Analyse les effarés rimbaud
Publié le 06/01/2024
Extrait du document
«
Séquence I - Emancipations créatrices
Mme Leclerc - Institution JP2
Séance 18 : La poésie au service de l’émancipation politique et sociale - Arthur Rimbaud, Recueil de Douai, 1870
Eléments
d’introduction
signé du 20 septembre 1870 – période à laquelle Rimbaud se rapproche du mouvement parnassien, il écrit à
Théodore de Banville : « Je veux devenir parnassien sinon rien.
» - La forme de ce poème est assez proche du
Parnasse avec un système de rimes régulier ainsi que des strophes construites en octosyllabes et tétrasyllabes.
L’hiver 1870 connait une augmentation de la pauvreté en France et surtout à Paris.
- Défaite de la guerre contre la
Prusse, l’empire est renversé, Paris assiégée et affamée.
Problématiques
possibles
Comment ce tableau de la misère nous dévoile-t-il une dénonciation de la politique du 2d Empire ?
Comment l’écriture rimbaldienne se fait-elle une arme de défense des plus faibles ?
Comment Rimbaud met-il déjà en place son pouvoir de « voyant » dans cette mise en scène de la misère ?
er
1 mouvement v 1 à 6 : Une scène de misère
Les Effarés
Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond
A genoux, cinq petits, -misère!Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond…
- Double antithèse : noir s’oppose à la blancheur de la neige, on ne sait pas encore qui sont les
Effarés mais cette image en noir et blanc offre une scène contrastée.
Deuxième antithèse : la
brume vient atténuer ce contraste.
-Au vers 2 : inversion des rôles normalement la lumière rentre par le soupirail dans la cave ici
c’est l’inverse le soupirail s’allume dans une quasi personnification.
-Le poète brouille les pistes et continue au vers suivant en employant un mot populaire qui n’est
pas attendu en poésie, d’autant que le substantif est renforcé par l’assonance en [ü] « brume »
« s’allume » et « cul ».
La double circularité des « culs en rond » annonce déjà le pain.
-Le sujet de la phrase « cinq petits » est retardé au centre du vers 4.
C’est seulement à ce
moment-là que l’on apprend qui sont les effarés → effet d’attente.
Le sujet est un adjectif
substantivé « petits » qui rappelle le titre lui-même un participe passé employé comme
substantif → Le poète utilise des mots dans des emplois différents et continue à brouiller les
repères.
-Les enfants sont « à genoux » : position symbolique ambiguë (adoration divine ou bien la
position du corps qui ploie sous la misère ?).
Cette double interprétation continue au vers 6
puisque le pain représente la nourriture et l’eucharistie.
Séquence I - Emancipations créatrices
Mme Leclerc - Institution JP2
-La scène pathétique d’enfants à genoux devant ce soupirail est redoublée par la
modalisation1 de la pitié dans le commentaire du poète au discours direct et par la ponctuation
expressive « -misère ! »
2eme mouvement v 7 à 15 : Le spectacle enivrant de la fabrication du pain
1
2
Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise, et qui l’enfourne
Dans un trou clair.
-Les trois strophes s’ouvrent sur les différents organes des sens dans une construction
anaphorique (« ils » + verbe relatif à un sens).
Les enfants voient au vers 7, ils écoutent au vers
10, ils sont blottis et donc se touchent au vers 13, enfin un « souffle » sort du soupirail touchant
ainsi l’odorat au vers 14.
Seul le goût est absent, nous donnant déjà un indice sur la fin du
poème.
-Le « fort bras blanc » du vers 7 rappelle le « lourd pain blond » du vers précédent, le rythme
ternaire donne une impression d’abondance.
La description du bras du boulanger qui est « fort »
c’est-à-dire robuste mais aussi gros s’oppose aux « cinq petits » de la strophe précédente
-le champ lexical de la couleur est développé tout au long du poème : « le noir » et « le blanc »
se retrouvent dans le gris de la pâte prête à cuire qui se transformera grâce à l’alchimie du
boulanger en un pain « jaune », tel la boue se transformant en or.
-le rythme du tercet construit sur le même modèle grammatical (2 psr coordonnées) ainsi que les
deux enjambements matérialisent le mouvement du boulanger.
-l’expression oxymorique « le trou clair », le trou renvoyant plutôt à quelque chose de sombre,
rappelle le soupirail qui s’allume, même si, cette fois il est plus attendu que le four soit une
source de lumière.
Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.
- synesthésie dans le rapprochement de l’ouïe « ils écoutent » et du goût « le bon pain ».
Rimbaud mélange les sens et désoriente le lecteur.
- Il continue au vers 11 grâce à l’hypallage2 qui met en avant le sourire du boulanger à la fois
bien portant et étrangement gai, l’opposant encore d’avantage aux enfants.
- Le boulanger « chante un vieil air » tel l’aède, le poète antique ; il transforme le pain gris en pain
jaune, tel le poète alchimiste qui transforme la boue en or.
Rimbaud file la métaphore du
boulanger/poète mais avec une distance critique puisque le sourire est « gras ».
Il ne s’agit pas
du poète moderne que Rimbaud appelle de ses vœux.
Leçon sur la modalisation : manuel Empreintes littéraires - fiche 17 page 519.
Hypallage : figure de construction qui redistribue par renversement l’ordre des mots, on attendrait ici : le sourire du gras boulanger.
Séquence I - Emancipations créatrices
Ils sont blottis, pas un ne bouge
Au souffle du soupirail rouge,
Chaud comme un sein.
Mme Leclerc - Institution JP2
- La métaphore filée entre le soupirail et une mère dans ce tercet amplifie la tonalité pathétique et
vient superposer les images dans l’esprit du lecteur.
Les enfants....
»
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