ACTE I, scène 1: Commentaire - Dom Juan de Molière
Publié le 23/01/2021
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Sganarelle est emporté par son discours. Il a un bagout incontestable, dont il mesure les effets sur Gusman : « Tu demeures surpris et changes de couleur à ce discours. » C'est que sa verve, même si elle ne s'appuie pas sur des idées originales et des expressions de bon goût, a un dynamisme allègre et entraînant. Il affectionne les accumulations boursouflées qu'il ne peut prononcer sans risquer d'étouffer, mais qui frappent comiquement l'imagination par leur caractère hétéroclite. Don Juan est « un enragé, un chien, un diable, un Turc, un hérétique, qui ne croit ni Ciel, ni enfer, ni loup-garou, qui passe cette vie en véritable bête brute, un pourceau d'Epicure, un vrai Sarda-napale ». Il aime les hyperboles [figure de style qui consiste à exagérer sa pensée pour la rendre plus saisissante], qui donnent à sa vie un caractère plus dramatique : « il me vaudrait bien mieux d'être au diable que d'être à lui » (1. 31-32).
«
ACTE
I, scène 1[« Un
grand seigneur méchant homme »]1
SGANARELLE / Je n'ai pas grande peine à le compren
dre, moi ; et si tu connaissais le pèlerin, tu trouve
rais la chose assez facile pour lui.
Je ne dis pas qu'il
ait changé de sentiments pour Done Elvire, je n'en
5 ai point de certitude encore : tu sais que, par son
ordre, je partis avant lui, et depuis son arrivée il ne
m'a point entretenu ; mais, par précaution, je
t'apprends, inter nos, que tu vois en Don Juan, mon
maître, le plus grand scélérat que la �#Q# ait jamais
1 O porté, un enragé, un chien, un diable, un Turc, un
hérétique, qui ne croit ni Ciel, ni enfer, ni loup
garou, qui passe cette vie en véritable bête brute,
un pourceau d'Epicure, un vrai Sardanapale, qui
ferme l'oreille à toutes les remontrances qu'on lui
1 5 peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous
croyons.
Tu me dis qu'il a épousé ta maîtresse :
crois qu'il aurait plus fait pour sa passion, et
qu'avec elle il aurait encore épousé toi, son chien
et son chat.
Un mariage ne lui coûte rien à•contrac-
2 Oter ; il ne se sert point d'autres pièges pour attra
per les belles , et c'est un épouseur à toutes mains.
Dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne
trouve rien de trop chaud ni de trop froid pour lui ;
et si je te disais le nom de toutes celles qu'il a épou-
2 5 sées en divers lieux, ce serait un chapitre à durer
jusques au soir.
Tu demeures surpris et changes de
couleur à ce discours ; ce n'est là qu'une ébauche
du personnage, et, pour en achever le portrait, il
faudrait bien d'autres coups de pinceau.
Suffit qu'il
3 O faut que le courroux du Ciel l'accable quelque jour,
qu'il me vaudrait bien mieux d'être au diable que
d'être à lui, et qu'il me fait voir tant d'horreurs, que
1.
Ces intertitres entre crochets ne sont pas de Molière ; ils donnent l'idée d'ensemble du texte..
»
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