Databac

Allemagne: présentation géographique, historique

Publié le 02/12/2021

Extrait du document

1PRÉSENTATION
Allemagne, en allemand Deutschland, pays d’Europe centrale. Sa capitale est Berlin. L’Allemagne appartient à l’Union européenne.
L’Allemagne est ouverte au nord sur la mer du Nord et la mer Baltique. Elle possède des frontières communes avec le Danemark au nord, avec la Pologne et la République tchèque à l’est, avec l’Autriche et la Suisse au sud, avec la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, à l’ouest.
Divisé à partir de 1949 en deux États politiquement et économiquement opposés, la République fédérale d’Allemagne (RFA) à l’Ouest et la République démocratique allemande (RDA) à l’Est, le pays est réunifié depuis le 3 octobre 1990.
2MILIEU NATUREL2.1Relief
L’Allemagne a une superficie de 356 970 km². S’étendant entre 47 et 52° de latitude nord, et entre 6 et 14° de longitude est, le pays offre des paysages variés. Mais le relief, comme l’hydrographie, favorise davantage le morcellement que l’unité du territoire. L’Allemagne peut être divisée en trois grands ensembles naturels : la plaine du Nord, l’Allemagne moyenne hercynienne (Mittelgebirge), et l’Allemagne méridionale alpine et subalpine, au sud du Danube.
2.1.1La plaine du Nord
L’Allemagne du Nord est occupée par une partie de la grande plaine nord-européenne, sur une largeur de 150 à 300 km, depuis la frontière néerlandaise jusqu’à la frontière polonaise. Cet ensemble de basses terres a été fortement modelé par les glaciations quaternaires (voir période glaciaire ; quaternaire). On distingue généralement la plaine intérieure (la Geest) du littoral (les Marschen).
La plaine de la Geest, qui s’étend surtout à l’ouest de l’Elbe, est recouverte d’un épais manteau de dépôts morainiques peu fertile (landes de Lunebourg). En raison de la platitude générale et du mauvais drainage, les eaux stagnent dans les dépressions, donnant naissance à de nombreuses tourbières (les Moore). Au sud, au contact du Mittelgebirge, la plaine du Nord est tapissée par des dépôts éoliens de lœss, très fertiles, constituant la région des Börde (Börde de Juliers, Börde de Magdeburg), large d’une quarantaine de kilomètres. À l’est de l’Elbe (Schleswig-Holstein, Mecklembourg-Poméranie) s’étend le paysage verdoyant des croupes baltiques, collines morainiques parsemées de lacs et de cours d’eau, qui caractérise également la Pologne septentrionale (Poméranie, Mazurie).
Les côtes de la mer Baltique, découpées par des rias, présentent une alternance de basses terres sablonneuses et de falaises. Elles sont bordées de plusieurs grandes îles, dont Rügen (928 km2), la plus grande île de la mer Baltique. Les côtes de la mer du Nord sont basses et marécageuses. Au large se trouvent les îles de la Frise orientales et septentrionales, comprenant notamment l’île d’Helgoland. Tourbières et marécages littoraux ont été transformés en polders.
2.1.2L’Allemagne moyenne hercynienne
Le Mittelgebirge, foyer de la civilisation allemande, est un ensemble complexe de massifs anciens hercyniens, de bassins sédimentaires et de fossés d’effondrement.
À l’ouest, le Massif schisteux rhénan, orienté sud-ouest / nord-est, s’élève entre 400 et 800 m d’altitude. Entaillée par le Rhin (« Trouée héroïque «) et ses principaux affluents (Moselle, Lahn), cette moyenne montagne se divise en plusieurs massifs individualisés : l’Eifel (746 m) et le Hunsrück (818 m) à l’ouest, le Taunus (880 m) et le Westerwald (657 m) à l’est, le Sauerland au nord (841 m).
À l’est, un ensemble de massifs anciens longe la frontière tchèque : l’Erzgebirge (monts Métallifères) au nord, massif cristallin culminant à 1 244 m d’altitude, riche en minerais ; le Fichtelgebirge (forêt du Haut-Palatinat) au centre, culminant à 1 053 m d’altitude ; le Bayerischerwald (Forêt-de-Bavière) et le Böhmerwald (Forêt de Bohême) au sud. Cet ensemble montagneux se prolonge vers l’ouest par le Thüringer Wald (982 m), séparé du bloc cristallin du Harz (1 142 m), plus au nord, par le bassin triasique de Thuringe.
Le centre de l’Allemagne moyenne (Hesse, Basse-Saxe, Westphalie) est constitué de plateaux gréseux faillés (Spessart, Bergland), de petits massifs plissés (Teutoburger Wald) ou volcaniques (Vogelsberg, Rhön), de fossés tectoniques (Vetteravie) et du bassin sédimentaire de Souabe-Franconie.
Au sud-ouest du pays, le fossé rhénan (entre Mayence et Bâle) est bordé au nord-ouest par le massif gréseux du Hardt (687 m), au nord-est par l’Odenwald (599 m) et à l’est par la plaine de Bade et le massif de la Forêt Noire, qui constituent le pendant de la plaine d’Alsace et des Vosges françaises. Cristallin dans sa partie sud, gréseux dans sa partie nord, ce massif culmine à 1 493 m d’altitude au sommet du Feldberg. Il se prolonge à l’est par les hauts plateaux karstiques du Jura souabe et franconien.
2.1.3L’Allemagne alpine
À l’extrême sud du pays, les Alpes allemandes sont précédées par le plateau souabe-bavarois, qui s’étend du lac de Constance à l’Inn. Ce piémont subalpin est parsemé de lacs surcreusés (Ammersee, Chiemsee) et de bourrelets morainiques issus de la dernière glaciation würmienne. L’Allemagne ne possède qu’une étroite frange des Alpes septentrionales. Larges d’une vingtaine de kilomètres seulement, les Alpes allemandes comprennent, d’ouest en est, les Alpes de l’Allgäu (2 645 m au Mädelegabel), composées principalement de grès et de schistes, les Préalpes de Bavière, chaînons de calcaires triasiques et jurassiques culminant à la Zugspitze (2 962 m), et des Préalpes de Salzbourg, dont l’altitude ne dépasse pas 1 700 m.
2.2Hydrographie
Deux grands fleuves, s’écoulant dans des directions opposées, irriguent l’Allemagne : le Rhin et le Danube. Le Rhin constitue la principale artère fluviale du pays et revêt une importance à la fois culturelle et économique. Il prend naissance dans les Alpes suisses et s’écoule vers le nord-ouest en direction de la mer du Nord. Il traverse l’Allemagne sur 700 km. À sa sortie du lac de Constance, il forme une frontière naturelle avec la Suisse, puis avec la France (fossé rhénan). À Bâle, son débit moyen est de 1 040 m3/s. Il se grossit vers l’aval des eaux du Neckar, du Main, de la Moselle, de la Lahn, de la Ruhr et de la Lippe. Encaissé dans le Massif schisteux rhénan (« Trouée héroïque de la Loreleï «), il débouche après Bonn dans la grande plaine nord-européenne. À la frontière néerlandaise, son débit atteint 2 200 m3/s.
Le Danube, dont l’Allemagne ne possède que le cours supérieur, prend sa source en Forêt Noire, s’écoule vers l’est et baigne le sud du pays avant de pénétrer en Autriche. Il relie l’Allemagne aux pays d’Europe de l’Est (Slovaquie, Hongrie, Serbie, Roumanie). Navigable seulement en amont de Ratisbonne, il se présente, dans son cours supérieur, comme un torrent alpin, au régime nivo-glaciaire (basses eaux en hiver), franchissant les reliefs à travers d’étroits défilés. Son débit moyen n’est encore que de 1 415 m3/s après sa confluence, sur sa rive droite, avec les rivières alpines de l’Isar et de l’Inn.
D’autres fleuves arrosent l’Allemagne. Au nord, l’Elbe, issue des monts des Géants en République tchèque, draine la plaine du Nord où elle reçoit la Saale et la Havel, et se jette dans la mer du Nord par un profond estuaire. Son faible débit (642 m3/s en amont d’Hambourg) limite en partie la navigation. Au nord-est, l’Oder et son affluent, la Neisse, forment sur 162 km la frontière avec la Pologne avant de se jeter dans la mer Baltique. Au nord-ouest, la Weser (439 km) et l’Ems (372 km) s’écoulent en direction de la mer du Nord.
2.3Climat
L’Allemagne est soumise à un climat de transition, caractérisé par l’affrontement entre les influences océanique et continentale. La continentalité s’accentue vers l’est et le sud-est. Lorsque prévaut l’influence océanique, les pluies hivernales sont abondantes, les étés sont tièdes et pluvieux. L’influence continentale, en revanche, se traduit par de grandes chaleurs estivales et des hivers froids. Elle est surtout marquée à l’est de l’Elbe mais, à partir du mois de janvier, l’anticyclone de Sibérie s’étend également sur l’ouest du pays.
La partie orientale de la plaine du Nord connaît des étés plus chauds (18,2 °C en moyenne à Cottbus) et des précipitations annuelles plus faibles (588 mm en moyenne) que la plaine du Nord occidentale, au climat subocéanique. Les précipitations s’y étalent sur toute l’année : elles s’élèvent à 740 mm par an à Hambourg, où les températures moyennes varient de 0,3 °C en janvier à 17,1 °C en juillet.
L’influence océanique, conjuguée avec l’altitude, explique l’abondance des précipitations dans le Mittelgebirge. Le massif du Harz, le plus arrosé d’Allemagne, reçoit en moyenne 1 678 mm d’eau par an. Le fossé rhénan constitue, en été, la région la plus chaude et la plus sèche du pays. À Mayence, les températures moyennes varient de 1,1 °C en janvier à 19,2 °C en juillet. Les précipitations moyennes atteignent 515 mm par an. La région la plus froide de l’Allemagne est la Thuringe, qui connaît en moyenne 80 jours de gel par an. Le plateau bavarois, souvent balayé par le fœhn, appartient à la zone climatique alpine (climat de montagne).
2.4Végétation
Environ 30 p. 100 du territoire de l’Allemagne est couvert de forêts. Les plus grandes surfaces boisées se situent dans la moitié sud du pays. Les deux tiers de la forêt allemande sont constitués de conifères (pins, sapins, épicéas). Au cours des dernières années, ces forêts ont été gravement affectées par les pluies acides, résultat de la pollution industrielle et automobile. Le Waldstarben (« la mort des forêts «) a provoqué une forte mobilisation écologique dans un pays où la nature en général, et la forêt en particulier ont nourri les mythes nationaux. Le hêtre ainsi que d’autres espèces de feuillus ont considérablement régressé. Les terres acides du nord sont le domaine des bouleaux et des pins. Une partie de la Prusse est couverte de landes.
2.5Ressources et contraintes du milieu naturel
Grâce aux masses d’air océanique, le pays est bien alimenté en eau : 70 p. 100 des ressources proviennent du Mittelgebirge. L’Allemagne réunifiée possède près de 6 000 km de cours d’eau et de canaux navigables, largement valorisés sur le plan économique. En revanche, l’abondance en eau a longtemps constitué un handicap pour la mise en valeur agricole de la plaine du Nord, la faible déclivité du terrain et le drainage naturel insuffisant ayant favorisé la formation de marécages insalubres. Sa colonisation, surtout vers le nord-est, nécessita d’importants efforts d’assainissement.
La majeure partie de cette région étant en outre couverte de sols podzoliques et de sols bruns, forestiers acides, d’importants travaux d’amendement et de bonification ont dû également être réalisés. En revanche, dans les Börde, dans la vallée du Rhin et sur le plateau bavarois, l’Allemagne possède des sols lœssiques dont la fertilité favorise l’agriculture.
Les ressources minérales ont fondé la puissance industrielle de l’Allemagne. Dès le Moyen Âge, on extrayait le fer, le cuivre, le plomb et l’argent des massifs du Mittelgebirge, foyer de la civilisation allemande. La révolution industrielle, au xixe siècle, s’est épanouie autour des bassins houillers de la Ruhr et de la Sarre, mais l’extraction n’est plus guère rentable de nos jours.
L’Allemagne possède également des gisements de lignite en Rhénanie et, surtout, à l’est. Ainsi, l’ancienne RDA avait créé de gigantesques complexes industriels autour des gisements de Halle-Leipzig, dans la Saxe, et de Cottbus-Lauchhammer-Hoyerswerda, en Brandebourg. Près de 90 p. 100 de ces gisements sont exploités à ciel ouvert. Mais le coût écologique, lié autant au mode d’extraction qu’à la combustion du lignite, condamne à terme ces mines. Parmi les autres ressources minérales figurent le sel et la potasse, abondants dans le Harz et aux environs de Fribourg-en-Brisgau, ainsi qu’en Thuringe. À l’est de Kiel, ainsi qu’aux embouchures de l’Ems et de la Weser, le sous-sol recèle des gisements de pétrole et de gaz naturel. Enfin, l’Allemagne possède des gisements limités de mercure, d’argent, de soufre, de minerai de plomb, d’uranium et de zinc.
3POPULATION ET SOCIÉTÉ3.1Démographie
L’Allemagne est le pays le plus peuplé de l’Union européenne. En 2008, sa population était estimée à 82 369 548 habitants. La densité est élevée (235,9 habitants au km²). Les régions occidentales, situées au cœur de la mégalopole européenne, sont les plus densément peuplées (265 habitants au kilomètre carré). Celles de l’est présentent une densité moyenne (144 habitants au kilomètre carré).
L’Allemagne est entrée dans une phase de déclin démographique. Durant la période 1990-1995, le taux d’accroissement annuel fut de 0,56 p. 100 (contre - 0,1 p. 100 pour la période 1975-1980). En 2008, le taux de natalité était de 8,20 p. 1 000 et le taux de mortalité de 10,80 p. 1 000, soit un taux d’accroissement naturel de -0,3 p. 100.
Ce déclin est commun à tous les pays développés, mais c’est en Allemagne qu’il est le plus marqué. Le pays détient, avec l’Italie et l’Espagne, l’un des plus bas indices de fécondité, avec 1,3 enfant par femme (période 1990-1998). Il existe, par ailleurs, une forte disparité entre les Länder de l’ouest et ceux de l’est, dont l’indice de fécondité est inférieur à 1. La baisse de la fécondité est continue depuis plusieurs décennies (1,52 enfant par femme durant la période 1975-1980). En revanche, l’espérance de vie, estimée à 77 ans (période 1995-2000), est très élevée. Le vieillissement de la population, déjà bien entamé, ne peut donc que s’accentuer. Les moins de 15 ans ne représentent plus que 16 p. 100 de la population, et les Allemands âgés de 65 ans et plus, désormais 20 p. 100.
Depuis le milieu des années 1970, période à laquelle s’est infléchie la courbe de natalité, l’immigration a compensé le déficit naturel de la population allemande. Après la Seconde Guerre mondiale, qui s’est traduite, tout comme la Première Guerre mondiale, par un creux dans la pyramide des âges, l’Allemagne de l’Ouest a accueilli 14 millions d’expulsés et de réfugiés, dont 10 millions de germanophones originaires de Pologne, de Tchécoslovaquie, de Prusse-Orientale, de Roumanie et de Yougoslavie, et, jusqu’à la construction du mur de Berlin en 1961, 4 millions d’Allemands de l’Est. La RDA, de son côté, a reçu 3 millions d’expulsés et de réfugiés.
À partir de 1980, les descendants d’Allemands établis en Europe centrale et orientale (Aussiedler) affluèrent. Cette vague de retour est encore amplifiée par l’effondrement des régimes communistes et par l’ouverture des frontières à l’Est. Entre 1987 et 1996, 2,2 millions d’Aussiedler s’établissent en Allemagne, où la nationalité allemande leur est reconnue par la Constitution. On estime à plus de 3 millions le nombre de ceux vivant encore à l’extérieur des frontières.
Le début des années 1980 a en revanche coïncidé avec la mise en place d’une politique de limitation de l’immigration économique. La législation, jusque-là très libérale en matière de droit d’asile, a été remise en cause par une réforme constitutionnelle au printemps 1993, après que l’Allemagne eut accueilli plus de 300 000 réfugiés chassés par la guerre en Bosnie (voir conflit yougoslave). La sévérité croissante de la politique d’immigration s’accorde avec la politique de l’Union européenne (accords de Schengen). Elle s’inscrit également dans un contexte national marqué par la résurgence des mouvements néonazis et la multiplication des agressions racistes, lesquelles visent surtout la communauté turque.
Principalement établis dans les régions industrielles de Francfort, Stuttgart et Munich, les Turcs représentent 30 p. 100 des 7,2 millions d’étrangers vivant en Allemagne, parmi lesquels on compte plus de 1 million de personnes originaires de l’ex-Yougoslavie, 560 000 Italiens, 340 000 Grecs et 280 000 Polonais. Ces derniers sont arrivés récemment, après l’effondrement du régime communiste et l’ouverture des frontières en Pologne (1989).
3.2Découpage administratif et villes principales
L’Allemagne est un État fédéral formée de seize Länder (États). En juillet 1990, les cinq anciens Länder est-allemands, dissous en 1952, ont été reconstitués et, en octobre 1990, date de la réunification des deux Allemagnes, le Mecklembourg-Poméranie-Antérieure, le Brandebourg, la Saxe-Anhalt, la Thuringe et la Saxe sont venus s’ajouter aux onze Länder ouest-allemands : le Bade-Wurtemberg, la Bavière, la Hesse, la Basse-Saxe, la Rhénanie du Nord-Westphalie, la Rhénanie-Palatinat, la Sarre, le Schleswig-Holstein et les trois villes-États de Berlin, Brême et Hambourg.
Les Länder de l’ouest sont beaucoup plus peuplés que ceux de l’est, qui regroupent, sur 30 p. 100 de la superficie totale, à peine plus du cinquième de la population. Les Länder dominant l’économie allemande sont aussi les plus peuplés : la Rhénanie du Nord-Westphalie comptait 17 679 000 habitants en 1993, loin devant la Bavière (11 993 500) et le Bade-Wurtemberg (10 693 000).
La population allemande est fortement urbanisée : 88 p. 100 des habitants vivent dans des agglomérations de plus de 2 000 habitants. L’Allemagne est un pays d’urbanisation ancienne. Trèves, Mayence, Coblence ou Augsbourg furent fondées à l’époque romaine. La civilisation urbaine s’est épanouie au Moyen Âge, sous l’impulsion notamment de la Hanse. À la fin du xve siècle, le pays comptait 4 000 villes, à la fois centres d’échanges et foyers industriels (artisanat, textile, etc.). À partir du xvie siècle se développent les capitales princières et les villes libres, jouissant d’une relative autonomie vis-à-vis du pouvoir impérial.
Au cours du xixe siècle, avec la révolution industrielle, les grandes villes deviennent un caractère essentiel de la civilisation allemande. De nouvelles cités apparaissent autour des grands foyers économiques, notamment dans la Ruhr. Parallèlement, les villes plus anciennes se développent, en créant de nouveaux quartiers ou en absorbant des communes voisines.
Ce phénomène d’absorption est caractéristique du développement urbain en Allemagne. En 1920, Berlin devint la deuxième ville d’Europe en incorporant une soixantaine de communes environnantes ainsi que de nombreux domaines agricoles. Durant les années 1960, une réforme administrative encourage le regroupement des quelque 24 000 communes ouest-allemandes. Au terme de ce processus, au début des années 1980, l’Allemagne de l’Ouest ne comptait plus que 8 505 communes.
Aujourd’hui, le réseau urbain allemand comprend 84 agglomérations de plus de 100 000 habitants, regroupant un tiers de la population. Parmi celles-ci, 19 dépassent 300 000 habitants, dont trois seulement sont situées en Allemagne orientale. Les communes étant dotées d’une large autonomie de gestion, les grandes agglomérations disposent d’un pouvoir économique très important.
Berlin, la plus grande ville du pays, est redevenue la capitale de l’Allemagne après la réunification (octobre 1990). Sa population était estimée, en 2005, à 3 387 800 habitants. Les autres grandes villes du pays sont Hambourg (1 734 800 habitants), premier port allemand ; Munich (1 249 200 habitants), capitale politique, commerciale et culturelle du Land de Bavière ; Cologne (969 700 habitants), ville industrielle célèbre pour sa cathédrale ; Brême (663 000 habitants), deuxième port d’Allemagne et important centre industriel et financier ; Francfort-sur-le-Main (646 900 habitants), ville d’affaires, importante place financière européenne et siège du premier aéroport international allemand ; Essen (588 100 habitants), centre sidérurgique de la Ruhr ; Dortmund (588 700 habitants), important port fluvial, au cœur du bassin houiller de la Ruhr ; Stuttgart (590 700 habitants) ; Düsseldorf (572 700 habitants) ; Duisbourg (504 400 habitants), plus grand port fluvial du monde ; Hanovre (515 800 habitants) ; Leipzig (498 500 habitants), qui fut longtemps l’une des capitales culturelles d’Allemagne ; Nuremberg (495 300 habitants) ; Dresde (487 400 habitants) ; Bonn (311 900 habitants), l’ancienne capitale politique de la RFA.
3.3Institutions et vie politique
L’Allemagne est régie par une Loi fondamentale (Grundgesetz) adoptée le 8 mai 1949 par les représentants des onze Länder de l’Allemagne de l’Ouest. Entrée en vigueur le 23 mai 1949, elle a donné naissance à la République fédérale d’Allemagne, définie comme un État fédéral démocratique et parlementaire. Le 3 octobre 1990, les cinq Länder de RDA ont adhéré à la Loi fondamentale.
