PASSION / PASSIONNÉ
PASSION, n.f. (lat. passio, dérivé de patior [«passif»] ; correspond au gr. pathos, qui donnera «pathologique»). ♦ 1° L'une des dix catégories d'Aristote, celle qui consiste à subir une action. Descartes la définissait ainsi : «Tout ce qui se fait ou arrive de nouveau est généralement appelé par les philosophes une passion au regard du sujet auquel il arrive, et une action au regard de celui qui fait qu’il arrive ; en sorte que, bien que l'agent et le patient soient souvent fort différents, l’action et la passion ne laissent pas d'être toujours une même chose qui a ces deux noms, à raison des deux divers sujets auxquels on peut la rapporter» (les Passions de l'âme, I, 1). ♦ 2° Au XVIIe siècle, passion de l'âme désigne un état passif de l’âme : «La passion est un mouvement de l'âme qui, touchée du plaisir ou de la douleur ressentie ou imaginée dans un objet, le poursuit ou s’en éloigne. Si j’ai faim, je cherche avec passion la nourriture nécessaire ; si je suis brûlé par le feu, j’ai une forte passion de m’en éloigner» (BOSSUET). ♦ 3° Chez Kant, la passion est une tendance qui domine la vie de l'esprit (elle a, dit Kant, quelque chose de pathologique) ; cette tendance unifie autour d’elle des idées, des images, des émotions, et possède un caractère durable (la passion s'oppose ainsi à l’émotion, qui est de courte durée : «L’émotion agit comme une eau qui rompt la digue ; la passion comme un courant qui creuse toujours plus profondément son lit», Anthropologie, 74). ♦ 4° Les romantiques, et déjà Hegel, tiennent la passion pour une force : «Rien de grand ne se fait, n’a jamais été accompli, ni ne pourrait s'accomplir sans les passions ; c'est une moralité morte, et même hypocrite, que celle qui s’élève contre la passion, du seul fait qu’elle est une passion.» — En résumé, le terme «passion» implique deux grandes significations opposées : passivité (Aristote et les classiques), violence affective tenue pour une puissance (les romantiques).
PASSIONNÉ, adj. ♦ 1° Sens courant. Animé par une passion envers une personne (l'amour-passion), une œuvre (passion réalisatrice), une activité (la passion du sport). L’être passionné est enthousiaste, dévoué à ce qui le passionne, et même parfois fanatique. ♦ 2° Caractérologie. On appelle passionné le caractère ardent, systématique et réalisateur. Les facteurs de son caractère sont une émotivité forte, la facilité à agir («activité») et une faculté organisatrice systématique, concentrée. C’est pourquoi Gaston Berger a pu écrire que «le passionné est l'homme de la volonté».
passion
Parti pris affectif pour une personne, une idée ou une chose, la passion se distingue des autres sentiments par sa violence, son intensité, son exclusivité.
Commentaire Au sens premier, la passion (du latin passio) est une souffrance de tout l'être. Ainsi, le XVIIe siècle a insisté sur le caractère passif des êtres passionnés, dont le sentiment domine la vie. L'être n'est pas libre d'accepter ou de repousser ses passions ; il est condamné à les supporter, à endurer leur emprise. Et, s'il lutte contre la passion dévorante et implacable, au nom de la froide raison, il gagne rarement. Le XVIIIe puis le XIXe siècle tenteront de réhabiliter la passion. Si elle fait souffrir, elle est aussi source vive d'émotions et de créations : la passion amoureuse est romanesque par essence.
Citations Les poésies dramatiques, en mettant sous nos yeux les égarements où les passions nous conduisent, nous en font connaître les symptômes et la nature, plus sensiblement qu’un livre ne saurait le faire. Voilà pourquoi l’on a dit dans tous les temps que la tragédie purgeait les passions. (Abbé Dubos, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1re partie.) Le miracle du classicisme est précisément d’avoir uni deux tendances aussi éloignées l’une de l’autre [...]. La première tendance est celle qui exige des règles, de la vraisemblance, de l’ordre logique, des raffinements de style, tout ce qu’apportent les écrivains professionnels et les théoriciens ; la seconde, c’est la vie, la violence, la luxuriance, la passion, et aussi le contact avec la réalité et la société, l’« art de plaire », sans lequel le classicisme n’est qu’une forme vide. (Jacques Schérer, la Dramaturgie classique en France.) La passion est chose naturelle, trop naturelle même, pour ne pas introduire un ton blessant, discordant, dans le domaine de la Beauté pure. (Charles Baudelaire, « Théophile Gautier », 1857, in l'Art romantique.) Il importe que les passions se dessinent sur la chaîne du temps. On pourrait dire que les passions sont la matière, et le temps la forme, de toute tragédie. (Alain, Système des beaux-arts : Du tragique à la fatalité.)
PASSION
Au sens primitif, l’une des dix catégories d’Aristote, qui désigne le fait de subir l’action d’un agent extérieur. Au XVIIe siècle, les « passions de l’âme » rassemblent tous les états où l’âme connaît des modifications - déterminées selon les cartésiens par les « esprits animaux » (plaisir, douleur, etc.) : bonnes dans la mesure où elles disposent l’âme à vouloir ce qui lui est bon, elles ne peuvent devenir mauvaises que si on les suit avec excès.
♦ La condamnation de la passion, d’origine chrétienne (les moralistes grecs veulent plutôt en mesurer les effets que les supprimer), est particulièrement nette chez Kant qui y voit une victoire du pur sensible sur le rationnel. À l’opposé, le romantisme, à travers sa diversité, va l’exalter durablement : c’est le mobile de l’activité pour Fourier, la volonté de puissance de Nietzsche, ou, avant eux, la « ruse de la raison » pour Hegel.
