A celle qui est trop gaie, LES FLEURS DU MAL
Publié le 19/12/2021
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«
Ce
poème fait partie des pièces censurées des Fleurs du Mal ,qui
ont valu a Baudelaire son procès .
Le poète joue en effet dans ces
pièces avec le non-dit, les insinuations, et les codes sociaux en
vigueur a l'époque, qui définissent ce qui est bienséant.
Il peut être intéressant de regarder dans ce poème comment
s'articulent, d'une part, l'acceptation des codes de la bienséance et
des codes de la poésie classique ; et d´autre part, le jeu subversif
du poète avec ces codes, jeu qui lui a valu la censure.
I) la tradition de la poésie amoureuse...
-forme classique : succession régulière de quatrains d'octosyllabes
a rimes embrassées ; pointe finale qui rappelle celle d'un sonnet ; rythme régulier, pas de césures ni d'enjambements.
- tradition de l'éloge de la femme aimée : comparaisons entre la femme et la nature ;
multiplication de qualificatifs positifs ( beau, frais, clair) ; utilisation du motif classique
des fleurs pour suggérer le charme féminin
-le vers 16 reprend la figure du paradoxe, traditionnelle dans la poésie amoureuse (voir
les sonnets de Louise Labé, « Je vis je meurs ») : l'amour est mêle de haine, il éveille
pour celui qui l'éprouve a la fois plaisir (§2) et douleur (« Folle dont je suis affole »)
-figure du poète de l'amour courtois (« l'esprit des poètes ») ébloui par la femme
II) ...
rendue subversive et démoniaque
-la femme est à la fois glorifiée et réifiée, rabaissée : le poète la tutoie, il quitte le
domaine élève des sentiments pour rentrer dans le concret et le prosaïque (sein, flanc,
lèvres) en faisant allusion a l'acte amoureux, dans lequel il domine : il la châtie, la
meurtrit, la blesse, l'empoisonne .
La dureté est rendue dans des allitérations en CH ou F
par exemple a la §8.
-ironie par rapport a la tradition de l'éloge amoureux : pluriel dénigrant des « poètes »
louangeurs ; le poète utilise des expressions imagées figurant la douleur amoureuse (la
blessure au flanc, au sein) mais il les reprend littéralement, pour leur donner un sens
plus provocant .
De plus, l'acte amoureux est mêlé a l'idée d'inceste (« ma soeur »)
rendu plus frappant par la collocation venin/soeur.
-le poète prend l'image du démon : il est tente par l'idée de détruire la Nature (oeuvre de
Dieu) dont la beauté l'insupporte ; il a la figure auto-dénigrante du « lâche « mais aussi
le pouvoir quasi divin de châtier.
Le mot « venin » pour designer le sperme suggère le
serpent, symbole du Diable.
III) la définition d´une nouvelle esthétique
-une nouvelle esthétique qui fait primer les rapprochements inattendus (rire et vent frais,
idee que le rire « joue ») dans une perspective qui semble presque préfigurer le
surréalisme.
Le poète glorifie aussi l'artificiel : les fleurs ne servent pas de point de
comparaison pour le teint de la femme (ce qui est assez classique) mais pour ses robes,
ses parures.
-une nouvelle définition de la beauté : ce qui est classiquement admis comme beau, et
dont il parle au début du poème, laisse ensuite la place a une beauté plus intense « plus
belles », mais anti-conventionnelle et crue (elle s'applique au sexe féminin) .
Parallèlement la beauté des paysages, des robes bariolées est définie dans le titre
comme un excès, presque une faute méritant le châtiment : « trop gaie »
Le poète joue habilement et avec ironie avec un cadre classique qui est celui de l'éloge a
la femme aimée : il reprend des motifs connus mais les détourne rapidement de manière
subversive, et affirme ainsi sa modernité en définissant une esthétique qui inspirera les
mouvements ultérieurs comme le surréalisme..
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