3.3.1Pouvoir exécutif
Le chef de l’État est le président de la République fédérale. Il est élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois, par une Assemblée fédérale constituée des députés du Bundestag, la Diète fédérale, et d’un nombre égal de délégués élus par les parlements des Länder, les Landtage.
Sa fonction est essentiellement représentative. À l’extérieur, il représente la République fédérale d’Allemagne, conclut les traités avec les États étrangers, accrédite et reçoit les ambassadeurs. Toutefois, la politique étrangère reste la prérogative du gouvernement fédéral. Sur le plan national, il nomme et révoque les juges fédéraux, les fonctionnaires fédéraux ainsi que les officiers. Il promulgue également les lois fédérales après avoir examiné leur conformité à la Constitution.
Selon la Loi fondamentale, il appartient au président fédéral de proposer au Bundestag un candidat pour la fonction de chancelier fédéral. Mais, dans les faits, ce choix est restreint, le chancelier devant être issu de la majorité parlementaire. Sur proposition du chancelier, le président nomme et révoque les ministres fédéraux. Le chef de l’État dispose également du droit de dissolution mais l’exercice de celui-ci est strictement encadré par la Constitution : le Bundestag ne peut être dissous, sur proposition du chancelier, que si celui-ci se voit refuser la confiance qu’il a demandée aux députés.
Comme dans tout régime parlementaire, le chancelier, chef du gouvernement fédéral, est responsable devant le Bundestag qui l’élit. Cependant, soucieux de prévenir l’instabilité gouvernementale qui mina la République de Weimar, les constituants ont prévu que les députés ne peuvent retirer leur confiance au chancelier qu’en lui désignant, à la majorité absolue, un successeur. Une telle procédure, appelée vote de défiance constructif, n’a abouti qu’une seule fois depuis 1949 : en 1982, Helmut Kohl, démocrate-chrétien, a été élu ainsi pour succéder à la chancellerie au social-démocrate Helmut Schmidt.
3.3.2Pouvoir législatif
Le Parlement fédéral allemand est constitué de deux Chambres, le Bundestag, ou Diète fédérale, et le Bundesrat, ou Conseil fédéral, qui ont été toutes deux élargies en 1990 pour inclure les représentants de l’ex-RDA.
Le Bundestag est l’Assemblée nationale de la République fédérale d’Allemagne. Il représente directement le peuple. Il vote les lois, à la majorité simple, élit le chancelier fédéral et contrôle le gouvernement. Ses membres sont élus au suffrage universel direct pour quatre ans, par les citoyens âgés de plus de 18 ans. Ils sont désignés selon un mode de scrutin combinant scrutin uninominal et scrutin de liste. En effet, la moitié des députés est élue directement (mandats directs), à la majorité simple ou relative. L’autre moitié est élue au niveau des Länder, à la représentation proportionnelle, à partir de listes présentées par les partis politiques (mandats de listes), ceux-ci n’étant représentés que s’ils obtiennent au moins 5 p. 100 des suffrages exprimés. Si un parti a obtenu, dans les circonscriptions électorales, plus de mandats directs qu’il ne lui en revient en fonction du pourcentage de voix obtenues au scrutin de liste, il peut conserver ses « mandats excédentaires «. Dans de tels cas, le Bundestag compte plus de membres que les 656 sièges prévus légalement. Ainsi, l’Assemblée élue en 1994 comptait 672 députés, contre 669 en 1998.
Le Bundesrat assure la représentation des seize Länder fédérés. Il apporte son concours à la législation et à l’administration de la Fédération. Il se compose de 69 délégués désignés par les gouvernements des Länder, chaque Land disposant, selon sa population, de trois à six représentants, qui ne peuvent s’exprimer que collectivement. Les lois fédérales (environ la moitié des textes législatifs) qui concernent de près ou de loin les intérêts essentiels des Länder (soit qu’elles aient une incidence sur leurs finances, soit qu’elles touchent à leurs compétences) requièrent l’approbation formelle du Bundesrat. Lorsque le Bundestag et le Bundesrat ne parviennent pas à se mettre d’accord, une commission d’arbitrage est formée avec des membres des deux chambres. Pour les autres lois, le Bundesrat ne possède qu’un droit de veto, que le Bundestag peut lever par un nouveau vote. Seul un vote à la majorité des deux tiers, dans chacune des deux Chambres, peut autoriser un amendement à la Loi fondamentale, certaines de ses dispositions ne pouvant toutefois être abrogées.
3.3.3Pouvoir judiciaire
L’instance judiciaire suprême de la RFA est la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht) qui siège à Karlsruhe. Ses 16 juges sont élus moitié par le Bundestag, moitié par le Bundesrat, pour un mandat non renouvelable de douze ans. La Cour veille au respect de la Loi fondamentale. Elle statue ainsi sur les litiges entre la Fédération et les Länder ou entre les divers organes fédéraux, contrôle la constitutionnalité des lois fédérales et des lois des Länder, et peut ordonner la dissolution d’un parti politique qui viserait à renverser l’ordre constitutionnel libéral et démocratique. Son action s’exerce sur saisine du gouvernement fédéral, des gouvernements des Länder, d’un tiers au moins des membres du Parlement ou encore des tribunaux.
Chaque État possède par ailleurs son propre système judiciaire chapeauté par l’Oberlandsgericht (Cour suprême de l’État).
3.3.4Gouvernement local
Chaque Land est doté d’une assemblée élue par le peuple, qui choisit un ministre-président ou, à Hambourg et à Brême, un Oberbürgermeister (président du conseil municipal) comme chef de l’exécutif. La politique étrangère, la défense, la politique monétaire, le crédit et la monnaie, le trafic aérien et une partie du droit fiscal sont de la compétence exclusive de la Fédération.
Les Länder sont en revanche souverains pour l’organisation des services de police, le droit communal, l’enseignement, la culture ou encore l’exercice des cultes. Ils ont la charge de l’exécution des décisions fédérales, et une grande partie des tâches administratives leur incombe. Chaque Land peut également lever des impôts. La Fédération peut transférer aux Länder des domaines particuliers de la législation par des prescriptions-cadres : ce fut le cas pour l’enseignement supérieur, l’aménagement du territoire, la protection de la nature et la conservation des sites naturels.
Certains champs de compétence ne sont pas strictement délimités comme le droit civil, le droit pénal, le droit économique, le droit du travail et des sols, le droit des étrangers, la politique du logement, la politique énergétique, la circulation routière ou encore la gestion des déchets. Dans ces domaines particuliers, les Länder ne peuvent légiférer qu’avec l’assentiment de la Fédération, et celle-ci n’est habilitée à légiférer que s’il existe un besoin de réglementation uniforme à l’échelle de l’État fédéral.
Les seize Länder se partagent 36 p. 100 du produit des impôts perçus à l’échelle fédérale, 49 p. 100 revenant à l’État fédéral et 12 p. 100 étant versés à l’Union européenne.
3.3.5Partis politiques
La vie politique allemande est dominée par deux partis, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) – et sa branche bavaroise, la CSU, plus conservatrice – et le Parti social-démocrate (SPD). Les autres partis représentés au Bundestag sont le Parti libéral (FDP), les Verts et le Parti du socialisme démocratique (PDS), rebaptisé Parti de gauche en 2005.
3.3.6Défense
Les forces armées de l’Allemagne de l’Ouest, la Bundeswehr, créées en 1955, ont été entièrement intégrées dans les forces de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Après la réunification, elles ont intégré 100 000 hommes de l’armée de l’ex-RDA. Le service militaire, obligatoire, dure douze mois et peut s’effectuer sous la forme d’un service civil. La réunification de l’Allemagne en 1990 s’est accompagnée du retrait progressif des forces soviétiques de l’Allemagne de l’Est, l’OTAN s’étant engagée à ne pas stationner de forces dans cette partie du territoire allemand. Les dernières troupes d’occupation britanniques, françaises et américaines ont quitté l’Allemagne occidentale durant l’été 1994.
La RFA, puis l’Allemagne réunifiée, a toujours limité ses dépenses militaires (1,5 p. 100 du PIB en 2003). Durant la guerre du Golfe, ses dirigeants ont invoqué un article de la Constitution, qui interdit toute intervention des forces armées hors de l’OTAN, pour ne pas participer à la coalition militaire emmenée par les États-Unis. L’éventualité d’un engagement de troupes allemandes dans le conflit yougoslave a fait l’objet d’un débat politique national, arbitré par la Cour constitutionnelle fédérale. Pour la première fois depuis 1945, les soldats allemands ont repris les armes, le 24 mars 1999, en participant à l’opération « Force déterminée « qui a opposé treize des membres de l’OTAN aux troupes serbes de Slobodan Milošević. À l’issue du conflit, l’Allemagne s’est vu confier au sein de la KFOR le contrôle d’une des cinq zones en lesquelles le Kosovo a été partagé.
3.4Langues et religions
La langue officielle est l’allemand, qui appartient à la branche des langues germaniques de la famille des langues indo-européennes. Les quelque 100 000 Sorabes (ou Sorbes), descendants des Wendes, Slaves établis en Lusace, constituent la seule minorité linguistique. L’émergence d’une langue commune aux Allemands remonte à la traduction de la Bible par Martin Luther. Souhaitant rendre les Écritures accessibles à tout croyant, il les traduisit en Hochdeutsch, la langue parlée de l’Allemagne moyenne.
La religion occupe, en raison de l’histoire du pays (Saint Empire romain germanique, Réforme), une place très particulière en Allemagne où il n’y a jamais eu de séparation de l’Église et de l’État. Aussi chaque Allemand, qui déclare volontairement son appartenance à une Église, doit en principe payer le Kirchensteuer, l’impôt d’Église. L’Église évangélique allemande réunit, depuis 1948, 13 Églises luthériennes et 13 Églises unies (luthériennes et réformées) ainsi que 2 Églises réformées. Un conseil et un synode rassemblent les délégués des Églises des différents Länder. Il existe également des Églises réformées séparées du synode.
L’Église catholique, dont le statut est toujours fixé par le concordat du Reich de 1933, reconnu par le gouvernement fédéral en 1949, est régie par des concordats passés directement entre le Vatican et les Länder.
L’opposition traditionnelle, établie au xviiie siècle, entre une Allemagne du Nord protestante et une Allemagne du Sud catholique, demeure vivace. Avant la réunification, les catholiques étaient légèrement majoritaires en RFA. L’intégration des cinq Länder de l’Est a inversé ces proportions. L’Allemagne réunifiée compte désormais 45 p. 100 de protestants, en grande majorité des luthériens. Les 40 p. 100 de catholiques vivent principalement en Rhénanie et en Bavière. À travers l’immigration turque s’est également constituée une petite communauté musulmane, qui représente aujourd’hui 2,3 p. 100 de la population. Le judaïsme n’est plus pratiqué que par 30 000 personnes (contre 550 000 en 1933).
3.5Éducation
L’école est obligatoire et gratuite pour les enfants et les adolescents âgés de 6 à 18 ans. L’Allemagne doit une partie de son succès économique à son système d’enseignement. Celui-ci, reconnu pour sa qualité, fait une grande place à la formation professionnelle, notamment dans l’enseignement supérieur où il est largement ouvert au monde de l’entreprise. En 1995, les dépenses publiques consacrées à l’éducation représentaient 4,1 p. 100 du produit intérieur brut (PIB). Le taux d’alphabétisation des plus de 15 ans est de 99% des adultes.
L’enseignement primaire, la Grundschule, dure quatre ans. Les deux premières années de l’enseignement secondaire correspondent à des classes d’orientation. Le premier cycle du secondaire peut s’effectuer dans une Hauptschule, une Realschule ou un Gymnasium. Presque la moitié des écoliers vont dans une Hauptschule (collège) pour y suivre cinq années d’enseignement. Ils peuvent ensuite opter pour une formation professionnelle. La Berufsschule (école professionnelle) dispense une formation en alternance pendant trois ans. La Berufsfachschule est une école professionnelle à temps plein, où le cursus varie de un à trois ans.
Un quart des élèves allemands suit dans les Realschulen une formation de six ans combinant éducation générale et cours d’initiation à la vie professionnelle. Les matières économiques et commerciales occupent une place importante dans l’enseignement. À l’issue de ce cursus, les élèves se dirigent vers une formation ou une carrière professionnelle. Le diplôme délivré permet en effet d’entamer une carrière dans le secteur privé ou la fonction publique, d’intégrer une école professionnelle spécialisée ou un lycée technique (Fachoberschule). En 1994, 40 p. 100 des élèves avaient atteint ce niveau d’études. Après deux ans à la Fachoberschule, les élèves peuvent suivre une formation supérieure d’un an à la Fachhochschule (équivalent des Instituts universitaires de technologie).
Enfin, un quart des élèves entre au Gymnasium, lycée d’enseignement général couvrant le premier et le deuxième cycle du secondaire. Le cursus de huit ans est sanctionné par un diplôme, l’Abitur (le baccalauréat), qui ouvre l’accès à l’université.
Depuis les années 1970, la distinction rigide entre ces divers types d’enseignement a disparu et le passage de l’un à l’autre est plus facile. De nombreuses écoles comme les Volkshochschulen (universités populaires) permettent également aux adultes de poursuivre, parallèlement à leur vie professionnelle, une formation continue diplômante.
En 1960, moins de 8 p. 100 de jeunes appartenant à une même classe d’âge poursuivaient leurs études à l’université ou dans un institut d’enseignement supérieur. En 1995, ils étaient plus de 30 p. 100. Cette explosion des effectifs étudiants ébranle un système universitaire renommé. L’université d’Heidelberg, la Ruprecht-Karls-Universität, fondée en 1386, figure parmi les plus anciennes universités d’Europe. Berlin, Bonn, Cologne, Erlangen, Francfort-sur-le Main, Fribourg-en-Brisgau, Göttingen (voir université de Göttingen), Hambourg, Leipzig (voir université de Leipzig), Marburg, Munich (voir université de Munich) et Tübingen comptent également de prestigieuses universités. Toutes sont fortement impliquées dans l’effort de recherche-développement, très important en Allemagne (2,4 p. 100 du PIB en 1995), qui met en étroite collaboration la recherche scientifique universitaire et le secteur privé industriel. L’Allemagne compte également un nombre important d’institutions de formation d’enseignants, d’écoles des beaux-arts, de musique, de cinéma ou encore de théologie.
3.6Arts et vie culturelle3.6.1Institutions culturelles
La vie culturelle allemande est extrêmement décentralisée. Les Länder, héritiers des États germaniques, maintiennent la tradition du mécénat princier et les communes subventionnent également leurs institutions.
L’Allemagne compte quelque 1 200 musées et 400 grandes bibliothèques. La plupart des édifices culturels détruits ou endommagés pendant la Seconde Guerre mondiale ont été reconstruits. Les collections d’art des rois de Prusse sont conservées à Berlin, dans le quartier de Dahlem, où sont regroupés plusieurs musées, dont le Département des peintures, qui renferme des collections de toutes les écoles européennes. Les collections des rois de Bavière sont conservées à Munich, à la Alte Pinakothek, tandis que la Neue Pinakothek renferme des œuvres d’artistes modernes et contemporains. Le Musée romain-germanique de Cologne abrite des antiquités de l’époque romaine. Dresde, qui fut l’une des grandes capitales culturelles de l’Allemagne, entièrement détruite en 1945 et reconstruite depuis, abrite dans le palais du Zwinger la Collection d’art national, qui inclut les collections des ducs de Saxe.
De remarquables collections scientifiques et d’histoire naturelle sont également exposées au musée d’Histoire naturelle et de Paléontologie de Senckenberg, à Francfort, au musée des Technologies de Dresde, et au Musée allemand de Munich, l’un des plus modernes du monde.
La richesse de la vie culturelle allemande s’exprime également dans la multiplicité des lieux et des groupes de création artistique. Ainsi, 75 villes ont une troupe permanente de théâtre, financée par la municipalité ou le Land, et 34 villes possèdent un orchestre permanent. Les salles de concert et les théâtres attirent un public nombreux, issu de toutes les catégories sociales.
L’Allemagne compte près de 300 théâtres. La Schaubühne et la Volksbühne, à Berlin, sont parmi les plus renommés du monde. Les plus grandes salles d’opéra sont celles de Berlin, Cologne, Leipzig, Dresde, Hambourg, Munich et Stuttgart. Wuppertal et Francfort entretiennent également de remarquables compagnies de danse, l’une dirigée par Pina Bausch, l’autre par William Forsythe. La tradition du cabaret se maintient — et renaît — à Berlin, Hambourg, Francfort et Hanovre.
Les orchestres philharmoniques de Berlin et de Munich sont internationalement célèbres, de même que les orchestres radiophoniques de Munich, Cologne et Hambourg. Les festivals Bach, à Ansbach et à Leipzig, et le festival de Bayreuth, consacré à la musique de Richard Wagner, attirent les mélomanes du monde entier.
Le dynamisme de la vie culturelle se manifeste encore à travers la Semaine du film de Berlin, la Documenta des arts visuels à Kassel ou la Foire internationale du livre de Francfort. L’Allemagne est d’ailleurs le deuxième éditeur mondial (après les États-Unis) pour le nombre d’ouvrages publiés chaque année : en 1997, plus de 74 000 ouvrages ont été publiés.
3.6.2Médias
La liberté de la presse est garantie par la Constitution allemande. L’Allemagne possède plus de 2 000 maisons d’édition. La plupart des organes de presse qui opéraient sous le strict contrôle du parti communiste en ex-RDA ont été privatisés après la chute du communisme. La plupart des grandes villes allemandes possèdent leurs quotidiens. En 2004, on comptait 347 quotidiens en Allemagne dont 90 p. 100 sont publiés dans l’ex-RFA. Des périodiques, comme le magazine d’information Der Spiegel, connaissent une très large diffusion.
4ÉCONOMIE4.1Généralités
Très affaiblie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne de l’Ouest connaît, dès les années 1950, un redressement spectaculaire de son économie, connu sous l’expression « miracle économique « allemand. Malgré les destructions occasionnées par la guerre, l’appareil industriel allemand conserve une capacité de production égale à 80 p. 100 de sa capacité d’avant la guerre. Il est, dans les dix premières années qui suivent la guerre, entièrement rénové et transformé, grâce aux crédits américains issus tout d’abord du plan Marshall, relayé ensuite par des capitaux privés.
Outre l’afflux de capitaux étrangers, la RFA bénéficie d’un important apport de main-d’œuvre (Allemands réfugiés ou expulsés) et d’une conjoncture économique favorable. L’expansion de l’industrie allemande, soutenue par un secteur bancaire très puissant, s’est réalisée dans le cadre de l’« économie sociale de marché «, imposée par Ludwig Erhard, ministre de l’Économie de 1949 à 1963 : la libre concurrence s’exerce dans un cadre organisé par l’État, qui n’intervient que pour créer les conditions d’une croissance équilibrée. L’État encourage l’investissement, régule les flux économiques et lutte contre les inégalités sociales engendrées par le système, la politique monétaire visant en priorité à assurer la stabilité de la monnaie.
À l’inverse, l’Allemagne de l’Est, dont l’infrastructure industrielle est démantelée par l’URSS au titre des réparations de guerre, est intégrée dans un système d’économie socialiste, collectiviste et dirigiste, contrainte d’obéir à une planification centralisée largement dictée par Moscou et tenue de commercer avec les pays du Comecon. Elle devient l’une des principales puissances industrielles du Comecon mais au prix d’un très lourd endettement.
La réunification a confronté deux économies très différentes. Le coût en a été élevé et a affecté la compétitivité de la RFA. Pour éviter un déséquilibre social trop important et une migration massive vers l’ouest de la population active est-allemande, la parité de change a été établie au lendemain de la réunification et les salaires ont été en grande partie harmonisés, alors même que la productivité était beaucoup plus faible à l’Est qu’à l’Ouest, et que la restructuration et la modernisation de l’appareil industriel de l’ancienne RDA, vétuste et très polluant, allaient exiger d’importants investissements.
Le poids financier de la réunification a d’autant plus pesé sur l’économie allemande que la conjoncture était défavorable, marquée par la hausse du Deutsche Mark (DM) et le ralentissement de la croissance chez les principaux partenaires commerciaux de l’Allemagne. Depuis 1993, l’économie allemande a perdu en compétitivité, le déficit de la balance des paiements s’est creusé et le chômage, en forte hausse, atteint désormais un niveau très élevé. En 2004, il affectait 9,8 p. 100 de la population active.
Pour maintenir la puissance économique du pays, toujours fondée sur l’industrie malgré la forte progression du secteur tertiaire, le gouvernement a engagé une politique d’austérité et d’économies budgétaires, rendue nécessaire par la perspective de l’Union monétaire européenne. Le déficit public demeure encore très élevé, la dette publique brute s’élevait en effet à 62 p. 100 du PIB en 2002. Pâtissant d’une croissance négative, l’Allemagne connaît une période de récession en 2003.
Le désengagement de l’État s’accompagne aujourd’hui d’un âpre débat sur le système des protections sociales et juridiques des salariés, défendu par des syndicats puissants. Ainsi, la Confédération des syndicats allemands, la DGB, compte 10 millions de membres. Le débat économique porte également sur le coût élevé du travail en Allemagne, susceptible de rendre le pays de moins en moins concurrentiel. Selon les études de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), sur une base 100 en 1991, le coût de la main-d’œuvre en 1996 était de 123 en Allemagne, pour 99 en France.
Malgré ces difficultés, l’Allemagne demeure un géant économique et l’un des pays les plus riches de la planète. En 2003, son PIB s’est élevé à 2 403 milliards de dollars, avec un taux de croissance annuel entre 1990 et 2003 de 1,51 p. 100 et un taux d’inflation très faible. L’Allemagne est aujourd’hui la troisième puissance économique du monde et se plaçait en 2003 au 15e rang mondial pour le produit intérieur brut par habitant. Toutefois, ce dernier montre une forte disparité entre les deux Allemagnes : il est deux fois plus élevé à l’Ouest qu’à l’Est.