Du point de vue psychologique, on distingue la passion de la simple émotion par sa durée, son amplitude et sa capacité à dominer la vie intellectuelle au point d’être perçue comme un élément de la destinée.
passion, état affectif intense, stable et durable, orienté vers un objet exclusif et susceptible de transformer le monde tel qu’il nous apparaît. L’amour, la haine, le goût du pouvoir, l’ambition, l’avarice sont des passions capables d’ordonner toutes nos conduites. Tant que l’on garde une maîtrise suffisante de soi, la passion peut être féconde mais trop souvent elle atteint une intensité pathologique qui conduit à des réactions anormales (crime du jaloux, misère de l’avare, etc.), parfois à la folie. Les sources profondes de la passion sont presque toujours inconscientes et instinctuelles.
passionné, personne qui est sous l’emprise d’une inclination intense, permanente et pouvant devenir exclusive, ou qui se donne tout entière à une activité. Dans la classification de l’école franco-hollandaise de caractérologie, le type passionné se caractérise par l’émotivité (E), l’activité (A) et la secondarité (S) des impressions.
PASSION, n.f. (du latinpassio, «action de supporter; souffrance physique ou morale»).
1° Sens ancien : souffrance. C’est dans ce sens que l’on parle de la Passion du Christ (on dit absolument La Passion), rapportée par les Évangiles : il s’agit là de la souffrance assumée par le Christ pour sauver les hommes, et non pas du sentiment d’amour qui l’animait envers eux. Plus généralement, les passions représentent ce que l’âme subit (malgré elle), ce qui est considéré comme négatif parce que passif. Descartes écrit ainsi un Traité des Passions de l’âme.
2° À partir du XVIe siècle (souvent au pluriel) : ensemble d’états affectifs puissants qui bouleversent ou dominent la vie intérieure de l’individu. Les passions vont englober les désirs, les émotions, les sentiments. Le sens du mot est encore passif : on subit malgré soi les impulsions soudaines qui ébranlent l’âme (la passion amoureuse, dans le théâtre de Racine, a souvent quelque chose de fatal). Mais l’accent se déplace : la passion fait agir, même si c’est dans la violence et le désordre; elle meut les hommes. La grande opposition que mettent en valeur les moralistes est celle de la passion et de la raison : la première est injuste, aveugle; l’autre, sereine.
3° L’amour-passion : la passion manifeste surtout les contradictions précédentes lorsque l’amour s’empare de toute la vie psychique d’un être (passivité/activité ; force aveugle / raison impuissante; caractère obsessionnel que le sujet ne peut maîtriser). Dans ce sens, le mot passion peut désigner l’objet aimé lui-même : elle a été la grande passion de sa vie.
4° À partir du XIXe siècle : puissance intérieure qui anime, qui fait réaliser de grandes œuvres (artistiques, politiques, sociales). Le fait d’être passionné par quelque chose prend un sens positif. L’œuvre d’art est chargée de traduire l’émotion, la passion, la sensibilité de l’être humain. Le métier qu’on exerce n’est vraiment bien accompli que si l’on a la passion de ce qu’on fait.
5° De nos jours, selon les contextes, le mot passion conserve les sens 2, 3 et 4. Il est généralement péjoratif au pluriel (contre les «passions politiques», il faut «dépassionner le débat»), et plutôt positif au singulier (c’est ma «passion» qui donne un sens à mon existence).
PASSION (n. f.) 1. — L’une des dix catégories d’Aristote ; désigne l’effet qu’a l’action de l’agent sur le sujet qui la subit : « Tout ce qui se fait [...] est généralement appelé [...] une passion au regard du sujet auquel il arrive, et une action au regard de celui qui fait qu’il arrive » (Descartes) ; adj. passif. 2. — Par ext., pour les cartésiens, tous les phénomènes qui sont causés en l’âme par l’action du corps, et plus part. « les perceptions ou les sentiments, ou les émotions de l’âme, qu’on rapporte à elle, et qui sont causées, entretenues et fortifiées par quelque mouvement des esprits » (Descartes). 3. — (Morale) Sentiment irrationnel et souv. démesuré que le sujet éprouve sans pouvoir s’y soustraire et qui peut le pousser à agir en dehors ou en dépit des prescriptions morales ; pour les class., souv. péj, mais cette connotation change en son contraire avec le romantisme ; adj. passionnel. 4. — (Sens vulg.) Tendance durable et capable de dominer la vie psychique et les actes de l’individu. 5. — Syn. souffrance, épreuve difficile : la passion du Christ.
Passion
Du latin passio, « souffrance » (de pati, « souffrir », « subir », « supporter »). - Sens premier : souffrance (exemple : la Passion du Christ). - Par opposition à action : ce que l'âme subit, ce qu’elle reçoit passivement. - Sens moderne : inclination irrésistible et exclusive qui finit par dominer la volonté et la raison du sujet (exemple : la passion du jeu). • Une longue tradition philosophique, qui commence avec Platon, condamne la passion, accusée d'enchaîner l’âme aux pulsions du corps et d’entraver le libre exercice de la raison. • Pour Descartes cependant, les passions (définies comme les émotions causées dans l'âme par l'action du corps) ne sont pas mauvaises par nature ; elles ne le deviennent que si l'on est incapable de les maîtriser. • Hegel interprète les multiples passions individuelles comme les instruments dont se sert l'Esprit du monde (ou l'Histoire) pour se réaliser : « Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion ».