre-vingts ans, comme Voltaire.

Numina nomina : sa pensée et son art, gréco-latins,parisiens et d'entre Seine et Loire, sont exempts de toute inspiration étrangère, anglo-saxonne, nordique ou orientale.

Et le patriarche dela Béchellerie est le seul écrivain français dont le rayonnement, de son vivant même vraiment universel, puisse être comparé à celui dupatriarche de Ferney. Il meurt dans une apothéose.

Le jour des obsèques, des "jeunes gens pleins de génie", comme eût dit Renan, publient un pamphlet dequatre pages intitulé Un Cadavre, où ils disent son fait au mort.

L'attaque surprit, moins par la pertinence des reproches que par lavéhémence du ton et le choix de l'instant.

Puis Jean-Jacques Brousson divertit les badauds avec les irrévérences de son Anatole France enpantoufles et les venimeux ragots de L'Itinéraire de Paris à Buenos Aires.

Plus graves, les jugements de Gide : "Le scepticisme a fait sontemps.

Il ne reste rien à en attendre.

Ceci soit dit pour France" ; de Romain Rolland : "France, faux bonhomme et affété" ; d'AndréRousseaux : "Quand nous rejetons Anatole France parmi les médiocres,...

nous laissons se perdre entre nos doigts la poussière d'unepensée misérable et d'une écriture morte." Voyons cela. Faux bonhomme, Anatole France ? Il sait être féroce avec des mots pleins de bonhomie, mais s'il s'agit de son caractère, et bien que cesoit le point de l'attaque où il semble vraiment vulnérable, n'y a-t-il pas plus d'équité dans le mot de Léon Blum, qui n'a jamais vu"d'homme plus secret et moins perméable" ? L'affaire du Parnasse n'est pas glorieuse pour France ; du moins Mallarmé, Rollinat, Verlainene devaient-ils se plaindre que de l'étroitesse du goût de leur ami.

Avec Charles Cros, il manqua de générosité, vidant des querellesprivées sur le terrain littéraire.

Pour sa fille Suzanne il fut d'une incroyable dureté.

Avec Mlle Brindeau, sa brutalité fut celle des indécisquand ils sont le dos au mur.

Oui, il poussa l'indépendance jusqu'au plus farouche égoïsme, son eutrapélie put souvent faire douter de safranchise, en un mot il ne semble avoir témoigné dans le privé que de vertus médiocres.

Il eut peu de vrais amis, beaucoup deflagorneurs. Quant à ses grâces maniérées, à son afféterie, c'est autre chose.

Morte, l'écriture de France ? Faut-il entendre qu'on ne lui pardonne pasd'avoir un style livresque ? Oui, il y a beaucoup de bibliothèques dans ses livres : celle de Sylvestre Bonnard, l'Astaracienne, l'Esparvienne,celle des ducs de Brécé, mais il y a aussi les immenses lectures dont il s'est nourri dans "les silencieuses orgies de la méditation" (et iln'est pas indifférent de noter que l'expression, joliment évocatrice, revient trois fois au moins sous sa plume). Qu'on se rappelle le reproche longtemps adressé au voluptueux Lys rouge.

Exercice littéraire, disait-on.

Et les lettres de M.

France et deMme Arman s'entrouvrant, on y découvre que ce "roman mondain" exécuté sur commande est une véritable autobiographie passionnelleLe déchirant : "Venez, nous ferons ce que nous pourrons", de Thérèse à Dechartre, c'est la transposition d'une lettre du 23 septembre1889 : "Je trouve en toi un inconnu cruel qui me désespère...

Au moins, aime-moi comme tu peux." Et l'on répétera peut-être moinsvolontiers que, hors la poussière des vieux livres, cet homme n'aima jamais rien, quand on connaîtra une correspondance dont voici unfragment : "Je viens de prendre ta lettre, qui me parle d'amour.

Combien de fois l'as-tu écrite, cette lettre-là ? Et tout ce que tu me dis, combien defois l'as-tu dit ? Aie pitié de moi, ma chérie, je suis halluciné, suis hanté.

Jamais, jamais plus je ne te verrai seule.

Je suis jaloux d'euxtous.