4.2Agriculture, forêts, pêche4.2.1Agriculture
Le secteur primaire occupait 3 p. 100 de la population active et fournissait 1,1 p. 100 du PIB au début des années 2000. L’agriculture allemande n’assure pas l’autosuffisance du pays, contraint d’importer près du tiers de ses denrées alimentaires. En 1994, le déficit de la balance agricole s’élevait à 22,4 milliards de dollars.
Près de 35 p. 100 des terres sont cultivées. À l’Ouest, malgré une politique de remembrement entamée dès le xixe siècle et poursuivie au xxe siècle, 75 p. 100 des exploitations agricoles couvrent une superficie inférieure ou égale à 20 ha, soit au total 37 p. 100 de la surface agricole utile (SAU). La plupart conservent une structure familiale. Bien que beaucoup moins nombreuses, les grandes exploitations (entre 20 et 100 ha) exploitent 63 p. 100 de la SAU.
Dans l’ancienne Allemagne de l’Est, la grande propriété, aux mains de l’aristocratie foncière (Junker), prédominait avant 1939. Les terres, confisquées par le gouvernement communiste, ont été ensuite exploitées dans le cadre de coopératives socialistes et de grandes fermes d’État. Le gouvernement procède actuellement à la vente de ces terres en propriétés individuelles, mais la privatisation se heurte fréquemment à la résistance d’anciens membres de coopératives. L’introduction de la politique agricole commune de l’Union européenne (PAC) n’a pas été mieux accueillie : l’obligation de mise en jachère a surtout pesé sur les terres agricoles de l’Est. En 1990, 600 000 ha ont ainsi été « gelés «.
L’agriculture allemande, à l’Est comme à l’Ouest, est une agriculture performante : le degré de mécanisation, le niveau de formation professionnelle et les rendements y sont très élevés.
L’élevage arrive en tête, fournissant à lui seul 70 p. 100 du revenu agricole. Le cheptel porcin est le plus important (26,5 millions de têtes en 2004, 4e rang mondial). Le cheptel bovin (13,4 millions de têtes) régresse depuis plusieurs années, la part des vaches laitières ayant fortement diminué en raison des quotas laitiers imposés par l’Union européenne.
Les principales cultures sont la betterave à sucre (25,5 millions de tonnes en 2004, 3e rang mondial), la pomme de terre (13 millions de tonnes, 7e rang mondial) et les céréales (50,8 millions de tonnes en 1995, 8e rang mondial) dont principalement le blé (25,3 millions de tonnes, 6e rang mondial), qui occupe 20 p. 100 des surfaces cultivées, l’orge (13 millions de tonnes, 3e rang mondial), et le seigle (3,8 millions de tonnes, 3e rang mondial). L’Allemagne a produit également en 2006 1 million de tonnes de vin.
Les meilleures terres se concentrent dans les régions lœssiques des Börde, de Magdebourg et de Halle-Leipzig, où domine la culture intensive de la betterave et des céréales. Le bassin souabe-franconien, le Bade et la Bavière sont des régions de polyculture. L’élevage domine dans le Schleswig-Holstein, les Marschen et les régions de moyenne montagne. La vallée du Rhin quant à elle produit des vins réputés.
4.2.2Pêche et sylviculture
La pêche est une activité secondaire. En 2005, le total des prises atteignait 330 353 tonnes. Les principaux ports de pêche sont Brême et son avant-port Bremerhaven, ainsi que Cuxhaven sur la mer du Nord et Kiel sur la mer Baltique.
L’exploitation forestière demeure une activité importante, mais les coupes (62 millions de m³ en 2006) ne cessent de décroître depuis 1990. La plus grande partie de la production est concentrée dans le sud-ouest du pays. Le bois d’œuvre représente plus de 70 p. 100 de la production forestière.
4.3Mines et industries4.3.1Exploitation minière et énergie
L’industrie minière, qui fut pendant longtemps le moteur de l’économie allemande, ne fournit plus que 1 p. 100 du PIB. L’Allemagne reste toutefois l’un des premiers producteurs mondiaux de lignite (192,6 millions de tonnes en 1994), extraite principalement dans les mines à ciel ouvert de l’ancienne RDA. Le bassin charbonnier de la Ruhr connaît une profonde crise. Si la production totale était encore de 58,8 millions de tonnes en 1995 (9e rang mondial), l’exploitation des mines n’est plus rentable. Une tonne de charbon acheminée depuis l’Afrique du Sud ou l’Australie jusqu’à Rotterdam coûte aujourd’hui trois fois moins cher qu’une tonne de charbon allemand.
L’Allemagne exploite également des gisements de schiste bitumineux, de minerai de fer, de potasse et de sel. La production de gaz naturel n’est pas négligeable (22,2 milliards de m3 en 2003). Du pétrole est également extrait en mer du Nord et dans la plaine du Nord, mais l’essentiel des hydrocarbures consommés est importé des Pays-Bas et de Russie. Des oléoducs acheminent également le pétrole depuis Fos-sur-Mer, Gênes et Trieste.
En 2003, la production d’électricité s’est élevée à 558 milliards de kilowattheures. L’hydroélectricité (produite essentiellement en Bavière) et le nucléaire, rejeté tant par les écologistes que par le lobby charbonnier, contribuent faiblement à la production d’énergie électrique, dont une partie est importée de France. Au total, l’Allemagne ne produit que 45 p. 100 de l’énergie qu’elle consomme. Les importations de produits énergétiques représentent jusqu’à 7 p. 100 des importations totales.
4.3.2Industries
L’industrie fournissait 30 p. 100 du PIB et occupait 29,7 p. 100 de la population active au début des années 2000. Elle constitue le pilier de la puissance économique de l’Allemagne. C’est le secteur qui a le plus souffert de la réunification. En 1995, la société chargée de la privatisation des sociétés est-allemandes, la Treuhandanstalt, a été dissoute, une fois achevée sa tâche de liquidation de l’héritage économique de l’ex-RDA. Parallèlement, les investissements réalisés depuis 1990 ont commencé à porter leurs fruits, la croissance étant deux fois plus élevée à l’Est qu’à l’Ouest. Toutefois, la nouvelle industrie est-allemande demeure fragile, tandis que les sociétés ouest-allemandes sont ébranlées par leur perte de compétitivité.
En février 1996, le premier chantier naval allemand, Bremer Vulkan, est déclaré en faillite. Daimler-Benz, la plus grande entreprise du pays, doit quant à elle céder une partie de ses intérêts dans l’électroménager et l’aéronautique pour faire face à une perte record de 6 milliards de DM en 1995. Désireuses d’être plus concurrentielles, les entreprises allemandes tendent de plus en plus à délocaliser leurs activités de production.
L’industrie allemande possède néanmoins des atouts structurels. Elle est constituée à la fois par de très grands groupes (à l’échelle nationale et mondiale), aux activités extrêmement diversifiées et aux assises financières solides, et par un grand nombre de petites et moyennes entreprises très dynamiques.
On ne compte que 2 p. 100 d’entreprises de plus de 1 000 employés, mais celles-ci emploient au total près de 40 p. 100 des effectifs de l’industrie. Depuis la révolution industrielle, les milieux d’affaires allemands ont bâti de puissants empires, les Konzern, caractérisés par une forte concentration aussi bien horizontale que verticale. Le groupe Krupp-Hoesch, par exemple, a des participations dans plus de 130 sociétés en Allemagne et à l’étranger, et détient la totalité des actions dans la moitié d’entre elles.
Aux côtés de ces géants, les nombreuses petites et moyennes entreprises familiales constituent un moteur pour l’innovation et l’exportation. Une des caractéristiques essentielles de l’industrie allemande est le fort taux d’investissement consacré à la recherche-développement, permettant une adaptation constante au progrès technologique et à la demande des consommateurs.
L’industrie allemande est extrêmement diversifiée. Le premier secteur industriel est celui des machines et des biens d’équipements lourds (machines-outils, machines spécialisées, matériel électrique, matériel militaire, mécanique lourde, etc.), qui crée 41 p. 100 de la valeur ajoutée industrielle allemande, et dont l’Allemagne est le deuxième exportateur mondial. La production des machines-outils est dominée par trois groupes, BASF, Höchst et Bayer, qui ont tous trois leur siège en Rhénanie.
Le deuxième grand secteur est celui de la chimie de base (12 p. 100 de la valeur ajoutée industrielle) et de la pharmacie : l’Allemagne est en effet le troisième producteur pharmaceutique du monde après les États-Unis et le Japon.
La sidérurgie et la métallurgie sont également importantes : l’Allemagne est le 6e producteur mondial d’acier (45 millions de tonnes en 2003, 1er rang européen) et le 19e producteur mondial d’aluminium (550 000 t en 2003). La sidérurgie, essentiellement concentrée dans le bassin industriel de la Ruhr, est à 80 p. 100 aux mains des groupes Thyssen et Krupp-Hoesch, dont la fusion, annoncée en 1997, est effective en 1999.
L’industrie automobile (4 millions d’unités en 1994, 3e rang mondial) est dominée par trois grands constructeurs allemands (Volkswagen, basé à Wolfsburg, Mercedes-Benz à Stuttgart et BMW à Munich) et deux constructeurs américains (Ford et Opel-General Motors). Ce secteur, l’un des plus sensibles à la crise économique, est affecté par un important mouvement de délocalisation de la production : 35 p. 100 des voitures et 50 p. 100 des camions de marque allemande sont aujourd’hui produits à l’étranger. En juin 1998, Volkswagen est sorti vainqueur de la bataille qui l’opposait à BMW dans le rachat de Rolls-Royce. Un mois auparavant, Daimler-Benz fusionnait avec l’Américain Chrysler, donnant naissance au cinquième constructeur automobile mondial.
Les industries de pointe sont très performantes, notamment dans les domaines de l’électrotechnique, de l’électronique (Siemens, AEG, Bosch), de la bureautique ou encore de l’optique (Zeiss, Leitz).
Le niveau élevé des salaires pèse plus lourdement sur l’industrie des biens de consommation. L’industrie textile, qui subit les effets de la concurrence internationale, se restructure autour de la confection et de la mode. L’agroalimentaire et la brasserie fournissent 12 p. 100 de la valeur ajoutée industrielle. Parmi les autres secteurs figurent également l’industrie du jouet, du cuir, du meuble ou encore l’industrie culturelle, représentée notamment par l’édition et le cinéma (Munich, Berlin).
La Rhénanie du Nord-Westphalie concentre une grande partie de l’activité industrielle, dans le bassin de la Ruhr, centre traditionnel de l’industrie allemande aujourd’hui durement frappé par la crise, et autour des grandes villes comme Aix-la-Chapelle, Cologne et Düsseldorf (produits chimiques, métallurgie, mécanique lourde, automobile). L’autre grande région industrielle est formée par le triangle du Rhin moyen, vaste conurbation s’étendant de Karlsruhe à Francfort, Wiesbaden et Mayence, et englobant Offenbach-sur-le-Main, Mannheim et Ludwigshafen (électronique, industrie pharmaceutique, chimie, mécanique, automobile).
Les autres pôles industriels se situent au sud, dans la région de Stuttgart et du moyen Neckar (automobile, électronique, bureautique, optique, textile) et autour de Munich (aéronautique, automobile, confection, brasserie) ; dans le nord-ouest, autour de Hanovre-Brunswick (sidérurgie, chimie) et autour des villes portuaires de Hambourg, Brême, Kiel et Wilhelmshaven (raffinage pétrolier, agroalimentaire, brasserie, construction navale, bureautique, imprimerie).
L’importante industrie métallurgique et sidérurgique est-allemande, avec notamment les immenses aciéries d’Eisenhüttenstadt, est aujourd’hui dans une situation critique. Plus importantes pour l’avenir sont l’industrie chimique de la région de Halle-Leipzig, l’industrie pharmaceutique d’Iéna et Dresde, le secteur des instruments optiques et de précision (Iéna, Görlitz), ou encore l’industrie textile (Cottbus, Chemnitz, Leipzig).
4.4Secteur tertiaire et commerce extérieur
Comme l’ensemble des pays développés, l’Allemagne a connu ces dernières décennies une forte tertiarisation de ses activités. Les services employaient au début des années 2000 67,8 p. 100 de la population active et fournissaient 69,1 p. 100 du PIB.
4.4.1Secteur financier
Jusqu’à l’entrée en vigueur de la monnaie unique européenne, l’unité monétaire allemande était le deutsche Mark ou DM, divisible en 100 Pfennige. Il était émis par la Deutsche Bundesbank (la « Buba «), une institution autonome de droit public, non gouvernementale, dont le siège est à Francfort. La politique monétaire menée par la Bundesbank a contribué à faire du DM une monnaie forte. Le 1er janvier 2002, l’euro est devenu la monnaie officielle de l’Allemagne, selon le taux de conversion suivant : 1 euro = 1,95583 deutsche Mark. Les faces nationales des pièces en euros émises en Allemagne représentent une feuille de chêne, la porte de Brandebourg et l’aigle, qui après avoir été le symbole romain de l’Empire et du Saint-Empire romain germanique symbolise aujourd’hui la démocratie en Allemagne.
L’ensemble des institutions de crédits allemandes emploie 700 000 salariés. Le système allemand est celui de la banque universelle : tous les établissements possédant le statut bancaire peuvent réaliser toutes les opérations financières.
Les grandes banques, telles la Deutsche Bank, la Dresdner Bank et la Commerzbank, sont très engagées dans l’économie productive et sont actionnaires des grandes sociétés industrielles et commerciales. Les banques populaires (Volksbanken), fonctionnant en coopératives, tissent le réseau bancaire le plus dense d’Europe. Après l’acquisition, en novembre 1998, de la banque américaine Bankers Trust, la Deutsche Bank est devenue le premier groupe bancaire mondial.
L’organisation boursière est également décentralisée : huit Bourses contribuent au financement des entreprises régionales. Les deux places boursières les plus importantes sont Francfort-sur-le-Main et Düsseldorf. En juillet 1998, l’accord signé entre le London Stock Exchange et la Deutsche Börse a permis la création du premier marché boursier européen.
Conformément aux clauses du traité de Maastricht, la Banque centrale européenne a son siège à Francfort. Le passage à la monnaie unique européenne, dans le cadre de l’Union économique et monétaire (UEM) européenne, a eu lieu le 1er janvier 1999. Il a fait l’objet d’un débat national, les deux tiers des Allemands s’étant montrés hostiles à l’abandon du DM au profit de l’euro, d’autant que, pour satisfaire aux critères d’entrée dans l’UEM, le gouvernement a adopté en avril 1995 un plan d’austérité drastique, destiné à économiser 50 milliards de DM et à ramener le déficit public à moins de 3 p. 100 du PIB dès 1997. Mais le 1er janvier 2002, la mise en circulation de l’euro sous forme d’espèces monétaires s’est parfaitement déroulée.
4.4.2Transports
Les infrastructures de transport sont extrêmement développées et assurent une couverture très dense du pays. Au début des années 2000, le réseau routier atteignait 230 700 km dont plus de 11 000 km d’autoroutes (Autobahnen). Celles-ci sont gratuites et jouent un rôle non négligeable dans l’aménagement du territoire, chaque commune devant disposer d’un accès autoroutier à moins de 50 km de distance.
Le réseau ferroviaire, géré par la Deutsche Bundesbahn, société contrôlée par l’État, assure également un maillage très dense du territoire. Le train à grande vitesse, l’ICE, relie les principales villes du pays. Les chemins de fer allemands transportent chaque année plus d’un milliard de passagers et assurent 28 p. 100 du fret national de marchandises. Si la route demeure le premier moyen de transit pour les marchandises, l’Allemagne développe de plus en plus le ferroutage afin de lutter contre les nuisances écologiques liées au transport routier.
Environ 20 p. 100 du fret allemand, soit plus de 300 millions de tonnes, essentiellement des pondéreux (charbon, minerai de fer, potasse, céréales, bois, etc.), empruntent la voie fluviale. Celle-ci a été particulièrement bien mise en valeur par un réseau très dense et très moderne de canaux : Mittellandkanal (1938, 321 km), canal Dortmund-Ems (1899, 269 km), canal latéral à l’Elbe (1976, 112 km), canal maritime de Kiel ou Nord-Ostseekanal (1895, 98 km) qui relie la mer du Nord à la mer Baltique, canal Oder-Sprée (1935, 83 km), etc. Le réseau fluvial allemand, qui comprend aujourd’hui près de 6 000 km de voies d’eau navigables dont 2 000 km de canaux, est relié à la France, aux Pays-Bas et à la Belgique, et depuis l’achèvement de la liaison Rhin-Main-Danube, en 1992, à l’Autriche et à l’Europe de l’Est. Sa rentabilité lui assure une grande importance économique. Duisbourg, sur le Rhin, est le premier port fluvial du monde.
Le transport maritime prend le relais du trafic fluvial à partir des grands ports de commerce de la mer du Nord, où sont basées les flottes marchandes (Hambourg, Wilhelmshaven, Brême, Kiel), et de la mer Baltique (Lübeck, Wismar, Rostock, Stralsund). Cependant, une large partie du trafic se dirige vers le port néerlandais de Rotterdam, où arrive l’essentiel des importations allemandes.
Enfin, près de 95 millions de passagers transitent chaque année par les aéroports allemands. L’Allemagne compte onze aéroports internationaux. Celui de Francfort-sur-le-Main est le troisième aéroport d’Europe. La principale compagnie aérienne allemande est la Deutsche Lufthansa AG, fondée en 1954 et contrôlée par l’État.
4.4.3Commerce extérieur
La puissance économique de l’Allemagne repose en grande partie sur sa très forte intégration à l’économie mondiale. Le commerce extérieur contribue largement au PIB et l’Allemagne est la première nation commerciale au monde, celle qui exporte le plus de marchandises. Depuis le début des années 1950, la balance commerciale est excédentaire (155,6 milliards de dollars en 2004). Au milieu des années 2000, l’Allemagne est ainsi la première puissance exportatrice mondiale.
En 2004, le montant des exportations de marchandises s’est élevé à 731 milliards d’euros, dont la majeure part concerne les produits manufacturés. L’Allemagne exporte essentiellement des machines et des biens d’équipement lourds (2e rang mondial), des voitures, des produits chimiques et pharmaceutiques ainsi que des produits textiles. Parallèlement, les importations ont atteint un montant de 575,4 milliards d’euros. Elles concernent principalement les produits manufacturés, le pétrole brut ou raffiné et les denrées alimentaires.
Les principaux partenaires commerciaux de l’Allemagne sont les pays de l’Union européenne, avec lesquels elle réalise plus de la moitié de ses échanges, les États-Unis, la Suisse, l’Autriche, le Japon et les pays d’Europe de l’Est.
5HISTOIRE5.1Germains et Romains
Peuplée par des peuples celtes au début des temps historiques, l’Allemagne est submergée vers le iie siècle av. J.-C. par les migrations des peuples germaniques venus du nord et de l’est. Établis à l’origine en Scandinavie méridionale, ceux-ci migrent, au cours de la seconde moitié du Ier millénaire av. J.-C., vers le sud et l’ouest. Leur expansion jusqu’au Rhin inférieur à l’ouest, et jusqu’à la Thuringe et la Basse-Silésie au sud, les entraîne, vers le iie siècle av. J.-C., sur le territoire des Celtes. Ils s’établissent en Allemagne et en Pologne, entre le Rhin et la Vistule : les Cimbres et les Teutons au nord ; les Bataves, les Frisons, les Lombards et les Marcomans à l’ouest ; les Goths, les Vandales et les Gépides à l’est.
Les Germains ne tardent pas à menacer directement Rome : à la fin du iie siècle av. J.-C., Cimbres et Teutons progressent depuis le nord de l’Allemagne vers le bassin méditerranéen. Leur invasion de la Gaule entraîne une réaction militaire des Romains. En 102 av. J.-C., le général romain Caius Marius défait les Teutons à Aquae Sextiae (aujourd’hui Aix-en-Provence). L’année suivante, il stoppe les Cimbres à Verceil (aujourd’hui Vercelli). Jules César doit à son tour intervenir contre les Suèves menés par Arioviste, dont la progression à l’ouest du Rhin a repoussé les Helvètes vers la Gaule.
De 12 à 9 av. J.-C., l’armée romaine mène une nouvelle campagne contre les Germains. Décidée par Auguste, celle-ci est menée par Drusus, qui réorganise la Germanie, fonde la ville de Mayence, et atteint l’Elbe en 9 av. J.-C. À l’issue de cette campagne, la Belgique est rattachée à la Germanie, devenue province romaine. La paix, cependant, n’est pas encore établie. En 16 apr. J.-C., Germanicus pacifie la Germanie, après avoir vaincu la révolte des Chérusques dirigée par Arminius.
Les Germains devenant de plus en plus incontrôlables, Tibère évacue les régions les plus éloignées du Rhin pour mieux contrôler les régions rhénanes. Trajan, pour assurer la sécurité de l’Empire romain, fait construire une ligne de frontière fortifiée, le limes, renforcée par ses successeurs. Constitué de fossés, de murailles, de tours de guet et jalonné de camps militaires, le limes englobe les champs Décumates (région située entre le Main, le Rhin et le Danube), et établit la frontière entre une Germanie « barbare « et une Germanie intégrée au monde romain, touchée par la christianisation.
