Analyse linéaire portrait de Nicandre dans Les Caractères de La Bruyère
Publié le 23/04/2023
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«
Texte 14.
Les Caractères, La Bruyère
Lecture linéaire du portrait de Nicandre dans « De la Société et de la conversation »
Le texte soumis à notre étude est un
extrait de
l'oeuvre
de La
Bruyère
intitulée Les
Caractères, et plus précisément, le portrait du personnage Nicandre qui apparaît dans le chapitre
« De la Société et de la conversation ».
Jean de la Bruyère est un moraliste français et est l'un des
premiers écrivains à accorder une grande importance au style soigné et littéraire de l'écriture.
Il est
élu à l'Académie française à la
n de sa vie et prend parti pour les Classiques (les Anciens) dans la
querelle des Anciens et des Modernes.
Il publie Les Caractères en 1688, sa seule oeuvre, qui sont
un recueil de maximes, de ré exions et de portraits, s'inspirant des Caractères du philosophe grec
Théophraste.
Il y décrit la société qui l'entoure, c'est-à-dire la cour puisqu'il était au service du Duc
de Condé et y émet des jugements moraux qui font scandale puisque certains se reconnaissent dans
les différents portraits satiriques.
Notre texte dresse le portrait de Nicandre, un bourgeois veuf, qui
tente de courtiser 1la jeune Elise en mettant en avant des arguments
étonnants.
Dès lors, nous
pouvons nous demander comment le portrait de Nicandre peint-il une satire de la société bourgeoise
et mondaine ? / comment le portrait de Nicandre se révèle-t-il satirique?
Le texte sera analysé de manière linéaire.
Comme dans les textes sur Arrias ou Cimon et Clitandre, le procédé descriptif du portrait est
mis en place dès la première phase du texte.
L'individu en question est clairement identi é et son
prénom est mis en exergue: « Nicandre ».
Ce dernier courtise une jeune femme, Elise, et met en
avant de multiples avantages dont elle pourrait pro ter.
en sa compagnie: Nous remarquons
d'emblée que Nicandre monopolise la parole, la première phrase s'étalant de la ligne 1 à la ligne 7,
multipliant
les
juxtapositions;
les
conjonctions
et les
propositions
subordonnées
(9).
Cette
accumulation de propositions, de fragments de phrase, donnent l'impression au lecteur d'une parole
qui ne se termine jamais, à laquelle on ajoute toujours un élément supplémentaire (on appelle cette
gure de style, une épiphrase).
Cette imposante présence de Nicandre dans le discours rapporté crée
un alors un effet
déceptif
par rapport à ce que nous pouvions nous attendre au début du texte
puisque la phrase « Nicandre s'entretenait avec Elise » (1.1) sous-entend qu'il y a un dialogue entre
deux personnages.
Nicandre vante ensuite ses mérites et ses possessions en une énumération a n de former un
autoportrait particulièrement
atteur de lui-même.
Nous allons donc analyser les divers arguments
qui devraient pousser Élise à accepter de l'épouser.
II met en avant tout d'abord sa délité envers sa précédente femme:« Nicandre s'entretient
avec Elise de la manière douce et complaisante dont il a vécu avec sa feme, depuis qu'il en t le
choix jusqu'à sa mort » (1.1-2) ainsi que son caractère affectueux qu'il dépeint par les deux adjectifs
mélioratifs « douce » et « complaisante ».
Nous pouvons également déjà percevoir une certaine
insistance suspecte de Nicandre qui annonce la suite du portrait et qui amorce d'ores et déjà la satire
du bourgeois qu'il est : « il a déjà dit qu'il regrette qu'elle ne lui ait pas laissé des enfants, et il le
répète ».
Par cette répétition, Nicandre insiste sur le fait qu'il n'a pas d'héritier et que ses biens iront
directement à Élise et leurs potentiels enfants.
l fait ensuite monstration de sarichesse aux ligmes 4 et 5 en hyperbolant ses propos comme
nous pouvons le remarquer grâce à l'utilisation
du verbe « exagère » (1.5), montrant une nouvelle
fois son entreprise de vantardise.
Nicandre se présente ensuite comme un épicurien, un bon vivant,
1 « déceptif » est un faux ami de
l'adjectif « décevant » et signi e « trompeur ».
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Texte 14.
« il assure qu'il aime la bonne chère, les équipages » (1.6) mais opère un retour
inattendu à l'évocation
de son ancienne femme pour la dénigrer :
«il
inapproprié et
se plaint que sa femme
n'aimait point assez le jeu et la société » (1.5-6).
Ces propos opèrent alors un décalage et même une
sorte d'antithèse avec les deux adjectifs par lesquels il se décrivait à la première ligne du texte, ce
qui laisse apparaître de nouveau son entreprise peu galante, prétentieuse et intércssée, loin d'une
attitude « douce » et «
complaisante
ambiguë ct le segment « qu'il en
».
Dès lors, la
première
évocation
de sa femme
devient
t le choix » (de sa femme) laisse apparaitre une pasivité (de sa
femme, toujours), comme si l'union n'avait été voulue que par Nicandre, comme c'est le cas avec
Élise.
En arrière-plan de son discours, il laisse donc apparaître une forme d'égoïsme.
Nicandre revient ensuite sur ses richesses et mentionne son entourage, ses liens de parenté
a n de sous-entendre que son nom est non seulement connu, haut placé mais aussi respecté: «II
n'oublie pas son extraction et ses alliances : Monsieur le Surintendant
qui est mon cousin ; Madame
la Chancelière qui est ma parente» (1.9-10).
Le narrateur semble déjà appuyer sur le ton satirique
de son texte et le dédain qu'il éprouve envers Nicandre puisque les expressions « il n'oublie pas son
extraction et ses alliances », « voilà son style » placent une distance entre le personnage et le
narrateur en présentant Nicandre comme un piètre courtisant qui récite toujours un même discours
prétentieux, qui fait étalage de ses richesses.
L'adverbe présentait « voilà » fait apparaitre Nicandre
comme qui est digne d'être montré pour être critiqué.
Notons d'ailleurs qu'à aucun moment dans le
texte, ne sont évoqués des sentiments.
Nicandre
est décrit et ne se décrit
qu'à
travers ses
possessions, sa place dans la société: Nous pouvons donc dire que nous avons affaire à une éthopée?
mais seulement par les sous-entendus que ses propos délivrent et que le lecteur comprend.
Nicandre insiste de nouveau sur le fait quil peut déshériter ses proches dont il est mécontent
au pro t d'Ělise « il raconte un fait qui prouve le mécontentement qu'il doit avoir de ses plus
proches, et de ceux-même qui sont ses héritiers » (1.11-12).
Nous
pouvons
remarquer que le
narrateur fait une ellipse dans le portrait de Nicandre et ne nous offre pas l'anecdote qu'il raconte en
la résumant à un simple « fait ».
Le narrateur sous-entend donc ici un jugement de valeur sur
l'intérêt presque nul des propos que tient Nicandre et appuie sur le fait que ce dernier tergiverse, use
de détours inutiles au lieu d'énoncer clairement sa volonté : il veut épouser Élise.
Cette idée de personnage à sous-entendus est ensuite renforcée par
l'emploi
du verbe
« insinuer > (1.13) qui montre à nouveau que Nicandre ne fait que parler à demi-mot:
Il énonce
ensuite un nouvel argument, celui de sa faible santé qui sous-entend qu'il va mourir dans un futur
proche et qu'Elise n'aura pas à le supporter très longtemps, que le sacri ce qu'elle doit faire ne sera
que pour une....
»
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