Aistulf
Publié le 16/05/2020
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Aistulfrégna de 749 à 756
Des souverains lombards qui s'étaient, en l'espace de cent soixante-dix-sept ans, succédé en Italie depuis la mort(572) d'Albouin (qui, le premier, avait entrepris sa conquête), Aistulf se révéla le plus acharné à étendre par lesarmes le regnum Langobardorum à la péninsule tout entière, arrachant aux empereurs de Byzance les derniersterritoires qui leur appartenaient encore.
Devenu en 744 duc de Frioul à la place de son frère Ratchis, Aistulf repritla guerre de conquête dès qu'il fut à son tour, en juillet 749, monté sur le trône occupé par son frère.
Pour conquérirles territoires de Comacchio et de Ferrare, et pour étendre l'occupation lombarde en Istrie, Aistulf dut livrer bataille.Mais il ne semble pas qu'il ait eu à se battre pour assujettir la partie de la Pentapole qui restait encore à l'Empire ausud de l'Esino, avec Ancône, Numana et Osimo.
L'événement le plus marquant de la campagne menée au-delà desfrontières émiliennes du regnum Langobardorum fut, dès 749, je crois, ou le début de 750, la prise sans coup férir deRavenne, capitale de l'exarchat d'Italie, et la reddition d'Eutychius qui y gouvernait depuis environ vingt ans et fut ledernier des exarques impériaux d'Italie qui s'étaient succédé à Ravenne depuis l'institution de cette charge vers l'an584.
La possession du palatium de Ravenne était, depuis le Ve siècle, le symbole de la possession légitime du pouvoirsouverain sur l'Italie.
C'est au palais de Ravenne (Ravennæ in palatio), qu'Aistulf publia le 4 juillet 751 le diplômeconfirmant à Farfa quatre concessions précédemment consenties à l'illustre abbaye par le dernier des ducs deSpolète de l'époque, Lupo (Lupone).
En homme de son temps, le roi vit dans le fait de s'être rendu maître de cepalatium le signe que Dieu lui-même entendait lui confier le gouvernement légitime de toutes les populations d'origineromaine, gouvernement jusqu'alors exercé par le plus haut représentant de l'empereur dans la péninsule italienne.Cette idée se manifeste dans la célèbre phrase, lourde de signification, qui figure dans le prologue des loispromulguées par le roi en adjonction au corps de l'Édit lombard, au cours de l'assemblée générale du royaume tenueà Pavie le 1er mars 750 : Modo auxiliante lomino nostro Iesu Christo Aistolfus, in ipsius nomine rex gentisLangobardorum, traditum nobis a Domino populum romanum, anno regiminis primo.
Les victoires remportées par Aistulf et la prise de Ravenne elle-même n'eurent pas, toutefois, de suite immédiate.
Enhomme de guerre expérimenté, le roi avait décelé au cours de cette campagne certaines carences qui affaiblissaientgravement les dispositions prises par les Lombards en fait de chevaux, d'armes et d'équipement ; il s'était en outreaperçu que, dans son armée, nombreux étaient ceux qui n'avaient pas cru devoir se les procurer selon que le leurpermettaient leurs moyens et leur situation sociale.
C'est en vue de remédier à cet état de choses que furentrédigés les chapitres II et III des lois promulguées le 1er mars 750, chapitres communément dénommés, de manièreassez impropre, “ Lois militaires ”.
C'est précisément en fonction de la catégorie sociale des individus qu'Aistulf précisa le “ dosage ” des obligationsmilitaires.
Propriétaires de biens immobiliers possédant plus de sept casae massarine : chevaux, armes etéquipement complet en quantité proportionnelle au nombre des casae ; pour au moins sept casae : chevaux, armes,cuirasse et équipement personnels, ainsi que d'autres chevaux ; pour des terres d'une surface globale d'au moinsquarante jugera, mais sans casae : cheval, lance et bouclier personnels ; propriétaires de terres d'une surfaceglobale inférieure à quarante jugera en mesure de faire l'acquisition d'un bouclier : arc, carquois et flèches, à seprocurer au lieu du bouclier.
A cette dernière catégorie (minores homines) étaient assimilés les minores ne possédantpas de terres et qui étaient assujettis aux mêmes obligations.
Quant aux commerçants non propriétaires de biensimmobiliers, ils étaient répartis en catégories similaires.
Pour les plus riches d'entre eux : cheval, cuirasse et bouclierpersonnels, ainsi que d'autres chevaux ; pour les riches : cheval, lance et bouclier personnels, autres chevaux ;pour les moins riches (minores) : arc, carquois et flèches.
L'importance historique de ces réglementations tient avant tout aux constatations que l'on peut en tirer en dehorsmême du domaine militaire proprement dit.
Jusqu'alors, pour porter les armes, il fallait, selon la tradition germanique,satisfaire à une condition ethnico-juridique essentielle : être un homme libre appartenant à la gens Langobardorum ;désormais, les nouvelles conditions requises — de nature Strictement économique et sociale — n'établissaient plusaucune distinction entre hommes libres lombards et non lombards.
L'obligation de posséder au moins un arc, desflèches et un carquois subordonnée à la possibilité financière de se procurer un bouclier impliquait en fait, sur le planpratique, que les hommes libres les plus défavorisés par la fortune étaient dégagés de l'obligation de faire l'achatd'une arme, quelle qu'elle fût.
L'ensemble de ces réglementations prouve qu'Aistulf avait su évaluer avec réalismeune situation désormais irréversible qu'il convenait de traduire, sans plus hésiter, en termes juridiques.
A l'intérieur du royaume, Aistulf renforça également sa position sur le trône en ce qui concernait les deux principauxduchés périphériques de Spolète et de Bénévent.
A Bénévent, la mort, en 751 ou 752, du duc Gisulf II, qui laissait un fils mineur, Liutprand, sous la régence de samère Scauniperga, permit au roi lombard d'affirmer son autorité sur le duché.
A Spolète, il n'y eut plus de ducs aprèsLupo (Lupone), dont on perd la trace après 751 ; Si bien que le gouvernement du pays demeura aux mains desintendants qui représentaient les organes exécutifs du pouvoir souverain.
Ses positions ainsi assurées, Aistulf formaalors le projet de conquérir le duché de Rome et Rome elle-même.
N'ayant plus à redouter, depuis la prise deRavenne, qu'un exarque byzantin vînt l'attaquer sur son flanc et ses arrières, il comptait déployer ses forces aunord, au sud et à l'est du duché afin de l'encercler.
Mais le pape Étienne II devait faire échouer ses plans..
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