Au iie siècle apr. J.-C., les Romains empêchent les confédérations des Francs, des Alamans et des Burgondes de traverser le Rhin. Des terres leur sont concédées en échange de leur soumission à Rome. L’armée impériale enrôle des mercenaires barbares. Mais, aux ive et ve siècles, la pression des Grandes Invasions est trop forte pour les Romains affaiblis. Chassés par les Huns venus d’Asie, les Goths (Ostrogoths et Wisigoths), les Vandales, les Francs, les Lombards et d’autres tribus germaniques rompent le limes et déferlent sur Rome, sonnant le glas de l’Empire romain d’Occident.
5.2Les premiers États germaniques
Au début du vie siècle, le chef franc Clovis, après avoir vaincu le Romain Syagrius, étend son autorité sur une grande partie de la Gaule et le sud-ouest de la Germanie. Vainqueur des Alamans et des Wisigoths, suzerain des Francs de Cologne, il fonde un royaume catholique et convertit ses sujets, adeptes de l’arianisme. Mais, au sein du Regnum francorum mérovingien, la fracture linguistique et religieuse perdure entre l’ancienne Germanie romanisée et la Germanie barbare, où prévalent les croyances païennes. La plaine du Nord est alors occupée par les Saxons, tandis que les régions de l’Elbe et du Main supérieur sont peuplées par les Slaves.
5.2.1La Germanie carolingienne
Après 751, les Carolingiens poursuivent la conquête mérovingienne. Leur progression accompagne l’évangélisation des populations germaniques par des moines irlandais et anglais, au premier rang desquels saint Boniface et saint Willibrod. Saint Willibrod devient archevêque d’Utrecht (695), puis fonde le monastère d’Echternach (698) au Luxembourg. Saint Boniface fonde les monastères de Reichenau et de Fulda, avant d’être nommé par le pape archevêque de Mayence (751) et primat de toute la Germanie.
Charlemagne, roi des Francs (768-814), des Lombards (771-814) et empereur d’Occident (800-814), réalise l’unité des Francs et des Germains en combattant les Slaves au sud du Danube, en soumettant les Saxons, qu’il oblige à se convertir, puis en défaisant les Avars, alliés de Tassilon III, duc de Bavière. Il annexe dans la foulée le sud de l’Allemagne. Le couronnement de Charlemagne par le pape Léon III, en 800, devait profondément marquer l’histoire de l’Allemagne, jusqu’aux bouleversements de la Réforme. Le nouvel empereur d’Occident choisit Aix-la-Chapelle pour capitale et établit un lien particulier entre la royauté germanique et la papauté. Tous les rois germaniques qui lui succèdent aspirent à rétablir un Empire chrétien d’Occident qui soit l’égal de celui de Rome.
L’empire carolingien ne survit pas longtemps à la disparition de Charlemagne en 814. À la mort de son successeur, Louis le Pieux, le traité de Verdun (843) partage l’empire entre ses trois fils. Charles le Chauve reçoit la Francia occidentalis et Louis II le Germanique, la Francia orientalis (Germanie), à l’est du Rhin. Le titre impérial échoit au fils aîné, Lothaire, qui règne sur un territoire médian s’étendant de la mer du Nord jusqu’en Italie. Mais son royaume, la Lotharingie, est démantelé par le traité de Mersen (870). La partie ouest est rattachée à la Francie occidentale et le reste à la Germanie.
5.2.2L’empire ottonien
La désintégration de l’empire carolingien marque la naissance du premier royaume germanique. Elle favorise la montée des particularismes et la formation de duchés émancipés de la tutelle impériale : duchés de Franconie, de Souabe, de Bavière et de Saxe. Lorsque le dernier des Carolingiens de Germanie, Louis IV l’Enfant, meurt sans héritier, les féodaux allemands élèvent l’un des leurs à la royauté. En 911, Conrad, duc de Franconie, est élu roi par les grands électeurs de Franconie et de Saxe, et reconnu comme tel par la Souabe et la Bavière.
En 919, les quatre duchés choisissent pour lui succéder Henri Ier l’Oiseleur, duc de Saxe. Celui-ci obtient le rattachement de la Lorraine au royaume de Germanie et stoppe l’invasion hongroise à Merseburg en 933. Avant sa mort, Henri Ier désigne son fils Othon (ou Otton) comme son successeur. Ce choix est entériné, en 936, par l’ensemble des grands électeurs. La dynastie saxonne repose dès lors sur le double principe héréditaire et électif.
Le règne d’Othon Ier le Grand (936-973) est décisif. Déterminé à restaurer un puissant empire chrétien, il se fait couronner symboliquement empereur à Aix-la-Chapelle et entreprend de rétablir l’autorité royale sur les grands féodaux. Pour affaiblir les ducs, il les dépossède d’une partie de leurs terres et crée de nouveaux duchés qu’il distribue aux membres de sa famille. Il s’appuie surtout sur l’Église, octroyant fiefs et privilèges aux évêques et aux abbés.
À l’extérieur, Othon renforce sa domination sur la Lorraine (944) et accroît l’influence germanique sur la Bourgogne et sur la Provence. Mais, surtout, il oriente sa politique dans deux directions : vers l’est et les pays slaves, d’une part, vers l’Italie, siège de la papauté, d’autre part.
Sous son règne débute la colonisation des régions orientales. Ayant christianisé les Slaves, couronné roi d’Italie en 951 après avoir vaincu l’usurpateur Bérenger II, Othon Ier endosse l’habit de champion de la chrétienté lorsque, en 955, il emporte une victoire définitive sur les Hongrois, près d’Augsbourg. Après la conquête des États pontificaux par Bérenger II, il se rend à Rome à l’appel du pape Jean XII. Victorieux, il est couronné empereur par le pape en 962, fondant ainsi le Saint Empire romain germanique. Les empereurs germaniques interviennent dès lors dans le choix des papes : en 963, Jean XII est déposé et Léon VIII lui succède.
Il y a, dans le domaine de la vie religieuse, des arts et de l’architecture, une véritable renaissance othonienne, particulièrement brillante sous Othon II (973-983). Elle s’accompagne d’un développement des échanges commerciaux avec la France et l’Angleterre, mais aussi avec les pays slaves, Constantinople et les pays du Levant.
Les successeurs d’Othon Ier poursuivent sa double politique germanique et italienne, la seconde affaiblissant souvent la première. Des marches militaires sont créées aux frontières de l’empire, à l’image de l’Ostmark, noyau de la future Autriche, qu’Othon II confie aux Babenberg. Othon II envahit le sud de la péninsule italienne, conquiert Naples, Salerne et Tarente, mais il est vaincu à Cap Colonne par les Grecs et les Sarrasins en 982. Othon III (983-1002) soutient le mouvement de la réforme bénédictine qui se développe à l’abbaye de Cluny, en Bourgogne. Il instaure sa capitale à Rome, et la noblesse germanique profite de son absence pour renforcer son pouvoir.
À la mort d’Othon III, Henri II le Saint (1002-1024) est choisi par les nobles allemands pour lui succéder. Ses tentatives pour rétablir l’autorité royale échouent, l’empereur continuant à privilégier l’ambition italienne. En 1004, il envahit l’Italie et se fait couronner roi des Lombards. De 1004 à 1018, il mène une guerre épisodique contre la Pologne de Boleslas Ier. En 1014, il est couronné empereur à Rome par le pape Benoît VIII.
5.2.3La dynastie franconienne
Henri II étant mort sans héritier, en 1024, la noblesse laïque et ecclésiastique choisit pour lui succéder un arrière-petit-fils d’Othon Ier, Conrad II (1024-1039), duc de Franconie. Premier souverain de la dynastie franconienne ou salienne, celui-ci entreprend de restaurer la puissance royale, sans pour autant renoncer au rêve d’un empire universel.
Pour affaiblir les duchés, Conrad II le Salique accorde des privilèges à la petite noblesse, ce qui favorise l’émiettement féodal. Reconnu roi d’Italie en 1026, il reçoit la couronne impériale à Rome en 1027. Il agrandit son empire, en imposant, à l’est, sa suzeraineté aux Polonais, refoulés au-delà de l’Oder, ainsi qu’aux Tchèques. À l’ouest, il obtient en 1032 la Bourgogne, que lui lègue Rodolphe III.
La dynastie connaît son apogée avec Henri III le Noir (1039-1056) qui impose son autorité aux princes allemands et soumet la Poméranie et la Hongrie. Toutefois, la politique impériale à l’égard de l’Église, mise sous tutelle, conduit à une crise dont les répercussions sont importantes. Les partisans de la réforme de l’Église, à Cluny, en Lorraine et en Lombardie, acceptent mal que l’empereur, fût-il très pieux, nomme les papes et dispose des évêchés et des abbayes à sa guise. Cette confusion du spirituel et du temporel relève, pour eux, de la simonie.
5.2.4La querelle des Investitures
La querelle des Investitures éclate après la mort d’Henri III. Son fils Henri IV (1050-1106) n’est encore qu’un enfant lorsqu’il monte sur le trône en 1053. En 1059, le synode de Latran déclare que l’élection du pape appartient aux cardinaux. La situation s’envenime après l’élection, en 1073, de Grégoire VII, moine clunisien, qui proclame la primauté de Rome sur l’Église, dont l’indépendance est affirmée, et met fin à l’investiture des ecclésiastiques par les laïcs. Henri IV le fait déposer par les évêques allemands réunis à Worms en 1076. Le pape excommunie immédiatement l’empereur, libérant ses sujets du serment d’allégeance envers lui.
Confronté à la fronde des princes allemands, Henri IV vient implorer le pardon du pape à Canossa. L’excommunication est levée en janvier 1077. Les princes, prenant prétexte de l’humiliation impériale, manifestent leur indépendance en se donnant un nouveau roi, Rodolphe, duc de Souabe, qu’Henri IV doit chasser par les armes. Les dernières années de son règne sont marquées par une succession de crises. À nouveau excommunié en 1080, Henri IV dépose le pape Grégoire VII au profit de Clément III qui le couronne empereur en mars 1084. Malgré ses campagnes victorieuses à Rome, à Padoue et à Vérone, il est chassé d’Italie par le nouveau pape Urbain II, élu en 1088. Il se heurte ensuite, en 1104 et 1105, à la révolte de ses fils, Conrad et Henri.
Henri V (1106-1125) obtient finalement la déposition de son père par la diète de Mayence, en 1105. L’Empire est alors extrêmement affaibli. Henri V perd le contrôle de la Pologne, de la Hongrie et de la Bohême, et les princes allemands le contraignent à mettre fin à la lutte entre l’Empire et la papauté. Par le concordat de Worms signé avec Calixte II en 1122, l’empereur abandonne à Rome l’investiture des évêques et des abbés, et reconnaît la légitimité des élections papales. Il conserve le droit d’investiture temporel, c’est-à-dire la concession des fiefs épiscopaux. Ce compromis aboutit à la distinction, essentielle, des pouvoirs spirituel et temporel. Conjuguée à l’émancipation de la noblesse, cette distinction marque le retour à la conception traditionnelle de la monarchie germanique, selon laquelle le roi n’est finalement que « le premier parmi ses égaux «.
5.3L’empire des Hohenstaufen
Après la mort d’Henri V, les couronnes d’empereur et de roi d’Italie sont âprement disputées. La lutte se prolonge durant les xiie et xiiie siècles. Elle oppose les Hohenstaufen, appelés Waiblingen en Souabe ou gibelins en Italie, aux Welfen de Bavière et de Saxe, appelés guelfes en Italie et alliés de la papauté (voir Guelfes et gibelins). Les premiers défendent l’idée d’un empire chrétien à vocation universelle et portent leurs ambitions vers l’Italie et le sud. Pour les seconds, l’empire doit enraciner sa puissance dans le sol germanique et s’attacher à la conquête de l’est. Les conflits entre guelfes et gibelins sont temporairement résolus par l’élection, en 1152, de Frédéric de Hohenstaufen.
5.3.1Frédéric Ier Barberousse
Se considérant comme le successeur d’Auguste, de Charlemagne et d’Othon Ier le Grand, Frédéric Ier Barberousse (1152-1190) affaiblit les grands feudataires et récupère les biens royaux usurpés. Il restitue cependant la Bavière à Henri le Lion, auquel il confie la conduite de l’expansion allemande vers l’est. S’étant ainsi assuré la bienveillance des guelfes, il peut se tourner vers l’Italie, où il effectue six expéditions pour réaffirmer l’autorité impériale sur les villes lombardes et sur Rome.
Après s’être fait remettre la couronne d’Italie en 1154, il est couronné en 1155 empereur du Saint Empire par le pape Adrien IV. Ayant obtenu, en 1158, confirmation de ses droits par la diète de Roncaglia, il installe des podestats (représentants impériaux) dans les villes italiennes dont il s’attire l’hostilité. Cette politique relance le conflit avec la papauté. L’opposition du pape Alexandre III, élu en 1159, amène Frédéric Ier Barberousse à imposer un antipape, Victor IV, en 1160, ce qui crée un schisme au sein du clergé allemand et précipite la rupture avec l’autorité pontificale.
Excommunié en 1165, l’empereur mène plusieurs campagnes contre les villes lombardes (Milan, Brescia, Parme, Padoue, Plaisance, Bologne, etc.) qui, à l’initiative du pape Alexandre III, se liguent en 1167 contre la domination impériale (voir Ligues Lombardes). Après sa défaite à la bataille de Legnano, en 1176, Frédéric Ier est contraint de reconnaître l’autorité du pape (paix de Venise, 1177) puis signe, en 1183, la paix de Constance, qui scelle l’autonomie des villes lombardes, celles-ci n’étant plus que nominalement soumises à l’empereur.
Son seul succès, dans cette crise, est l’éviction d’Henri le Lion, auquel il reprend la Bavière, donnée aux Wittelsbach, et la Saxe. Malgré l’échec de sa politique italienne, Frédéric Ier renforce son prestige en Europe centrale. Il étend sa suzeraineté sur la Pologne, élève la Bohême au rang de royaume et érige la marche d’Autriche en duché héréditaire. En 1189, il prend la tête de la troisième croisade au cours de laquelle il trouve la mort, dans les eaux du Selef (Asie Mineure) en 1190.
5.3.2Frédéric II, Stupor mundi
Les règnes très courts des fils de Frédéric Ier, Henri VI (1191-1197) et Philippe Ier de Souabe (1198-1208) ne contribuent qu’à affaiblir encore davantage l’autorité impériale. À la mort de son frère, Philippe Ier est élu empereur contre Othon de Brunswick, fils d’Henri le Lion. Une guerre les oppose jusqu’à la mort de l’empereur, assassiné en 1208. Othon IV de Brunswick est alors reconnu et couronné empereur par le pape Innocent III en 1209.
Considéré comme l’un des plus grands et des plus puissants papes du Moyen Âge, Innocent III profite de la mort de l’empereur germanique Henri VI pour réaffirmer l’autorité papale dans le choix des prétendants à la couronne impériale et dans l’arbitrage des candidats. Ainsi, après avoir excommunié Othon IV en 1210, il porte au pouvoir Frédéric II (1212-1250), fils d’Henri VI. Cette inversion des pouvoirs entre pape et empereur germanique vaut à ce dernier le surnom de Stupor mundi, l’« Étonnement du monde «.
Ne pouvant dominer le nord de l’Italie, Frédéric II consacre ses efforts à asseoir son autorité sur le riche royaume des Deux-Siciles (voir Naples ; Sicile), dont il a hérité par sa mère, Constance. En Allemagne, en revanche, la féodalité triomphe. Pour réduire la puissance croissante des villes, l’empereur concède aux princes, laïques et ecclésiastiques, un grand nombre des droits régaliens. Ils obtiennent ainsi, par le privilège de Worms (1231), la pleine souveraineté dans leurs États.
La lutte avec la papauté se poursuit. Excommunié en 1227 pour avoir retardé son départ en croisade, Frédéric II part finalement pour le royaume latin de Jérusalem en 1228, à la tête de la sixième croisade. Il y est couronné roi et obtient du sultan d’Égypte, Al-Kamil, la rétrocession des principales villes chrétiennes en Terre sainte (Palestine) : Jérusalem, Bethléem, Nazareth, Sidon (traité de Jaffa, 1229). Son succès n’apaise pas le pape Grégoire IX, qui, pendant son absence, envahit la Sicile et fomente contre l’empereur la seconde Ligue lombarde (1226).
À son retour de croisade, Frédéric II doit livrer combat en Italie. Victorieux de la Ligue en 1237, il est une nouvelle fois excommunié. Il s’empare alors des États pontificaux. Le nouveau pape, Innocent IV, réfugié en France, obtient du concile de Lyon, en 1245, la déposition de l’empereur et fait élire un roi de substitution, Henri Raspe, landgrave de Thuringe, en 1246. Dès lors, la Germanie devient la proie de nombreux conflits qui perdurent après la mort de Raspe et l’élection d’un autre roi, Guillaume de Hollande, en 1247.
Lorsque Frédéric II, occupé à guerroyer en Italie, meurt soudainement en 1250, son jeune fils, Conrad IV, et Guillaume de Hollande font valoir leurs prétentions au titre d’empereur du Saint Empire romain germanique. L’Empire, morcelé à l’extrême, entre dans une période de désordre, le Grand Interrègne (1250-1273), durant laquelle la couronne est revendiquée par de nombreux princes et les élections au trône souvent éphémères.
Conrad IV (1250-1254) hérite du titre impérial et succède à son père sur le trône de Sicile où il consolide sa position en conquérant les villes de Capoue et de Naples. Mais l’Empire et l’Italie ne seront plus jamais unis. À la mort de Conrad IV en 1254, Guillaume de Hollande est définitivement reconnu comme empereur. Il meurt deux ans plus tard dans une bataille contre les Frisons. Dernier descendant des Hohenstaufen, Conradin, fils de Conrad IV, ne deviendra jamais empereur. Il entreprend, à la mort de son père, de faire valoir ses droits sur la couronne de Sicile. Mais les Français, alliés de la papauté, l’évincent. Il entreprend une reconquête de l’Italie du Sud, mais il est vaincu par Charles d’Anjou en 1268 et exécuté. Après la mort de Guillaume de Hollande, le titre impérial est disputé entre Richard de Cornouailles, fils du roi d’Angleterre Jean sans Terre, et Alphonse X le Sage, roi de Castille et de León, et petit-fils de Philippe Ier de Souabe, mais aucun n’est reconnu, ni par le pape ni par les Allemands.
5.4L’essor urbain et la marche vers l’est
Aux xiie et xiiie siècles, l’Allemagne connaît un important essor urbain, favorisé par le pouvoir central qui accorde aux villes un grand nombre de privilèges et de franchises. À la fin du xiiie siècle, nombre de ces cités allemandes se sont émancipées de l’autorité impériale. La richesse des villes repose alors sur un commerce très actif, favorisé par le développement des échanges internationaux. Cologne et Francfort se trouvent sur la route des foires de Champagne, Mayence, sur la route des Alpes et de l’Italie, tandis que Lübeck et Hambourg dominent le commerce de la mer du Nord et de la Baltique. Les routes commerciales, au nord, se prolongent jusqu’en Angleterre, en Norvège et en Russie.
Progressivement, les villes concluent des alliances pour défendre et développer leurs intérêts commerciaux. En 1241, Lübeck et Hambourg signent un traité d’association, tandis que les cités du Rhin forment, en 1254, la Ligue rhénane. En 1259, l’union Hambourg-Lübeck s’élargit en une confédération de villes maritimes comprenant Rostock, Wismar et Stralsund. En 1281, celle-ci fusionne avec la Hanse de Cologne pour former la Ligue hanséatique ou Hanse teutonique (Hansa Theutonicorum), groupement de marchands de l’Allemagne du Nord, rejointe progressivement par de nombreuses autres villes de l’empire (Brême, Magdeburg, Erfurt, Thorn, Cracovie, Szczecin, etc.). Un réseau commercial très organisé se met ainsi en place, reliant les cités allemandes entre elles et, au-delà, à Londres, Bergen (Norvège) et Novgorod (Russie). Forte de plus de 85 villes et comptoirs, maîtresse de la mer Baltique et de tout le commerce de l’Europe du Nord, la Hanse constitue une force économique et politique de plus en plus puissante.
Cette expansion économique et urbaine s’accompagne d’une importante expansion territoriale. Le déclin du pouvoir impérial ne freine guère la progression vers l’est. La colonisation rurale accompagne l’œuvre évangélisatrice des moines et précède la conquête politique.
Aux xe et xie siècles, la christianisation des contrées orientales donne naissance à la formation des Églises nationales de Bohême et de Pologne qui, en fait, contribuent moins à la germanisation de ces territoires qu’à l’affirmation du particularisme slave. L’Autriche puis les régions du nord-est (Holstein, Mecklembourg, Poméranie et Brandebourg) sont en revanche ancrées dans l’aire de civilisation germanique.
Menée d’abord par les ordres religieux, bénédictins, franciscains et dominicains, la colonisation se transforme, au xiiie siècle, en croisade permanente, dirigée par des ordres militaires, dont le plus puissant est celui des chevaliers Teutoniques. Depuis leur quartier général de Marienburg, ceux-ci dirigent la colonisation de la Prusse, des pays baltes et de la Silésie où ils édifient châteaux et villes fortifiées. Ils fondent Riga (1201), Francfort-sur-l’Oder, Memel (1252) ou encore Königsberg (1255) et autorisent la Hanse à fonder des villes-comptoirs comme Gdańsk (1224). La politique de colonisation et la lutte contre les Slaves sont ardemment soutenues par trois dynasties, les Schaumburg, qui ont reçu le comté de Holstein en 1110, les Ascaniens, dont le fondateur, Albert l’Ours, est le premier margrave de Brandebourg, et les Welfen.