Celui même dont je le suis le moins après ton mari, celui-là me torture..." Quel commentaire aux réflexions impitoyablement clairvoyantes (mais "livresques", n'est-ce pas ?) d'Astarac et de Jahel sur la jalousie !Et dire qu'est morte l'écriture du styliste à qui l'on doit tel chapitre des Dieux ont soif : "La Seine charriait les glaces de nivôse..." oud'étonnantes alliances verbales comme le "dégoût expansif" et "l'abondante aversion" témoignés par Félicie Nanteuil à l'amant de samère est-ce sérieux ? Le grief de Valéry contre le style de France était que sa beauté "n'offre pas de résistance" ; vrai pour Valéryassurément, mais l'épaisse inculture de nos contemporains exigerait, pour qu'il fût entendu, qu'on ne publiât de France que des éditionsannotées.

De là, ce décri passager que d'aucuns voudraient définitif.

Les raisins sont trop verts. Que le scepticisme "ait fait son temps", on se permettra de croire que Gide, docteur inattendu ès certitudes, se trompe.

A goûter,d'ailleurs, les délices de l'époque engagée, on se désespérerait qu'il dît vrai.

Mais France n'est pas sceptique, puisqu'il n'est pasindifférent.

Il a la haine de tous les fanatismes.

Il est foncièrement anti-chrétien : "Réjouis-toi, Dieu triste à qui plaît la souffrance"(1876), et il déplore en 1903 "le malentendu qui, voilà dix-huit siècles, brouilla l'humanité avec la nature", mais il avoue que "lecatholicisme est encore la forme la plus acceptable de l'indifférence religieuse" et l'évolution semble s'accentuer dans les Dieux ont soif,où le Père Longuemare, barnabite, et l'épicurien Brotteaux des Ilettes sont traités avec une égale sympathie.

Son antimilitarisme est, sil'on ose dire, acquis : entre la page célèbre sur les vertus guerrières et la campagne contre "les trois ans", l'affaire Dreyfus a passé.

En1914, il se convertit, fort superficiellement, à l'union sacrée, mais l'internationalisme assez simpliste qui fut une de ses constantes, àpartir de sa maturité, l'amena à chanter derechef la palinodie, de façon assez déplaisante, en 1917.

Il a constamment témoigné auxhumbles une sympathie qui se traduit en révolte contre leurs tourmenteurs.

Encore le défenseur de Crainquebille semble-t-il avoir oubliéun propos de Jérôme Coignard : "L'iniquité semble tolérable, quand elle est assez incohérente pour paraître involontaire." La pensée deFrance n'est pas "misérable", c'est-à-dire, sans doute, indigente.

Elle est ondoyante et rarement originale, on l'accorde.

C'est un mosaïste-incomparable de lieux communs ? Mais le lieu commun, c'est "l'éternel humain", le coeur même de l'art, selon Romain Rolland.

Ausurplus, être original, ce n'est pas n'avoir copié personne, c'est être inimitable.

Or, personne ne s'est aventuré à pasticher France.

Et l'onsait quels "à la manière de" réussis on a faits d'écrivains "originaux" comme Loti et Barrès. Le bon maître de la villa Saïd ne fut pas le stérile amuseur d'une époque frivole.

Son temps devinait plus finement que le nôtre le signetypographique idéal nommé point d'ironie.

"Ce monde est peut-être irrémédiablement mauvais.

En tout cas je m'y serai bien amusé" ; etaussi : "La justice n'est que le rêve de quelques imbéciles.

L'injustice, c'est la pensée même de Dieu..." ou encore : "Les gestes del'humanité sont des bouffonneries lugubres." Le désespoir de tels propos ne saurait ébranler que des coeurs mal trempés et leur cynismen'émouvoir que des gobe-mouches.

Et à ceux qu'inciterait au nihilisme ce dialogue de Thaïs : Il y a des forces, Lucius, infiniment plus puissantes que la raison et que la science.

Lesquelles ? demanda Cotta.

L'ignorance et la folie, répondit Aristée,on conseillera de lire le discours de Tréguier : "Lentement, mais toujours, l'humanité réalise le rêve des sages." En fait, de l'oeuvre de cedilettante humaniste se dégage une leçon de résignation tonique et comme allègre et seuls les débiles seront débilités en écoutant ledocteur Trublet devant les tombes du cimetière Montparnasse : "Tous ces morts ont vécu, comme nous, dans le trouble et la contradiction.Chacun en son temps a fait, à sa manière, dans la haine ou l'amour, le songe de la vie.

Faisons ce rêve à notre tour, avec bienveillanceet joie, s'il est possible, et allons déjeuner.". »

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