Dans les territoires nouvellement conquis s’établissent des paysans venus de Flandre, de Hollande et des régions rhénanes où, depuis le xe siècle, la croissance démographique a entraîné une forte pression sur les terres agricoles. Si la mise en valeur des nouvelles terres orientales exige un dur labeur (défrichement des forêts, assèchement des marais), les paysans reçoivent en échange des tenures et échappent à l’oppression seigneuriale.
5.5L’Allemagne des princes
Le Grand Interrègne inaugure une période durant laquelle trois familles princières, les Habsbourg, les Wittelsbach et la famille du Luxembourg, se disputent la couronne impériale.
En 1273, les électeurs mettent fin au Grand Interrègne en choisissant Rodolphe de Habsbourg, un prince souabe, landgrave d’Alsace. Lorsque Rodolphe Ier (1273-1291) monte sur le trône, le pouvoir appartient davantage aux féodaux et aux villes qu’au détenteur de la couronne. L’empereur renonce aux expéditions en Italie. Mais il réprime la rébellion d’Ottokar II de Bohême, auquel il reprend l’Autriche, la Styrie, la Carinthie et la Carniole. À défaut de rendre son éclat au pouvoir impérial, il donne une solide assise territoriale à la maison des Habsbourg, désormais l’une des plus riches de l’empire.
Mais la puissance acquise par les Habsbourg inquiète la noblesse allemande, qui refuse, à la mort de Rodolphe en 1291, l’élection de son fils Albert. Les princes-électeurs élisent à sa place Adolphe Ier de Nassau (1291-1298) dont les ambitions territoriales en Thuringe et au Palatinat suscitent de nombreuses hostilités. Soutenu par une coalition de princes allemands, Albert Ier de Habsbourg (1298-1308), duc d’Autriche, le fait déposer et lui succède en 1298. Il adopte de nombreuses mesures favorables aux serfs, aux juifs et aux marchands allemands. Mais son assassinat, en 1308, écarte les Habsbourg du trône pendant un siècle et replonge l’Allemagne dans une guerre civile presque permanente.
Henri VII de Luxembourg (1308-1313) tire profit de l’affaiblissement de la papauté provoqué par l’installation des papes à Avignon, pour tenter de reconquérir l’Italie du Nord (1310). Il est couronné roi des Lombards en 1311 et empereur du Saint Empire en 1312. Mais il doit bientôt faire face à la révolte des guelfes, emmenés par leur chef, Robert d’Anjou, roi de Naples. Sa mort, en 1313, ouvre une guerre de succession, qui oppose les Habsbourg aux Wittelsbach.
Louis IV de Bavière (1314-1346) lui succède, mais il se heurte aux prétentions de Frédéric III le Beau, candidat à la couronne impériale. La guerre fait de nouveau rage. Après sa victoire à la bataille de Mühldorf, en 1322, Louis IV impose à son rival de renoncer à l’empire. En 1323, il apporte un soutien militaire aux gibelins en Italie du Nord. S’opposant à son ingérence dans les affaires italiennes, le pape Jean XXII l’excommunie en 1324. En réponse, Louis IV envahit l’Italie en 1327, impose l’antipape Nicolas V, et se fait couronner empereur en 1328.
5.5.1La dynastie des Luxembourg
À Rhense, en 1338, les électeurs font une déclaration stipulant que, désormais, le roi de Germanie sera élu à la majorité et qu’il portera le titre d’empereur sans l’aval du pape. Hostile à cette décision, Clément VI entame alors des négociations avec Charles de Luxembourg, roi de Bohême et petit-fils d’Henri VII. En 1346, déchu par le pape, Louis IV est déposé par les électeurs.
Le nouveau roi de Germanie, Charles IV (1346-1378), couronné empereur à Rome en 1355, promulgue en 1356 la Bulle d’or (1356), constitution qui réglemente l’élection et le couronnement de l’empereur ainsi que les privilèges et les obligations des sept grands électeurs. Le collège électoral se compose en effet de trois ecclésiastiques, les archevêques de Mayence, de Trèves et de Cologne, et de quatre laïcs, le comte palatin du Rhin, le duc de Saxe, le margrave de Brandebourg et le roi de Bohême. Cette constitution régit le droit politique de l’Allemagne jusqu’à la dissolution du Saint Empire en 1806.
Si le principe électif est réaffirmé, l’empereur doit cependant fonder son autorité sur sa seule puissance. Charles IV abandonne toute ambition italienne, achète le Brandebourg et enlève la Silésie à la Pologne pour construire un vaste État, où la Bohême occupe une place de choix. Il y encourage l’industrie de l’argent, du verre et du papier et embellit sa capitale, Prague, par la construction de nouveaux bâtiments dans le style gothique tardif. Il y fonde un archevêché ainsi qu’une université allemande (1348), contribuant à faire de cette ville un brillant foyer intellectuel et artistique.
L’empire est toutefois durement frappé par l’épidémie de peste noire qui ravage l’Europe. Celle-ci, apparue à l’automne 1349 en Prusse, se propage rapidement dans tout le territoire jusqu’au début de 1351. Elle touche près du tiers de la population et provoque l’arrêt de la colonisation à l’est, où, confrontés à une perte de leurs revenus, les nobles renforcent leur contrôle sur les paysans.
De nombreux obstacles se dressent face aux successeurs de Charles IV, ses fils Wenceslas (1378-1400) et Sigismond (1411-1437). Le règne de Wenceslas, qui privilégie la Bohême au détriment des territoires allemands, est marqué par de nombreux troubles et une quasi-anarchie. Il ne parvient à mater ni la rébellion des villes de l’Allemagne du Sud (1388), ni celle de la noblesse et du haut clergé de Bohême (1396) après l’assassinat de Jean de Népomucène (1393). Les princes-électeurs allemands le déposent finalement en 1400, au profit de Robert du Palatinat (1400-1410).
Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie (1387) et futur roi de Bohême (en 1419), lui succède en 1411, mais il n’est couronné qu’en 1433. Il parvient à mettre fin au Grand Schisme en obtenant de l’antipape Jean XXIII la réunion du concile de Constance (1414-1418), mais doit affronter le soulèvement des hussites après le procès et la mort sur le bûcher du réformateur religieux Jan Hus, en 1415. Les guerres hussites ensanglantent la Bohême jusqu’en 1434. À l’est toujours, les Polonais reprennent la Silésie et absorbent la Lituanie après avoir défait les chevaliers Teutoniques à Grunwald-Tannenberg, en 1410. Cette défaite marque le début du déclin de cet ordre.
5.5.2L’empire des Habsbourg
En 1437, Sigismond étant mort sans héritier direct, les électeurs élisent à l’unanimité Albert II de Habsbourg (1438-1439), duc d’Autriche et gendre de l’empereur défunt. Les Habsbourg se succèdent alors sur le trône d’Allemagne quatre siècles durant. Albert II hérite d’un empire dépeuplé par la peste noire. La Pologne en profite pour envahir la Bohême, et les Turcs Ottomans, pour attaquer la Hongrie. Le territoire germanique est alors morcelé en quelque 240 États, en proie à des conflits permanents. En Allemagne méridionale comme en Westphalie, les villes puissamment organisées luttent contre les princes.
Le désordre politique, pas plus que la peste, endémique jusqu’au xviie siècle, n’empêche toutefois le développement économique. En 1370, la Ligue hanséatique, victorieuse du Danemark, a obtenu, par le traité de Stralsund, un quasi-monopole sur le commerce entre la Baltique et la mer du Nord. Au sud, les villes comme Nuremberg et Augsbourg prospèrent grâce aux minerais du massif du Harz, de Thuringe et de Bohême, et au commerce des toiles. Le capitalisme naissant voit se constituer des familles de banquiers, tels les Fugger. Peu de temps après la mort d’Albert II, les Tchèques, puis les Hongrois, se choisissent pour souverain un prince local.
Le successeur d’Albert II, Frédéric III (1440-1486), couronné à Rome par le pape en 1452, est impuissant à rétablir l’ordre et la paix dans son empire. La guerre avec la Pologne reprend de 1454 à 1466. Le conflit se solde par le traité de Toruń, qui ne laisse à l’Empire germanique que la Prusse-orientale. Frédéric III est également vaincu par deux fois, en 1462 et 1485, par le roi de Hongrie, Mathias Corvin, qui lui prend Vienne et une partie de l’Autriche. En 1486, les princes germaniques le contraignent à abdiquer en faveur de son fils, Maximilien, mais il conserve le titre d’empereur du Saint Empire romain germanique jusqu’en 1493.
Maximilien Ier (1486-1519), par son mariage avec Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, hérite d’un vaste territoire, au terme d’une guerre contre le roi de France, Louis XI, qu’il bat à Guinegatte en 1479. Il finit par obtenir les Pays-Bas au traité de paix d’Arras en 1482. Son habile politique d’alliances fait des Habsbourg les héritiers des Rois catholiques d’Espagne ainsi que des royaumes de Hongrie et de Bohême. Ayant libéré Vienne en 1490, occupée par Mathias Corvin, roi de Hongrie, Maximilien Ier unifie les États héréditaires pour accroître la puissance impériale. Il doit, en revanche, reconnaître l’indépendance des cantons suisses, en 1499, et céder le Milanais à la France.
En Allemagne, Maximilien Ier amorce une réforme des structures de l’Empire, mais elle demeure limitée, faute de moyens financiers et militaires suffisants. Les princes et les villes, de leur côté, défendent leurs prérogatives. Face à ces deux pôles dont la puissance ne cesse de s’accroître, la petite noblesse et la paysannerie apparaissent comme les victimes de l’évolution politique et économique. En 1493 puis en 1506, les paysans d’Alsace et du Wurtemberg, exploités par les seigneurs endettés auprès des usuriers bourgeois, se révoltent.
À la mort de Maximilien Ier, son petit-fils, Charles Quint (1519-1558), lui succède. Héritier du trône d’Espagne et du royaume de Bourgogne, celui-ci est le souverain le plus puissant de la chrétienté. Son accession au trône impérial coïncide avec l’émergence du protestantisme.
5.6Les bouleversements de la Réforme
L’Allemagne féodale se trouve en effet ébranlée, depuis le xvie siècle, par un puissant mouvement intellectuel. L’omnipotence de l’Église est contestée par le progrès des sciences et par la diffusion des idées humanistes. Des scientifiques comme Nicolas de Cuse, en contredisant la théorie officielle de l’Église, mettent en cause une lecture dogmatique des Écritures. Les abus du clergé sont stigmatisés par des penseurs comme Johannes Reuchlin et Érasme. L’invention de la presse à imprimer par Johannes Gutenberg, établi à Strasbourg puis à Mayence, favorise la diffusion des idées nouvelles et des connaissances, préparant le terrain intellectuel à la Réforme.
5.6.1La révolte religieuse de Luther
Le mouvement de la Réforme est lancé par un prêtre augustin, Martin Luther. Ses préoccupations spirituelles (la recherche du salut) épousent celles de ses contemporains allemands. Le clergé n’offre alors pour toute réponse que la vente des indulgences, monnayant la remise des péchés. Luther propose de trouver le salut dans une foi personnelle et prône la responsabilité des fidèles dans le gouvernement de l’Église. Le conflit entre le réformateur et la papauté éclate en 1517, lorsque Luther affiche à Wittenberg ses « 95 thèses «, dirigées contre Rome. Sommé de se rétracter, il refuse et est excommunié par le pape Léon X puis banni par la diète de Worms en 1521, convoquée par Charles Quint (1519-1558), successeur de Maximilien Ier.
Mais ses thèses, affirmant la supériorité des Écritures sur l’autorité papale et l’égalité fondamentale des chrétiens, trouvent un écho favorable en Allemagne. L’électeur de Saxe, Frédéric III le Sage, offre un refuge au hors-la-loi dans son château de la Wartburg. La révolte luthérienne prend une très forte connotation politique et sociale. Le chevalier mercenaire Franz von Sickingen arme des membres de la petite noblesse appauvrie contre les seigneurs ecclésiastiques, détenteurs de vastes domaines terriens très convoités. Dans plusieurs régions, des prédicateurs, comme Karlstadt et Thomas Münzer, fondateur de la secte des anabaptistes, proposent une interprétation révolutionnaire des idées luthériennes, et soulèvent en masse les paysans allemands. Les chroniques rapportent que la guerre des Paysans (1524-1526), révolte de la paysannerie et de la population urbaine contre les seigneurs féodaux, provoque la mort de 100 000 d’entre eux. Cependant, Luther condamne cette révolte contre l’ordre établi par Dieu et se prononce pour la répression. Ses théories gagnent alors en audience auprès des princes.
5.6.2La guerre des princes
En 1526, la diète impériale de Spire renforce le pouvoir des princes allemands, en les autorisant à choisir librement la religion pratiquée dans leur État. La rupture avec Rome est alors inévitable. Engagé dans une guerre contre François Ier pour la domination de l’Europe, avec le projet de créer une monarchie catholique universelle, Charles Quint souhaite maintenir la paix avec la papauté. Lors de la diète de Spire de 1529, il tente de faire marche arrière. Six princes et quatorze villes libres, adeptes de la Réforme, émettent alors une protestation officielle contre les entraves faites à la liberté religieuse.
Les protestants, comme on les appellera par la suite, sont eux-mêmes divisés entre les partisans de Luther (voir luthéranisme), les partisans du théologien suisse Ulrich Zwingli, désireux d’établir un État théocratique reposant sur les Écritures, et les anabaptistes. Charles Quint cherche tout d’abord à favoriser la conciliation à l’occasion de la diète d’Augsbourg en 1530. Les protestants disciples de Luther et de Zwingli y présentent des professions de foi distinctes (voir Confession d’Augsbourg), mais celles-ci sont rejetées par les théologiens catholiques. La médiation ayant échoué, le conflit devient ouvert.
Les princes et les villes gagnés au luthéranisme constituent en 1531 la ligue de Smalkalde, visant à défendre la liberté politique et religieuse des protestants. Dirigée par le futur électeur de Saxe, Jean-Frédéric le Magnanime, et le landgrave Philippe de Hesse, celle-ci contribue grandement à la diffusion de la Réforme en Allemagne. En 1546, Charles Quint déclare la guerre à la ligue protestante qu’il vainc à la bataille de Mühlberg, en 1547.
Les guerres de Religion continuent cependant à déchirer catholiques et protestants jusqu’à la signature de la paix d’Augsbourg, en 1555, destinée à régler provisoirement le conflit dans l’attente de la fin du concile de Trente. Le luthéranisme obtient pour la première fois un statut légal mais non le calvinisme, jugé trop révolutionnaire. Cette paix accorde aux princes le droit de choisir la religion pratiquée dans leur État.
Dix ans après la mort de Luther (1546), les deux tiers de la population allemande ont adopté la Réforme, à l’exception de la Rhénanie, de la Bavière et de l’Autriche, demeurées catholiques. La Réforme a pour effet de renforcer le pouvoir des princes, en ajoutant au morcellement politique une division religieuse. Le rêve d’unité de Charles Quint s’évanouit donc au fil des ans. Toutefois, la traduction de la Bible par Luther en langue vernaculaire contribue à doter l’Allemagne d’une langue écrite unifiée.
5.7La Contre-Réforme et la guerre de Trente Ans5.7.1La naissance de la Contre-Réforme
Charles Quint finit par abdiquer en 1556. Son empire est divisé, l’Espagne et la Bourgogne revenant à son fils Philippe II, tandis que son frère, Ferdinand Ier, qui a été couronné roi de Bohême et de Hongrie en 1526, puis roi d’Allemagne en 1531, reçoit le titre impérial (1556-1564) et les terres germaniques. L’empire étant menacé par les Turcs Ottomans, Ferdinand Ier et, après lui, Maximilien II (1564-1576) mènent une politique très conciliante à l’égard des protestants, divisés en de multiples Églises. La progression du protestantisme, cependant, est enrayée par le développement de la Contre-Réforme catholique menée sous l’impulsion du pape Pie V (1566-1572). Le concile de Trente abolit la vente des indulgences et reformule la doctrine et le culte de l’Église catholique. Établis dans les villes du monde germanique, les jésuites entreprennent de reconvertir la population.
Sous le règne de Rodolphe II (1576-1612), roi de Bohême et de Hongrie, les tensions s’attisent entre protestants et catholiques. Les princes protestants, sous la conduite de Frédéric V, électeur palatin, forment l’Union évangélique en 1608, tandis que, l’année suivante, Maximilien Ier de Bavière rassemble les princes catholiques au sein de la Sainte Ligue catholique.
En 1612, Rodolphe II, érudit vivant reclus à Prague, incapable de gouverner, est contraint de remettre l’autorité à son frère Mathias II (1612-1619). Mais celui-ci, ne parvenant pas à réconcilier protestants et catholiques, doit laisser la place à son cousin Ferdinand II (1619-1637), également roi de Bohême (1617-1619), puis de Hongrie (1621-1625), disciple des jésuites, déterminé à lutter contre le protestantisme.
5.7.2La guerre de Trente Ans
En proie aux luttes religieuses, l’Empire germanique a perdu sa puissance économique et politique en Europe au profit de l’Espagne de Philippe II, enrichie par les mines d’or du Nouveau Monde. La France, l’Angleterre et les Pays-Bas, contestant l’hégémonie de Philippe II, entendent profiter de l’affaiblissement de l’empire des Habsbourg. De leur côté, le Danemark et la Suède ambitionnent de dominer la mer Baltique. Un nouveau conflit leur offre l’occasion d’intervenir.
Les troubles éclatent à Prague, en 1618, avec la défenestration par la population protestante de trois émissaires de l’empereur (voir défenestration de Prague). Ferdinand II étant revenu sur le libre exercice du luthéranisme accordé par Rodolphe II, l’aristocratie protestante prononce sa destitution et offre la couronne de Bohême à Frédéric V. Ces événements marquent le début de la guerre de Trente Ans (1618-1648), qui allait prendre rapidement une dimension européenne.
La première phase du conflit oppose Ferdinand II à Frédéric V, dont l’armée est écrasée à la Montagne Blanche en 1620 (voir bataille de la Montagne Blanche). L’électeur palatin est exilé et la Bohême passe sous la domination directe de l’empereur. Le catholicisme y est restauré par la force, les nobles protestants exécutés, privés de leurs terres ou mis à l’amende. Le conflit se poursuit en Palatinat, bientôt occupé par les troupes impériales.
Christian IV de Danemark, soutenu financièrement par les Anglais et les Hollandais et appuyé par les princes protestants allemands, attaque alors Ferdinand II. Il est vaincu par les armées impériales, menées par les généraux Wallenstein et Tilly, à la bataille de Lutter am Berenberge en 1626. La défaite danoise est reconnue par la paix de Lübeck, en 1629. L’empereur publie la même année l’édit de Restitution, ordonnant la restitution de tous les biens de l’Église catholique saisis par les protestants depuis 1552.
La troisième phase de la guerre s’ouvre avec l’intervention de la Suède, forte de l’appui financier du cardinal de Richelieu. Les troupes de Gustave II Adolphe envahissent la Poméranie et remportent une brillante victoire à la bataille de Breitenfeld en 1631. Puis, après quatre années de combats destructeurs, l’armée impériale remporte une victoire décisive à Nördlingen en 1634 et contraint les Suédois à accepter la paix de Prague en 1635.
Les Français, déterminés à contrer les Habsbourg, entrent alors ouvertement dans le conflit. Alliée aux Suédois et à plusieurs princes protestants allemands, l’armée française inflige plusieurs défaites aux forces impériales et progresse jusqu’à la frontière autrichienne. Ferdinand III (1637-1657) doit alors accepter la paix et l’Allemagne sort de la guerre complètement ruinée.
5.7.3La paix de Westphalie
Négociée à Osnabrück et à Münster, la paix de Westphalie est signée en 1648. Le conflit religieux est résolu par un retour aux principes de la paix d’Augsbourg (1555), à la différence près que le calvinisme est enfin reconnu. Les États du Saint Empire romain germanique obtiennent une indépendance de fait, et les droits impériaux y sont désormais limités. La Diète impériale devient perpétuelle en 1663 et siège à Ratisbonne. Enfin, l’empire, ravagé par la guerre et les épidémies, qui causent la disparition de 40 à 50 p. 100 de la population, perd une partie de ses territoires au profit des nations voisines et de certains États germaniques, notamment celui du Brandebourg.
5.8L’émergence de l’Autriche et de la Prusse
Éclipsé par la France et l’Angleterre, le Saint Empire romain germanique se replie sur l’Autriche, la Bohême et la Hongrie, à partir desquelles les Habsbourg vont reconstruire leur puissance. Sous les empereurs Léopold Ier (1658-1705) et Joseph Ier (1705-1711), Vienne devient la capitale d’un État ancré dans l’Europe centrale. À la même époque, l’Allemagne voit s’édifier un pouvoir concurrent, celui des Hohenzollern.
Ce nouveau pouvoir se constitue à partir du Brandebourg, acquis en 1415 par les Hohenzollern, et de la Prusse ducale ou Prusse-Orientale, État vassal de la Pologne, à l’est, où, durant la Réforme, le luthérien Albert de Brandebourg, dernier grand-maître des chevaliers Teutoniques, avait sécularisé les domaines ecclésiastiques et s’était proclamé premier duc de Prusse en 1525. L’État créé par la réunion politique de ces deux territoires en 1618, sous l’autorité de Jean Sigismond, électeur du Brandebourg, s’agrandit, avec les traités de Westphalie, de la Poméranie-Orientale et de Magdeburg. Frédéric-Guillaume, dit le Grand Électeur, électeur du Brandebourg (1640-1688), met en place une armée puissante et établit un pouvoir absolu avec le soutien d’une classe de hobereaux auxquels il a offert des terres et celui d’une classe naissante de fonctionnaires.
Les interventions françaises en Allemagne favorisent l’ascension des Hohenzollern. Les guerres expansionnistes menées par Louis XIV s’inscrivent dans la traditionnelle politique d’opposition de la France des Bourbons aux Habsbourg et à l’Espagne. Si l’électeur du Brandebourg accorde son soutien à la France, en échange d’une rente, dans la guerre de Dévolution (1667-1668), il se joint durant la guerre de Hollande (1672-1679) à l’Autriche et à l’Espagne, contre la France, mais perd ses conquêtes en Poméranie. En 1675, sa victoire contre les Suédois à Fehrbellin lui permet d’accéder à la dignité de Grand Électeur. Après la révocation de l’édit de Nantes, en France, en 1685, Frédéric-Guillaume offre l’asile aux huguenots. Près de 20 000 d’entre eux émigrent vers les principautés protestantes d’Allemagne et contribuent, pour beaucoup, au développement économique de la Prusse.
Lors de la guerre menée par la ligue d’Augsbourg (1688-1697) contre Louis XIV, désireux d’étendre son influence sur le Saint Empire romain germanique, les armées françaises ravagent le Palatinat, ce qui nourrit, au xviiie siècle, l’hostilité allemande contre la France, devenue « l’ennemi héréditaire «. À nouveau, le Brandebourg se range aux côtés de l’Autriche lors de la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), qui oppose la Grande Alliance, composée de l’Angleterre, des Provinces-Unies, du Saint Empire romain germanique et de la plupart des princes allemands, rejoints ultérieurement par le Portugal et la Savoie, à une coalition regroupant la France, l’Espagne et certaines principautés italiennes et allemandes, dont la Bavière. En contrepartie, Frédéric Ier (1701-1713), fils de Frédéric-Guillaume auquel il succède comme électeur du Brandebourg (1688-1701), obtient la reconnaissance impériale du royaume de Prusse et il est couronné premier roi de Prusse (1701-1713).
La paix d’Utrecht (1713-1715) met un terme à la guerre de Succession d’Espagne au détriment de la France et de l’Espagne. L’empereur germanique Charles VI (1711-1740) reçoit de l’Espagne les provinces méridionales des Pays-Bas ainsi que plusieurs principautés italiennes (Milanais, Naples, Sardaigne), tandis que le royaume de Prusse est officiellement reconnu par les puissances européennes. Ce dernier reconquiert la Poméranie-Orientale et Stettin (Szczecin) à l’issue de la deuxième guerre du Nord (1700-1721), au cours de laquelle la Prusse, la Saxe et la Pologne d’Auguste II le Fort, le Hanovre, le Danemark et la Russie de Pierre Ier le Grand unissent leurs forces contre les visées hégémoniques de la Suède et de son roi, Charles XII.
5.9La rivalité austro-prussienne
À la mort de Frédéric Ier, son fils Frédéric-Guillaume Ier, dit le Roi-Sergent (1713-1740), devient roi de Prusse. Déterminé à unifier ses possessions, il forme un État militaire puissant, abolit les douanes et les privilèges locaux, et met en place une administration centralisée très efficace. Il dote la Prusse de la quatrième armée d’Europe continentale. À sa mort en 1740, la Prusse est devenue une puissance européenne capable de rivaliser, au sein du monde germanique, avec l’Autriche.
Le fils de Frédéric-Guillaume Ier, Frédéric II le Grand (1740-1786), l’« ami des philosophes «, grande figure du despotisme éclairé, poursuit, à l’intérieur, la politique de son père, fort du soutien de l’aristocratie prussienne et d’une bourgeoisie active. Il exerce un pouvoir absolu, imposant un fort dirigisme étatique, et renforce son armée, à la fois en nombre et en efficacité. L’économie connaît, sous son règne, un rapide essor grâce à l’introduction de nouvelles méthodes agricoles et industrielles. À l’extérieur, il se lance dans une habile politique d’annexion aux dépens de la Pologne et de l’Autriche, qui lui permet de se poser en rival de la maison de Habsbourg en Allemagne.
5.9.1La guerre de Succession d’Autriche
À la mort de l’empereur Charles VI en 1740, les électeurs de Bavière et de Saxe rejettent la pragmatique sanction, acte promulgué en 1713 par l’empereur Charles VI, désignant sa fille aînée Marie-Thérèse comme l’unique héritière de l’empire des Habsbourg, en Italie et en Europe centrale. Frédéric II propose son soutien à Marie-Thérèse moyennant la cession de la Silésie à la Prusse. S’étant heurté à un refus catégorique, il envahit la Silésie, déclenchant du même coup la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748). La Bavière, la Saxe et la France s’engagent dans le conflit contre l’Autriche, tandis que l’Angleterre, les Pays-Bas et la Russie viennent au secours des Habsbourg.
En 1745, Marie-Thérèse fait couronner son époux, François Ier (1745-1765), duc de Lorraine, empereur du Saint Empire romain germanique. Mais, peu enclin à gouverner, celui-ci délègue le pouvoir à Marie-Thérèse, archiduchesse d’Autriche et reine de Bohême et de Hongrie (1740-1780). Le traité d’Aix-la-Chapelle, en 1748, consacre finalement la pragmatique sanction. Mais la Silésie est reconnue possession prussienne : les Hohenzollern ont désormais fait la preuve de leur puissance.
5.9.2L’expansion prussienne
L’entrée de la Prusse sur la scène européenne modifie le jeu des alliances. Marie-Thérèse, déterminée à reconquérir la Silésie, s’allie avec Élisabeth Petrovna, impératrice de Russie, tandis que George II d’Angleterre, électeur du Hanovre, en conflit avec la France pour la suprématie coloniale en Amérique du Nord et en Inde, signe un traité de neutralité avec Frédéric II. La vieille rivalité entre les Habsbourg et les Bourbons est même oubliée, et Louis XV, roi de France, conclut une alliance avec Marie-Thérèse. Frédéric II, anticipant l’encerclement, envahit la Saxe et la Bohême, déclenchant ainsi la guerre de Sept Ans (1756-1763), qui oppose la Prusse, l’Angleterre et le Hanovre d’un côté, l’Autriche, la Saxe, la France, la Suède, la Russie et l’Espagne de l’autre.
Malgré son génie militaire, Frédéric n’échappe à la défaite que par la mort d’Élisabeth de Russie. Le successeur de la tsarine, Pierre III Fedorovitch, signe la paix avec la Prusse en 1762. La défaite des Français face aux Anglais, outre-mer, met fin au conflit (1763). Le traité d’Hubertsburg, entre l’Autriche, la Prusse et la Saxe, restaure le statu quo. Cet accord officialise la mainmise de la Prusse sur la Silésie et la conforte dans son rôle de grande puissance européenne.
Cependant, Frédéric II entend poursuivre son expansion vers l’est dans le dessein d’annexer le territoire séparant le Brandebourg de la Prusse. Il profite de la faiblesse de la Pologne, passée sous la tutelle russe. En 1772, à son initiative, la Prusse et l’Autriche s’accordent avec la Russie de Catherine II la Grande sur un premier partage de la Pologne (traité de Saint-Pétersbourg) à l’issue duquel Frédéric II obtient la Prusse-Occidentale, à l’exception de Dantzig (Gdańsk) et de Thorn (Toruń).
La Prusse entre à nouveau en conflit avec l’Autriche lorsque l’empereur germanique, Joseph II (1765-1790), successeur de François Ier, tente d’annexer la Bavière dont le trône était vacant, après la mort de l’électeur Maximilien III. Craignant un renforcement de la puissance autrichienne, Frédéric II s’y oppose et forme une Ligue des princes contre l’empereur. À l’issue de la brève guerre de Succession de Bavière (1778-1779), l’Autriche est contrainte à d’importantes concessions (traité de Teschen, 1779). Elle doit évacuer la Bavière et accepter l’union de la Prusse avec les margraviats d’Ansbach et de Bayreuth. Le traité reconnaît également l’union de la Bavière et du Palatinat.
5.9.3Le renouveau allemand
Le redressement de l’économie allemande, après les ravages de la guerre de Trente Ans, est très long. Il s’accélère vers la fin du xviiie siècle. Les progrès de la métallurgie (hauts-fourneaux) et le développement des filatures en sont les principaux moteurs. Mais, alors même que le Royaume-Uni et la France s’engagent dans la révolution industrielle, l’économie allemande demeure essentiellement rurale. Les structures socio-économiques semblent figées : la paysannerie, qui constitue 80 p. 100 de la population, vit encore sous la domination des féodaux, notamment à l’est où les junker imposent un régime proche du servage moyenâgeux.
Les villes, cependant, où se maintient le système corporatif, retrouvent un rôle actif dans l’économie marchande : Hambourg développe de fructueuses relations avec les États-Unis, Francfort se transforme en place financière et bancaire, tandis que les foires de Leipzig sont à nouveau le centre d’un commerce européen.
Le développement économique et la modernisation des États sont favorisés par les princes allemands, émancipés de la domination impériale. À l’image de Frédéric II, ces derniers accroissent la centralisation du pouvoir et accueillent dans leurs cours de nombreux artistes et intellectuels.
Le xviiie siècle se caractérise, en Europe et en Allemagne, par une extraordinaire vitalité culturelle. L’Allemagne retrouve sa place au sein de la culture européenne. Après l’exacerbation des passions religieuses, l’Europe voit se développer un courant rationaliste et scientifique qui donne naissance au siècle des Lumières. L’Aufklärung allemand, cependant, se place sous une double influence, celle des penseurs rationalistes britanniques et français et celle du piétisme, courant spirituel qui prend la forme d’un renouveau évangélique, à partir de la seconde moitié du xviie siècle.
La pensée philosophique allemande remet moins en cause l’ordre social établi qu’elle n’insiste sur le travail de la raison. Leibniz tente ainsi de réconcilier raison et foi, concevant un univers caractérisé par une harmonie naturelle préétablie. Kant donne une base rationnelle à l’éthique individuelle. Le piétisme influence également Lessing, dont la dramaturgie annonce le mouvement du Sturm und Drang (« tempête et assaut «) de la seconde moitié du xviiie siècle. Rejetant la domination de la raison, ce mouvement préromantique exalte la sensibilité et idéalise la nature. Ses principaux représentants sont Goethe et Schiller. Ce renouveau culturel s’accompagne d’un important développement des universités allemandes où, désormais, l’enseignement ne se fait plus en latin mais en allemand.
5.10La fin du Saint Empire romain germanique
Frédéric-Guillaume II (1786-1797) succède à son oncle, Frédéric II. La Révolution française (1789-1799) a un profond retentissement en Allemagne. Dans un premier temps, elle est accueillie favorablement par les intellectuels dont Kant ou Hegel. Mais à cette sympathie initiale succèdent la déception et la condamnation de la Terreur (1793-1794). En 1792, Frédéric-Guillaume II signe avec l’empereur germanique Léopold II (1790-1792) la déclaration de Pillnitz appelant les souverains européens à soutenir le roi de France Louis XVI. Les armées prussiennes envahissent la France, mais elles sont stoppées à la bataille de Valmy (septembre 1792).
Au début de l’année 1793, la Prusse occupe la Pologne occidentale, malgré une résistance acharnée mais vaine de l’armée polonaise. Au traité de Grodno, la Prusse et la Russie se livrent à un deuxième partage de la Pologne à l’issue duquel la Prusse gagne Dantzig (Gdańsk), Thorn (Toruń) et la région de la Grande Pologne avec Poznań. La réaction patriotique des Polonais entraîne, dès l’année suivante, une nouvelle intervention de la Prusse aux côtés de la Russie et de l’Autriche. Il s’ensuit un troisième et ultime partage de la Pologne en 1795. Varsovie et la Galicie sont annexées par la Prusse, tandis que la Pologne disparaît de la carte de l’Europe.
La même année, Frédéric-Guillaume II est contraint de céder à la France, par le traité de Bâle, les territoires prussiens situés à l’ouest du Rhin. Son fils, Frédéric-Guillaume III (1797-1840) lui succède.
5.10.1L’essor du nationalisme allemand
Les guerres napoléoniennes (1799-1815) contribuent à la formation d’un nationalisme allemand. Elles bouleversent la structure de l’Allemagne. Ayant annexé la rive gauche du Rhin, Napoléon Ier simplifie une première fois la carte de l’Empire germanique par le recès de Ratisbonne en 1803. Il supprime 112 États allemands, au profit notamment du Wurtemberg et de la Bavière, qui deviennent des royaumes par le traité de Presbourg de 1805. Pour affaiblir l’Autriche, Napoléon crée, en juillet 1806, la Confédération du Rhin, formée par seize princes qui le reconnaissent pour protecteur. Celle-ci entraîne de fait la dissolution du Saint Empire romain germanique. Le 6 août, le dernier empereur germanique, François II (1792-1806), délie les Allemands du serment de fidélité.
Lors des guerres napoléoniennes, la Prusse reste neutre jusqu’en 1805, mais la formation de la Confédération du Rhin détermine Frédéric-Guillaume III à entrer en guerre. Battue par deux fois à la bataille d’Iéna et à la bataille d’Auerstedt en 1806, la Prusse perd la moitié de ses territoires au traité de paix de Tilsit (1807), avec la création du royaume de Westphalie, placé sous la souveraineté de Jérôme Bonaparte, et du duché de Varsovie. La Prusse doit adhérer au Blocus continental et son armée est réduite à 42 000 hommes.
En libérant l’Europe au nom de la Nation, les Français posent le principe des nationalités : ce message est entendu en Allemagne où l’idée de nation, cependant, est interprétée au regard de l’héritage historique et culturel. Herder, puis Fichte, dans son Discours à la nation allemande (1807), définissent l’idée d’une nation fondée sur la culture et la langue, puisant son identité dans ses traditions.
Le principal relais du nationalisme allemand est la Prusse, à partir de 1812. L’armée y est réorganisée sous la conduite de Scharnhorst et de Gneisenau qui, après la retraite napoléonienne en Russie, mènent la guerre de libération contre les Français. Les troupes de Frédéric-Guillaume III, allié à l’Autriche et à la Russie, entrent en mars 1814 à Paris. Mais cette victoire signifie le retour de l’Autriche en Allemagne.
5.10.2La Confédération germanique
Le congrès de Vienne (septembre 1814-juin 1815) simplifie encore la carte de l’Allemagne. L’Autriche abandonne les terres souabes et impose, par l’intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères, Klemens von Metternich, la création de la Confédération germanique. Celle-ci fédère, sous la présidence de l’Autriche, 39 États souverains, représentés au sein de la Diète fédérale de Francfort, sans réel pouvoir. La Prusse perd la plus grande partie de son territoire polonais, mais reçoit en compensation une partie de la Saxe, la Poméranie, ainsi que des terres en Rhénanie et en Westphalie.
Dans cette nouvelle Allemagne, les aspirations libérales et nationales sont sévèrement réprimées. Metternich, qui joue habilement des particularismes locaux au sein de la Confédération germanique, impose une politique réactionnaire et autoritaire, imité par Frédéric-Guillaume III en Prusse, ainsi que par les nouveaux rois de Bavière, de Hanovre, de Wurtemberg et de Saxe, qui craignent la perte de leur souveraineté.
Des insurrections libérales éclatent cependant dans plusieurs États allemands à l’annonce de la révolution de Juillet à Paris, en 1830. Elles déclenchent, au sein de la Confédération, une vague de répression, dirigée notamment contre les universités, lieux privilégiés de la contestation.
5.10.3Le premier échec de l’unité
En 1848, une nouvelle vague révolutionnaire, née à Paris (voir Révolution française de février 1848), déferle sur l’Europe et provoque, dans l’empire des Habsbourg, la démission de Metternich et l’abdication de l’empereur d’Autriche, Ferdinand Ier, en faveur de son neveu, François-Joseph. En Allemagne, les insurgés obtiennent des Constitutions libérales dans les États de Bavière, de Bade et du Wurtemberg. En Prusse, Frédéric-Guillaume IV (1840-1861), roi conservateur, soutenu par l’Église luthérienne et par les junker, écrase l’insurrection berlinoise.
Cependant, à Francfort, un Parlement constituant s’est réuni, parallèlement à la Diète fédérale. Ses délégués, représentants de la bourgeoisie libérale, rédigent une Constitution libérale et proposent de fonder une Allemagne unie. Ils offrent la couronne impériale, héréditaire, au souverain prussien. Hostile au régime parlementaire, Frédéric-Guillaume IV refuse. Il reprend néanmoins l’idée d’une petite Allemagne, union des États allemands excluant l’Autriche, sous la direction de la Prusse (Union d’Erfurt), proposée par son ministre des Affaires étrangères, Josef von Radowitz. Cependant, il doit céder à l’ultimatum autrichien (reculade d’Olmütz, 1850) et renoncer, pour un temps, à réaliser l’unité de l’Allemagne autour de la Prusse.
5.11L'Empire allemand
En 1834, à l’initiative de la Prusse, s’est constituée une union douanière, le Zollverein, rassemblant 25 États allemands. Celle-ci devait favoriser l’unité économique de l’Allemagne. Ainsi, en 1844, presque tous les États allemands sont économiquement associés à la Prusse. L’essor industriel s’accélère. La Prusse en est le premier bénéficiaire, avec le développement des bassins de la Saxe et de la Ruhr.
Après l’échec de 1850, cependant, la situation semble bloquée. La Prusse est paralysée par un conflit constitutionnel qui oppose un souverain autoritaire à une diète dominée désormais par la bourgeoisie progressiste, favorable à l’unité. En 1862, Guillaume Ier, qui a succédé en 1861 à Frédéric-Guillaume IV, nomme à la chancellerie Otto von Bismarck. Conservateur, attaché au particularisme prussien, Bismarck est un pragmatique. Convaincu que l’Allemagne est « trop étroite pour que la Prusse et l’Autriche puissent y vivre ensemble «, il travaille à l’édification d’une petite Allemagne dominée par la Prusse.
5.11.1L’unité allemande
Pour atteindre son but, Bismarck a recours à la fois à la diplomatie et à la force armée. L’affaire des Duchés lui offre un prétexte pour rompre avec l’Autriche qui, en 1863, a proposé un nouveau projet de grande Allemagne, à laquelle la Prusse n’aurait été liée que par un traité d’association. En 1864 cependant, Bismarck s’allie à l’Autriche pour défendre au Schleswig-Holstein et au Lauenburg, sous domination du Danemark, les droits à la succession d’un prince allemand, Frédéric d’Augustenburg. Mais, après une rapide victoire contre les Danois, les deux puissances germaniques écartent le prince et se partagent les duchés par la convention de Gastein, en 1865. L’Autriche annexe le Holstein, et la Prusse, le Schleswig.
Bismarck passe alors à la seconde étape et déclenche la guerre austro-prussienne (1866). Il s’assure de la neutralité de la Russie et de l’Angleterre, et obtient celle de la France, en promettant à Napoléon III qu’en cas de défaite des Habsbourg il remettra la Vénétie au jeune royaume d’Italie. Les troupes prussiennes, conduites par le général von Moltke, envahissent le Holstein. Le 3 juillet 1866, l’armée autrichienne est écrasée à la bataille de Sadowa (Königgrätz). L’Autriche cède Venise aux nationalistes italiens et le Schleswig-Holstein est annexé par la Prusse.
Bismarck peut dès alors organiser, sans l’Autriche, la Confédération de l’Allemagne du Nord, union des États allemands situés au nord du Main, entrée en vigueur le 1er juillet 1867. La même année, en décembre 1867, l’Autriche et la Hongrie signent le compromis (Ausgleich) qui fonde l’Empire austro-hongrois.
Le nouveau chancelier de la Confédération doit encore vaincre les résistances à l’unité des États catholiques du sud, particulièrement méfiants à l’égard de la Prusse. Il suscite alors une guerre nationale contre l’ennemi héréditaire, la France. La guerre franco-allemande (1870-1871) éclate à la suite d’un incident diplomatique mineur provoqué par Bismarck. Napoléon III déclare la guerre à la Confédération le 19 juillet 1870. Rejetant l’impérialisme français, les États d’Allemagne du Sud se rallient à la Prusse.
Après la capitulation française à la bataille de Sedan, le 1er septembre 1870, et le siège de Paris (septembre 1870-janvier 1871), Guillaume Ier est proclamé empereur d’Allemagne (1871-1888) dans la galerie des Glaces du château de Versailles, le 18 janvier 1871. La naissance du IIe Reich (1871-1918), qui remplace la Confédération de l’Allemagne du Nord, constitue l’aboutissement de l’unification allemande et consacre la domination prussienne sur l’ensemble des États allemands. Le traité de Francfort, signé le 10 mai 1871, met fin à la guerre entre la France et le IIe Reich. L’Alsace (à l’exception de Belfort) et une partie de la Lorraine sont cédées à l’Empire allemand (voir Alsace-Lorraine). La France doit également verser une lourde indemnité de guerre (5 milliards de francs).
5.11.2Le système bismarckien
Grand artisan de l’unification allemande, Otto von Bismarck devient le premier chancelier de l’Empire. Au cours des vingt ans qui suivent, il met en place une série d’alliances destinées à protéger l’unification politique de l’Allemagne. Pour isoler diplomatiquement la France et édifier un rempart contre les progrès de la démocratie et du socialisme, il établit l’Entente des trois empereurs, signée en 1872 entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Russie, renouvelée en 1884, ainsi que la Triple-Alliance, conclue en 1882 entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie. Afin de maintenir l’équilibre européen, il arbitre la question des Balkans au congrès de Berlin de 1878, puis les rivalités coloniales au congrès de Berlin de 1884.
La position extérieure de l’Allemagne wilhelmienne est assurée par sa puissance militaire, industrielle, commerciale et démographique. Bismarck encourage la révolution industrielle. La métallurgie de transformation et les industries chimiques se développent, à l’abri de barrières protectionnistes après 1873. La houille et l’acier de la Ruhr, de la Sarre et de la Silésie font de l’Allemagne une grande puissance industrielle. Les industriels allemands, soutenus par les banques, édifient de puissants Konzern. Les voies de communication connaissent également un essor important, passant de 20 000 km de voies ferrées en 1870 à 50 000 km en 1900. Entre 1870 et 1900, l’Allemagne gagne 15 millions d’habitants pour atteindre un total de 56 millions. Dès 1910, la population urbaine dépasse la population rurale, vingt-quatre ans avant la France.
La majorité de la population demeure exclue de la vie politique. Bismarck et l’empereur n’ont accepté que le Reichstag soit élu au suffrage universel que pour faire contrepoids au particularisme des vingt-cinq États. Le chancelier n’est responsable que devant l’empereur.
Bismarck, cependant, doit tenir compte de l’évolution politique. En 1872, inquiet de la progression du Zentrum, créé en 1871 pour défendre les intérêts des 15 millions de catholiques face à l’hégémonie de la Prusse protestante, il lance le Kulturkampf (« combat pour la civilisation «), conflit qui oppose l’Église catholique romaine et l’Empire allemand entre 1871 et 1883. Le conflit s’apaise à partir de 1879. Toutefois, Bismarck n’est pas parvenu à affaiblir le Zentrum, dont il a désormais besoin contre les socialistes, unis depuis 1875 au sein du Parti social-démocrate dominé par les disciples de Karl Marx.
Prétextant des attentats contre l’empereur, Bismarck fait adopter, en 1878, des lois d’exception interdisant le Parti socialiste, reconduites jusqu’en 1890. Dans le même temps, il crée le premier système d’assurances sociales destiné à préserver les revenus des ouvriers en cas de maladie, d’accident du travail, d’invalidité et de vieillesse, afin de les détourner du socialisme.
Cette politique est un échec. En 1890, Guillaume II (1888-1918), successeur de Guillaume Ier, renvoie soudainement Bismarck et décide d’abolir les lois d’exception. Les sociaux-démocrates connaissent alors une progression électorale constante. En 1912, ils obtiennent la plus large représentation au Reichstag, avec 35 p. 100 des suffrages. Bismarck échoue également dans sa politique de germanisation des minorités sur les frontières orientales et surtout en Alsace-Lorraine, terre d’Empire depuis 1871.
5.12La Première Guerre mondiale
Le renvoi de Bismarck est essentiellement motivé par le désaccord qui existait entre le chancelier et le nouvel empereur, Guillaume II, sur la politique coloniale. Bismarck, soucieux de consolider la puissance allemande, ne tient guère à engager le pays dans la conquête de terres outre-mer. Il encourage même la France dans son expansion coloniale, qui la détourne de ses revendications sur l’Alsace-Lorraine.
5.12.1La Weltpolitik de Guillaume II
Le nouvel empereur en revanche, poussé par la Ligue pangermaniste et les milieux d’affaires, entend participer au partage du monde, afin d’offrir de nouveaux débouchés à l’industrie allemande et de nouveaux territoires à une population en constante progression. La Weltpolitik de Guillaume II accroît les tensions entre puissances européennes et contribue à un renversement des alliances.
En 1887, le traité avec la Russie n’a pas été renouvelé. La Russie, isolée, se rapproche de la France, avec laquelle elle signe un accord défensif contre l’Allemagne en 1892. L’expansion commerciale de l’Allemagne (en Chine, dans l’Empire ottoman, en Afrique) et la mise en œuvre d’un programme d’armement naval, mené par l’amiral von Tirpitz, qui allait faire de l’Allemagne la deuxième puissance navale d’Europe, menacent directement les intérêts de la Grande-Bretagne, nation maritime. Après avoir tenté en vain d’obtenir des garanties de Guillaume II, les Britanniques règlent leurs différends coloniaux avec la France avec laquelle est conclue l’Entente cordiale en 1904.
La crise marocaine, ouverte par le voyage de Guillaume II à Tanger en 1905, accélère encore le processus. En 1907, le rapprochement de la Grande-Bretagne et de la Russie donne naissance à la Triple-Entente, contrepoids à la Triple-Alliance. L’Europe est dès lors divisée en deux camps armés.
Isolée à la conférence d’Algésiras, en 1906, l’Allemagne durcit encore sa politique. En 1911, la crise marocaine rebondit lorsque Guillaume II fait installer une canonnière allemande à Agadir. Le conflit est évité, mais l’Allemagne, désormais, se prépare à une guerre jugée inévitable. En juillet 1913, les effectifs de l’armée active sont augmentés. En décembre 1912, la Triple-Alliance est renouvelée par anticipation.
5.12.2L’Allemagne en guerre
C’est la question des nationalités qui met le feu à la poudrière. Après l’assassinat, le 28 juin 1914, de l’archiduc d’Autriche François-Ferdinand, par un nationaliste serbe, l’engrenage des alliances entraîne l’Europe dans la Première Guerre mondiale. L’Allemagne ayant assuré l’Autriche de son soutien total, celle-ci envoie un ultimatum inacceptable à la Serbie avant de lui déclarer la guerre. La Russie, alliée à la Serbie, mobilise ses forces armées contre les puissances centrales. Le 1er août, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie puis, le 3 août, à la France.
Les Allemands escomptent une rapide conquête de la France pour assurer une stabilité du front occidental et permettre l’envoi massif de troupes vers l’Est. Contournant la frontière franco-allemande du nord-est de la France, solidement fortifiée, l’armée du IIe Reich passe par la Belgique, restée neutre, et attaque la France. Après une progression rapide sur le sol français, elle est stoppée de justesse par l’armée française sur la Marne (voir batailles de la Marne).
Une fois le front stabilisé, les deux armées s’enterrent dans des tranchées, et la guerre s’enlise pendant quatre ans. Entre-temps, les Russes ont attaqué l’Allemagne à l’est. Confrontée à une guerre sur deux fronts, l’Empire allemand doit mobiliser toutes ses ressources économiques pour pallier l’insuffisance de son approvisionnement en nourriture et en matières premières. Afin de briser le blocus naval établi par les Alliés, il s’engage dans une guerre sous-marine à outrance, qui provoque l’entrée en guerre des États-Unis, en 1917, après la destruction de plusieurs navires américains. La révolution russe d’octobre 1917 et la guerre civile qui s’ensuit permettent à l’Allemagne de se libérer du front oriental, par la paix de Brest-Litovsk, signée en 1918 avec le gouvernement bolchevique. Mais l’échec de l’offensive massive lancée à l’ouest contraint l’état-major allemand à demander l’armistice le 29 septembre 1918.
Le 3 novembre, le soulèvement des marins de Kiel marque le début de la révolution socialiste en Allemagne. Ouvriers et militaires forment des conseils ouvriers. Le 9 novembre, la révolution éclate à Berlin, à l’initiative des spartakistes, menée par Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, fondateurs du Parti communiste allemand (1918-1919). À l’annonce de l’abdication de Guillaume II, le Reichstag, dominé par les socialistes modérés, proclame la République. Friedrich Ebert, socialiste modéré, chef du Parti social-démocrate (SPD), prend la tête d’un gouvernement provisoire. L’armistice est signé le 11 novembre 1918.
5.12.3Le traité de Versailles
Le nouveau gouvernement, établi à Weimar, doit accepter, le 28 juin 1919, les clauses extrêmement sévères du traité de Versailles. L’Allemagne doit reconnaître la souveraineté de la Belgique, de la Pologne, de la Tchécoslovaquie et de l’Autriche. L’Alsace-Lorraine revient à la France. L’Allemagne perd sur ses frontières orientales et occidentales quelque 71 000 km2, soit environ 8 p. 100 de son territoire et un dixième de sa population, sans compter ses colonies en Afrique. Ainsi amputée de riches régions agricoles et industrielles, elle est également contrainte à l’achat des surplus de minerai et d’acier lorrains. Le traité porte également atteinte à sa souveraineté concernant le bassin de la Sarre, placée pour quinze ans sous mandat de la Société des Nations (SDN) et confiée à la France, et la Rhénanie, zone démilitarisée et provisoirement occupée. Désarmée, l’Allemagne doit surtout reconnaître son entière responsabilité dans le déclenchement de la guerre. À ce titre, elle doit payer de considérables dommages de guerre.
Cette clause de responsabilité alimente la rancœur des Allemands, humiliés par le « diktat « de Versailles. La droite conservatrice et les militaires, accusant les révolutionnaires d’être directement responsables de cette humiliation nationale, entretiennent la thèse du « coup de poignard dans le dos «.
5.13La République de Weimar
Un accord secret est signé entre Friedrich Ebert et l’état-major allemand pour lutter contre la menace bolchevique. L’insurrection spartakiste, déclenchée à Berlin en janvier 1919, est écrasée par le gouvernement républicain allié à l’armée. Après plusieurs jours de combats, l’ordre est rétabli dans le pays à l’issue d’une sanglante répression. Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg sont assassinés, le 15 janvier 1919. En février, une Assemblée nationale constituante se réunit à Weimar. Le 11 août, elle promulgue une nouvelle Constitution, établissant une république fédérale et une démocratie parlementaire. Le pouvoir législatif est partagé entre deux assemblées, le Reichstag et le Reichsrat. Friedrich Ebert est élu président de la nouvelle République (1919-1925).
5.13.1La contestation du régime
La République de Weimar, gouvernée par une coalition du Parti social-démocrate et du Zentrum, est née de la défaite. Cette image négative devait persister et être abondamment exploitée par les milieux antirépublicains. Confrontée à la fois à l’hostilité de la droite antiparlementaire et nationaliste, et à celle des socialistes révolutionnaires, handicapée par une instabilité ministérielle chronique, la jeune république allemande doit faire face aux vives difficultés économiques de l’après-guerre.
En 1921, le gouvernement obtient un premier succès avec le refus du Sénat américain de ratifier le traité de Versailles. Un traité séparé est signé avec les États-Unis le 2 juillet 1921 (traité de Berlin), suivi en 1922 d’un accord sur les dettes allemandes. En 1922, le gouvernement rompt l’isolement de l’Allemagne grâce à la signature du traité de Rapallo avec l’URSS. L’armée allemande, la Wehrmacht, peut ainsi disposer de bases d’entraînement sur le territoire soviétique.
La crise de la Ruhr, en janvier 1923, aggrave la situation économique et politique. L’Allemagne ne pouvant satisfaire aux exigences des réparations de guerre, la France et la Belgique envahissent la Ruhr en janvier 1923 et prennent le contrôle des mines de charbon. Le gouvernement de Wilhelm Cuno encourage les ouvriers à la résistance passive, mais il est contraint d’émettre d’énormes quantités de monnaie pour payer leurs salaires. Cette politique entraîne une inflation galopante. Celle-ci favorise l’investissement industriel, mais engloutit les revenus fixes (épargne, pensions, assurances), appauvrissant les milieux agricoles et ouvriers, les retraités, et ruinant la petite bourgeoisie. La concentration industrielle s’accélère (voir occupation de la Ruhr).
Dans ce contexte de crise, les mouvements politiques extrémistes mettent à profit le mécontentement social pour déstabiliser le régime. Une insurrection communiste éclate à Hambourg. En Bavière, où l’agitation séparatiste est forte, Adolf Hitler, à la tête du Parti national-socialiste allemand des travailleurs (NSDAP), créé en 1920, fomente, en novembre 1923, le putsch de Munich. La tentative de coup d’État échoue et Hitler est emprisonné.
5.13.2Le redressement
La mise en œuvre du plan Dawes, en 1924, prolongé en 1929 par le plan Young, aide au redressement économique de l’Allemagne. Tandis que, sous la direction de Hjalmar Schacht, président de la nouvelle Banque centrale, est engagée une réforme monétaire rigoureuse, l’afflux de capitaux américains favorise la rationalisation de l’industrie. La progression du chômage, cependant, n’est pas enrayée.
Jouissant d’une paix et d’une prospérité relatives, l’Allemagne retrouve une place au sein de la communauté internationale, grâce à la politique de conciliation menée par Gustav Stresemann, ministre des Affaires étrangères de 1923 à 1929. Après les accords de Locarno, en 1925, elle est autorisée à entrer à la Société des Nations (SDN) en 1926.
Les années 1920 sont particulièrement fécondes sur le plan scientifique et culturel. Les physiciens et les chimistes allemands (Max Planck, Albert Einstein, Gustav Hertz, Werner Karl Heisenberg) obtiennent de nombreux prix Nobel. L’école du Bauhaus, créée par Walter Gropius en 1919, révolutionne l’architecture contemporaine. L’influence de l’expressionnisme, né avant la guerre, s’épanouit à travers le théâtre, avec Georg Kaiser, le cinéma, avec Fritz Lang et F. W. Murnau, ou encore la peinture avec Otto Dix. Ses représentants expriment une vision sévère de la société d’après-guerre. La critique se fait plus radicale encore dans le théâtre de Berthold Brecht, influencé par le marxisme. D’autres, comme Thomas Mann, prix Nobel de littérature en 1929, ou le philosophe Oswald Spengler sont à la recherche d’une société nouvelle, que les théoriciens d’une révolution nationaliste s’efforcent de fonder sur une jeunesse virile et obéissante, représentative d’une prétendue supériorité de la race allemande.
5.13.3La montée du nazisme
La stabilisation du régime de Weimar, entre 1924 et 1929, n’enraye pas la progression de la droite nationaliste. En 1925, le maréchal Hindenburg est élu à la présidence de la République (1925-1934) avec le soutien des nationaux-allemands du DNVP. En juillet 1929, le DNVP, mené par Hugenberg, pangermaniste convaincu, magnat de la presse et du cinéma allemands, scelle une alliance avec le NSDAP dont Hitler, sorti de prison en 1925, a repris la direction. Les deux mouvements disposent d’une formation paramilitaire, le Casque d’acier (Stahlhelm) pour le DNVP et les SA (« sections d’assaut «), créées par Ernst Röhm, pour le NSDAP.
La crise économique mondiale de 1929, qui frappe durement l’Allemagne, précipite des millions de chômeurs, désillusionnés par la démocratie capitaliste, vers les extrêmes politiques, le Parti national-socialiste (NSDAP) à droite, et le Parti communiste allemand (KPD) à gauche.
Malgré de nouveaux succès diplomatiques en 1932, notamment à la conférence de Lausanne où sont effacées les réparations de guerre imposées à l’Allemagne, le régime ne peut résister à la montée du nazisme (voir national-socialisme). En septembre 1930, les élections consacrent l’effondrement des partis de la coalition de Weimar (Zentrum, Parti social-démocrate) au profit du NSDAP et du KPD. La formation d’un front unissant socialistes et catholiques, soutenu par les syndicats, offre à la République de Weimar un répit de deux ans. Mais, aux élections de 1932, grâce à une campagne de propagande et d’intimidation, le parti nazi remporte le plus grand nombre de sièges au Reichstag (196 sièges) et réclame la direction du gouvernement. Partisans d’un pouvoir fort, capable de redresser le pays et de faire rempart au communisme, les milieux d’affaires soutiennent la candidature de Hitler à la chancellerie. Le 28 janvier 1933, le président Hindenburg nomme le chef du NSDAP au poste de chancelier. Le IIIe Reich est né.
5.14Le IIIe Reich
Adolf Hitler met rapidement en œuvre son programme, dont les grands principes sont définis dans Mein Kampf, ouvrage qu’il a écrit durant ses années de détention et dans lequel il expose l’ordre nouveau qu’il entend imposer à l’Europe. Le nazisme propose non seulement aux Allemands d’effacer l’humiliation du diktat de Versailles mais, plus encore, de conquérir un « espace vital « pour la « race supérieure « aryenne. Aux millions de chômeurs victimes de la récession économique mondiale, Hitler promet du pain et du travail et désigne les principaux responsables des maux de l’Allemagne : les démocrates en général, les juifs et les communistes en particulier. Excellent orateur et habile propagandiste, il rencontre un écho dans toutes les classes d’une société bouleversée par la crise.
5.14.1L’instauration du régime totalitaire
Pour affermir d’emblée son pouvoir, le nouveau chancelier obtient la dissolution du Reichstag et entreprend d’éliminer ses adversaires socialistes et communistes, qui sont pourchassés par les SA durant la campagne électorale. Le 25 février 1933, l’incendie du Reichstag, dont la responsabilité est opportunément attribuée aux communistes, provoque l’interdiction du KPD. Le 23 mars, Hitler obtient du Reichstag les pleins pouvoirs, grâce aux voix des nationaux et du Zentrum, le NSDAP ne disposant pas alors de la majorité parlementaire.
Dès lors, les dirigeants nazis ont toute latitude pour établir un régime totalitaire. La nazification du pays est très rapide. Les opposants au régime sont internés dans les camps de concentration, dont les premiers, notamment Dachau, sont ouverts en 1933. En décembre 1933, après l’interdiction du KPD, du SPD, des syndicats et le retrait des autres partis politiques, le NSDAP, s’appuyant sur les polices militarisées du parti, les SA et les SS (Schutzstaffel), devient le seul parti autorisé. Progressivement, les Allemands sont embrigadés et encadrés dans les multiples organisations affiliées au parti unique (Front du travail — Arbeitsfront — pour les ouvriers, Jeunesse hitlérienne, etc.).
Après la mort d’Hindenburg, en août 1934, Hitler cumule les fonctions de chancelier et de chef de l’État. Il met en place un Reich fortement centralisé, supprimant successivement les Assemblées des Länder et le Reichsrat. Tandis que Hermann Göring, ministre de la Propagande, orchestre le culte du Reichsführer et l’exaltation de l’idéologie nazie (voir national-socialisme), Heinrich Himmler, chef des SS depuis 1929, met en place un État militaire et policier. Il obtient, en 1934, le contrôle de la Gestapo, police secrète d’une efficacité redoutable, qui étouffe toute opposition jusqu’en 1944. La culture et l’enseignement passent également sous le contrôle de l’appareil totalitaire nazi.
Il reste aux dirigeants nazis, après avoir évincé toute contestation politique, à mettre au pas la Wehrmacht. Le grand état-major allemand, âme du militarisme prussien et allemand depuis près deux siècles, n’affiche guère de sympathie envers Hitler. Il se rallie toutefois au régime après la Nuit des longs couteaux, épuration sanglante effectuée au sein du Parti national-socialiste. Les principaux responsables des SA, dont leur chef, Ernst Röhm, qui, par leurs projets de révolution sociale et d’absorption de la Wehrmacht, contrecarrent les plans d’Hitler, sont assassinés dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 1934. Ce massacre permet également à la SS d’asseoir son pouvoir. Son chef, Himmler, est chargé de conduire la politique raciste du Reich. En tant que dirigeant des forces de police et de répression nazie (SS, Gestapo, etc.), il mène un programme impitoyable d’extermination des juifs.
Les premières mesures antisémites sont prises en 1933 avec le boycott des magasins juifs. Le 15 septembre 1935 est proclamée une législation antijuive, à l’issue du congrès annuel du Parti national-socialiste, réuni à Nuremberg. Les lois de Nuremberg sur la « protection du sang allemand et de l’honneur allemand « privent les juifs de la citoyenneté allemande et leur interdisent toute relation avec les « aryens «. La Nuit de cristal (Kristallnacht), vaste pogrom qui se déroule dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 à l’encontre des juifs, marque le début d’une persécution systématique de la communauté juive allemande. Exclus de la société, arrêtés et envoyés dans des camps de concentration, où sont également enfermés Tziganes, homosexuels, témoins de Jéhovah et communistes, les juifs n’ont de salut que dans la fuite. En 1939, la moitié des 500 000 juifs vivant en Allemagne ont quitté le pays. Parmi eux, de nombreux artistes, intellectuels et scientifiques, qui ne peuvent plus s’exprimer ou exercer leur métier.
5.14.2La marche vers la guerre
Les projets expansionnistes d’Hitler exigent la mise en place d’une économie dirigiste, entièrement tournée vers la satisfaction des besoins du Reich et la restauration de la puissance militaire allemande. La politique de réarmement lancée par le Führer satisfait ces deux impératifs et contribue, avec les grands chantiers publics, à résorber le chômage. Elle achève également de rallier les militaires de la Wehrmacht.
Hitler procède par coups de force successifs, testant les capacités de réaction des puissances européennes. En octobre 1933, l’Allemagne quitte la Société des Nations. En mars 1935, après avoir récupéré la Sarre par plébiscite, le Führer instaure un service militaire obligatoire d’un an. Sans susciter d’opposition, l’Allemagne se réarme et développe sa flotte avec l’accord des Britanniques (accord naval de juin 1935). Une à une, les clauses du traité de Versailles sont bafouées. Le 7 mars 1936, la Rhénanie est occupée. Les démocraties occidentales n’en participent pas moins aux jeux Olympiques de Berlin (1936) et ne réagissent guère lorsque, au congrès annuel de Nuremberg, en septembre, Hitler prolonge à deux ans le service militaire et annonce l’accélération du plan de réarmement.
Assuré de sa nouvelle puissance militaire, fort du pacte anticommuniste signé avec le Japon puis avec l’Italie fasciste de Benito Mussolini, Hitler poursuit l’escalade. En 1938, l’Allemagne occupe l’Autriche et déclare l’Anschluss (« rattachement «). Cette même année, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie acceptent, par les accords de Munich, le principe de l’annexion du territoire des Sudètes, région appartenant à la Tchécoslovaquie mais peuplée de germanophones, contre la promesse de l’Allemagne d’en rester là. En mars 1939, reniant sa parole, Hitler occupe toute la Tchécoslovaquie. Le 21 mai 1939, l’Allemagne et l’Italie signent le pacte d’Acier, traité d’assistance militaire. Cette politique d’agression vers l’est exige cependant de se prémunir contre une riposte soviétique. Le 23 août 1939 est signé un pacte de non-agression avec l’URSS de Joseph Staline, contenant une clause secrète sur le partage de la Pologne (voir pacte germano-soviétique).
Les revendications allemandes sur Dantzig (Gdańsk) entraînent la signature d’un pacte entre la Pologne et la Grande-Bretagne et la mobilisation des troupes polonaises. Le 1er septembre 1939, la Wehrmacht envahit la Pologne. Le 3 septembre, la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre au Reich, déclenchant ainsi la Seconde Guerre mondiale.
5.14.3Le conflit mondial
En quelques semaines, l’Allemagne s’empare de la Pologne grâce à la technique du Blitzkrieg (« guerre-éclair «). La Pologne est partagée avec l’URSS en vertu du pacte germano-soviétique. Puis, en mai 1940, les divisions blindées allemandes écrasent la France en une campagne de quarante jours. Le Danemark et la Norvège sont occupés. L’Angleterre soutient seule l’effort de guerre, avec l’appui économique et industriel des États-Unis. En juin 1941, l’Allemagne nazie attaque l’URSS, escomptant une nouvelle guerre-éclair. Mais la résistance opposée par l’Armée rouge annonce une profonde modification du cours du conflit.
Engagé à partir de février 1942 dans une guerre totale, le Reich exploite à outrance les pays satellisés. Les territoires de l’est sont mis en coupe réglée et soumis à une politique de colonisation et de germanisation. Jusqu’en 1943, 1 million de colons allemands viennent s’établir sur les terres prises aux Slaves, qu’Hitler entend repousser au-delà de l’Oural, et aux juifs, que le nazisme voue à l’extermination.
Dès l’automne 1940, les populations juives de Pologne sont enfermées dans des ghettos, comme le ghetto de Varsovie. En 1941, en Ukraine et dans les pays baltes, les juifs sont systématiquement recherchés et exterminés par des commandos, les Einsatzgruppen, opérant en arrière de la ligne de front sous le commandement du général Vom den Bach Zelewski. Le 20 janvier 1942, à la conférence de Wannsee, réunissant les dignitaires nazis, il est décidé de mettre en place la « solution finale à la question juive «. Des camps d’extermination (voir camp de concentration) sont construits pour mettre en œuvre, à l’échelle industrielle, le génocide des juifs d’Europe : Treblinka, Sobibór, Majdanek, Auschwitz, Belzec, Chelmno. Entre 5 et 6 millions de juifs périssent dans l’Holocauste.
L’entrée en guerre des États-Unis et la résistance des Soviétiques décident du sort de la guerre. En février 1943, la capitulation de la VIe armée allemande conduite par Von Paulus, vaincue à l’issue de la bataille de Stalingrad, a un immense retentissement psychologique. L’Allemagne et ses alliés perdent peu à peu l’initiative de la guerre. Les forces britanniques et américaines débarquent en Normandie en 1944 (voir bataille de Normandie), tandis qu’à l’est les Soviétiques avancent inexorablement vers l’ouest. Hitler se suicide juste avant l’entrée des chars soviétiques dans Berlin, le 30 avril 1945.
5.15La division et la réunification
La capitulation sans conditions de l’Allemagne, le 8 mai 1945, met un terme au IIIe Reich. Environ 5,5 millions d’Allemands ont trouvé la mort dans le conflit et 2 millions sont invalides. Le pays, amputé du quart de son territoire, est partagé en quatre zones d’occupation (soviétique, américaine, britannique, française). À la conférence de Potsdam, en juillet 1945, les Alliés définissent les objectifs de l’occupation : dénazification et démocratisation.
En novembre 1945 s’ouvre le procès de Nuremberg (voir crimes de guerres), au cours duquel sont jugés les principaux criminels de guerre nazis. Les autres membres du parti nazi sont jugés par des tribunaux allemands, sous le contrôle des Alliés. La dénazification est incomplète et partiale. Ainsi, de nombreux nazis sont utilisés en raison de leurs compétences scientifiques par les Américains et les Soviétiques.
5.15.1La naissance de deux États
Entre mai et septembre 1946, les Allemands habitant les zones d’occupation occidentales peuvent voter pour élire les conseils municipaux et les Assemblées consultatives des Länder. Au printemps 1947, les Länder de l’Ouest se dotent de Constitutions démocratiques et de gouvernements locaux.
La guerre froide fait éclater l’alliance fragile entre les anciens alliés. Après l’échec de la conférence de Moscou en avril 1947, alors que le président des États-Unis, Harry Truman, a défini sa politique de containment, l’idée d’un État d’Allemagne occidentale, suffisamment fort pour pouvoir contenir l’expansionnisme soviétique, progresse chez les Américains et les Britanniques, puis chez les Français. Le coup de force communiste de Prague (février 1948), en Tchécoslovaquie, puis le blocus de Berlin imposé par les Soviétiques, de juin 1948 à mai 1949, rallie la population et les partis politiques des zones occidentales à l’idée de la création d’une Allemagne de l’Ouest.
Dès 1948, les trois zones situés à l’ouest ont été fusionnées et les Allemands encouragés à former un gouvernement démocratique. En octobre 1948, le Conseil du peuple allemand, qui a été instauré dans la zone d’occupation soviétique, accepte une Constitution qui donne naissance à la République démocratique allemande (RDA), État socialiste créé sur le modèle soviétique. En mai 1949, le Conseil parlementaire ouest-allemand, constitué par 75 délégués des Länder et présidé par Konrad Adenauer, adoptent la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne (RFA).
Pour l’histoire de l’Allemagne entre 1949 et 1990, se reporter aux articles République démocratique allemande (RDA) et République fédérale d’Allemagne (RFA).
5.15.2L'unité retrouvée
L’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev en URSS et sa politique de perestroïka jouent un rôle essentiel dans la chute des régimes communistes d’Europe de l’Est. La RFA renforce sa coopération avec la RDA, dont les dirigeants résistent au changement. Après l’ouverture des frontières en Pologne, en Hongrie puis en Tchécoslovaquie, qui déclenche un mouvement de migration des Allemands de l’Est vers l’Occident, la contestation s’organise en RDA.
Le 9 novembre, l’ouverture et la destruction du mur de Berlin scellent les retrouvailles du peuple allemand et amplifient la vague de départs vers l’Ouest. Malgré les craintes et les réticences exprimées par les voisins de l’Allemagne, le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl lance, le 28 novembre, le processus de réunification, en proposant un programme en dix points. Début février 1990, Hans Modrow, son homologue est-allemand, se rallie à l’idée d’une réunification en quatre étapes.
Le processus se précipite après les premières élections législatives libres en RDA, le 18 mars, qui voient la victoire des partisans d’une unification rapide. Le 18 mai 1990 est signé le traité d’union économique et monétaire, qui entre en vigueur en juillet. Après la signature du traité d’unification, le 31 août, et sa ratification par les deux Parlements le 20 septembre, la réunification politique est officiellement proclamée le 3 octobre 1990.
La coalition gouvernementale dirigée par Helmut Kohl enregistre une victoire décisive lors des premières élections de l’Allemagne réunifiée, en décembre 1990. Le 20 juin 1991, le nouveau Bundestag choisit Berlin comme capitale de l’Allemagne.
5.15.3Les conséquences de la réunification
La réunification entraîne une série de difficultés économiques et sociales, qui s’annoncent longues à résorber. Le fossé est visible entre les deux Allemagnes, entre les « Ossis « dont le niveau de vie demeure inférieur et qui peinent à trouver leur place dans le nouveau système économique et politique, et les « Wessis «, nombreux à penser qu’ils sacrifient leur niveau de vie pour soutenir les Allemands de l’Est. Dans un pays qui fait figure de géant économique, la pauvreté croissante d’une partie de la population accroît les tensions entre communautés, les premières victimes étant les étrangers, travailleurs immigrés et demandeurs d’asile.
L’Allemagne réunifiée doit également trouver sa place sur la scène internationale. À l’été 1994, le départ des dernières troupes d’occupation à l’Ouest comme à l’Est fait de l’Allemagne une nation totalement souveraine. Si elle a obtenu une représentation plus importante au Parlement européen, plus conforme à son poids politique, économique et démographique, l’Allemagne demande toujours un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.
Les partenaires européens de l’Allemagne, au premier rang desquels la France, s’inquiètent, craignant de voir le pays se tourner davantage vers l’Est au détriment de la construction européenne. En 1993, les électeurs allemands approuvent pourtant le traité de Maastricht et l’entrée de l’Allemagne dans la nouvelle Union européenne (UE). Attachés à l’élargissement de l’Union et favorables à une réforme institutionnelle allant dans le sens d’une fédéralisation, les dirigeants allemands renforcent, dans le même temps, les liens avec les anciens États communistes. En juin 1991, après que l’Allemagne a reconnu la frontière Oder-Neisse avec la Pologne, les deux pays signent un traité de coopération. En février 1992, un traité d’amitié est conclu avec la Tchécoslovaquie. La question des biens et propriétés des Allemands des Sudètes expulsés en 1945 demeure cependant en suspens avec la République tchèque.
5.16L’Allemagne depuis la réunification5.16.1La politique extérieure
Une évolution sensible intervient dans la politique extérieure allemande. Demeurée en retrait durant la guerre du Golfe, l’Allemagne s’engage davantage dans la crise en ex-Yougoslavie, reconnaissant dès la fin 1991, contre l’avis de ses partenaires européens, l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie. En 1993, elle participe aux missions de l’ONU au Cambodge et en Somalie. Son engagement demeure toutefois purement humanitaire.
Le débat suscité par une éventuelle participation militaire à des interventions armées situées hors des zones couvertes par l’OTAN reçoit un début de réponse lorsque la Cour constitutionnelle fédérale autorise, en juillet 1994, ce type de participation, sous réserve de l’approbation du Bundestag. En septembre 1995, un contingent de soldats allemands est envoyé en ex-Yougoslavie avec mission de protéger la Force de réaction rapide (voir conflit yougoslave). Il s’agit de la première intervention de l’Allemagne dans un conflit armé à l’étranger depuis la Seconde Guerre mondiale. En décembre 1996, l’Allemagne signe avec la France un document définissant un « concept commun de sécurité et de défense «, prélude à une politique européenne de défense. Dans ce texte, qui place les deux pays à parité stratégique, l’Allemagne affirme sa volonté de renforcer la sécurité non seulement en Europe mais également dans le bassin méditerranéen.
5.16.2La situation intérieure : une économie fragile
La forte hausse du chômage, qui atteint des niveaux records durant les années 1996-1997, la dégradation du marché de l’emploi et la politique d’austérité imposée par le gouvernement fédéral, qui porte notamment atteinte aux prestations sociales, sont à l’origine d’une grave crise sociale. Celle-ci est au cœur des débats de politique intérieure à partir de 1995. Les syndicats allemands, qui ont accepté dans un premier temps un effort consensuel, rompent les négociations, à l’image du syndicat de la métallurgie, IG Metall. En février 1999, toutefois, un accord concernant les salaires est finalement signé entre ce syndicat et le patronat. Plusieurs manifestations de masse se déroulent pour dénoncer la politique gouvernementale et la remise en cause du modèle économique et social de l’Allemagne.
Malgré une reprise économique amorcée en 1997, qui permet à l’Allemagne de faire partie des onze pays retenus en mai 1998 pour adhérer à l’Union économique et monétaire (UEM), la situation demeure préoccupante. Ainsi, pour la première fois depuis 1949, les salaires nets sont en baisse. Les quelques réformes adoptées (suppression de l’impôt sur la fortune, restriction de la protection contre le licenciement dans les petites entreprises de moins de dix salariés) n’ont pas d’effet sur le chômage qui touche un actif sur cinq dans l’ex-Allemagne de l’Est. L’économie donne, dès la fin 1998, des signes de ralentissement affichant un taux de croissance de 2,3 p. 100. En mai 1998, l’Allemagne est le premier pays européen à ratifier le traité d’Amsterdam. Critiqué pour ne pas avoir su moderniser le pays, Helmut Kohl doit, en outre, faire face à une situation politique délicate, marquée par la victoire très nette du social-démocrate Gerhard Schröder lors des élections dans le Land de Basse-Saxe en mars 1998 et par un important revers de la CDU, lors des élections dans le Land de Saxe-Anhalt (avril 1998), qui voient par ailleurs une percée de l’extrême droite de la Deutsche Volksunion (13,2 p. 100 des voix).
5.16.3L’alternance politique : la coalition rouge-verte
Aux élections législatives de septembre 1998, remportées par le SPD de Gerhard Schröder (40,9 p. 100 des voix), la CDU-CSU obtient son plus mauvais score depuis 1949 (35,2 p. 100 des voix), ce qui entraîne la démission d’Helmut Kohl de son poste de président de la CDU. Avec les Verts (6,7 p. 100 des voix), Gerhard Schröder forme un gouvernement de coalition, dont le programme inclut notamment : réforme fiscale, lutte contre le chômage, introduction d’un impôt écologique, hausse des allocations familiales, réforme du code de la nationalité (adopté en mai 1999, il introduit pour la première fois la notion de droit du sol) et abandon progressif du nucléaire. Dans les mois qui suivent son arrivée à la chancellerie, Gerhard Schröder essuie plusieurs échecs : abandon de l’interdiction de retraitement des déchets nucléaires, démission d’Oskar Lafontaine de son poste de ministre des Finances et de la présidence du SPD, qui échoit alors à Gerhard Schröder, revers électoraux lors des élections régionales, qui font perdre à la coalition gouvernementale la majorité au Bundesrat, et lors des élections européennes de juin 1999 (30,7 p. 100 des voix contre 48,7 p. 100 à la CDU-CSU). Johannes Rau, social-démocrate, succède en mai 1999 au chrétien démocrate Roman Herzog, devenant ainsi le huitième président de la RFA, peu après l’inauguration du nouveau Reichstag à Berlin. Dans la crise du Kosovo, l’Allemagne joue un rôle à la fois militaire et diplomatique (avec Joschka Fischer, à la tête du ministère des Affaires étrangères) et, à l’issue du conflit, elle se voit confier, après la division du Kosovo en cinq secteurs, le contrôle de l’un d’entre eux, au sein de la KFOR. L’existence d’un plan serbe de nettoyage ethnique, qui a servi de justification à cette intervention, donne lieu à un vif débat entre le gouvernement et une partie de l’armée.
Quelques semaines après la célébration du 10e anniversaire de la chute du mur de Berlin, en novembre 1999, autour d’Helmut Kohl, Mikhaïl Gorbatchev et Georges Bush, éclate le scandale des caisses noires (financement occulte) de la CDU, qui touche de nombreuses personnalités, dont l’ex-chancelier Helmut Kohl, président d’honneur du parti, et son successeur à la tête du mouvement, Wolfgang Schäuble, contraints tous deux de démissionner. Cette affaire déclenche une profonde crise de la droite allemande, forcée de se renouveler, et permet au SPD de remporter les élections de Rhénanie du Nord-Westphalie en mai 2000.
Si la situation économique s’avère bonne avec la hausse du PIB qui atteint 3,1 p. 100, soit le niveau le plus élevé depuis le « boom « économique ayant immédiatement suivi la réunification, en revanche le gouvernement doit faire face à plusieurs problèmes sur le plan politique. Les Verts, partenaires essentiels de la coalition gouvernementale, connaissent une série de revers électoraux dans des scrutins régionaux. L’apparition en décembre 2000 des premiers cas d’encéphalopathie spongiforme en Allemagne, alors que jusqu’alors plusieurs ministres avaient affirmé que le pays ne risquait rien, entraîne une crise au sein du gouvernement, accusé de n’avoir pas su gérer le dossier. Après la démission du ministre de l’Agriculture Karl-Heinz Funke, membre du SPD, et du ministre de la Santé Andrea Fischer, membre des Verts, en janvier 2001, la co-présidente des Verts, Renate Künast, se voit confier un ministère de l’Agriculture englobant l’alimentation et la protection des consommateurs. Il s’agit de privilégier une agriculture plus écologiste et moins productiviste. Enfin, la reprise des convois de déchets nucléaires vers la France, qui avaient été arrêtés depuis 1998, provoque une crise au sein des Verts. Au mois de novembre 2001, les députés allemands votent la motion de confiance présentée par le chancelier Gerhard Schröder. Elle est liée à l’approbation de la « mise à disposition « de 3 900 soldats allemands pour participer à l’opération « Liberté immuable « menée par les États-Unis en Afghanistan au lendemain des attentats perpétrés contre le World Trade Center et le Pentagone deux mois auparavant. Pour la première fois, la Bundeswehr s’apprête à participer à des opérations militaires en dehors de l’OTAN. Il s’agit pour les responsables politiques allemands d’une étape supplémentaire vers une souveraineté complète de l’Allemagne. Peu après, Gerhard Schröder est réélu à la présidence du Parti social-démocrate (SPD). Le 1er janvier 2002, l’introduction de l’euro constitue un succès en Allemagne comme dans les onze autres pays de l’Union européenne (UE) qui l’ont adopté comme monnaie unique.
Les élections législatives de septembre 2002 sont remportées par la coalition « rouge-verte « grâce au bon résultat des Verts. En effet, alors que le SPD et la CDU obtiennent le même pourcentage de voix (38,5 p. 100), les Verts réalisent le meilleur score de leur histoire (8,6 p. 100 des voix, soit 56 sièges), ce qui permet à Gerhard Schröder d’être reconduit à la chancellerie. Avec 7,4 p. 100 des voix (47 sièges), les libéraux du FDP sont les grands perdants de l’élection, passant de la 3e à la 4e place sur l’échiquier politique tandis que les néo-communistes du PDS n’obtiennent que 2 sièges contre 36 auparavant. Au même moment, de manière inédite, l’Allemagne ne s’aligne pas sur les États-Unis en refusant de participer à la guerre en Irak, ce qui tend à la rapprocher de la France qui soutient la même ligne diplomatique.
Confronté à une hausse du chômage, à une très faible croissance et à un fort déficit budgétaire (4 p. 100 en 2003), le gouvernement engage un vaste mouvement de réformes (l’Agenda 2010) qui touchent à la protection sociale, aux retraites, à la fiscalité, à l’emploi ou encore à l’enseignement. Elles suscitent des oppositions dans la population, de la part des syndicats et au sein de l’aile gauche du SPD. Cette situation incite Gerhard Schröder à démissionner de ses fonctions de président du SPD en février 2004 afin de se consacrer à ses fonctions gouvernementales. Au mois de mai, Horst Köhler, candidat de la CDU et du FDP, est élu à la présidence de la République. Il succède au social-démocrate Johannes Rau.
Les élections européennes de juin 2004 sont marquées par la défaite du SPD, en recul de 9 points (21,5 p. 100 des suffrages, 23 sièges sur 99), loin derrière la CDU (36,5 p. 100 des suffrages, 49 sièges), tandis que les Verts doublent presque leur score de 1999 (11,9 p. 100 des suffrages, 13 sièges). Le SPD fait les frais de la mauvaise situation économique qui prévaut toujours en Allemagne, alors que la population continue de se mobiliser contre les réformes sociales mises en œuvre par le gouvernement. Au mois d’octobre, le pays déplore le score du parti néonazi (NPD) qui obtient 9,2 p. 100 des suffrages (12 sièges) au Parlement de Saxe, dans l’Est de l’Allemagne, où se développent tout particulièrement les rancœurs nées de la réunification dans le contexte de la crise économique. En mai 2005, le Bundestag et le Bundesrat ratifient le traité établissant une Constitution pour l’Europe, mais son avenir est compromis à la suite des référendums organisés en France et aux Pays-Bas quelques jours plus tard, dont les résultats sont négatifs.
5.16.4La grande coalition CDU-SPD
À la suite de la défaite du SPD aux élections locales de mai 2005, Gerhard Schröder organise un vote de défiance au Parlement qui entraîne la convocation d’élections anticipées. Par ce pari jugé très risqué par de nombreux analystes, le chancelier espère obtenir une majorité claire de soutien à ses réformes. La CDU donnée largement gagnante en début de campagne voit son avance se réduire jusqu’au scrutin de septembre 2005 qui ne permet pas de dégager une majorité claire. La CDU obtient en effet 35,2 p. 100 des suffrages (226 sièges) et le SPD 34,2 p. 100 des suffrages (222 sièges). Avec 9,8 p. 100 des suffrages (61 sièges), le FDP obtient pour sa part l’un de ses meilleurs scores, mais celui-ci ne suffit pas pour former une majorité avec la CDU du fait de la contre-performance de cette dernière. Le Parti de gauche, regroupant le PDS et l’Alternative électorale pour le travail et la justice sociale (WASG), réussit sa percée en recueillant 8,7 p. 100 des suffrages (54 sièges), devant les Verts qui obtiennent 8,1 p. 100 des suffrages (51 sièges). Plusieurs semaines de négociations sont alors nécessaires pour aboutir à la formation d’une grande coalition entre la CDU et le SPD (la deuxième après celle mise en place entre 1966 et 1969), dirigée par Angela Merkel, la présidente de la CDU. Un programme de gouvernement organisé autour des mots d’ordre « assainir, réformer et investir « est adopté avec pour objectif de réintégrer les seuils exigés par le Pacte de stabilité et de relancer la croissance et l’emploi.
Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles