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PAIX

PAIX. n.f. On confond souvent la paix avec la trêve qui s'étend entre deux guerres, et pendant laquelle on prépare le prochain conflit (Si tu veux la paix, prépare la guerre). Littré exposait la nature de la paix civile en disant qu'elle consiste en rapports réguliers, calmes, sans violence entre Etats, dans un Etat, dans un groupe social ; il juxtaposait à ce sens celui qui exprime l'état d'une âme qui vit selon la justice. En remontant un peu plus haut, on trouve le Projet de paix perpétuelle de Kant, puis celui de l'abbé de Saint-Pierre (repris par Rousseau), et qui soulignent la nécessité de la justice. Or Aristote (Politique, VIII, 3) fondait sur une condition divine l’excellence paisible d'une vie de justice chez l'homme considéré individuellement et dans les sociétés politiques. Cette paix supra-mondaine, d'un ordre supérieur à toute trêve, c’est celle que révèle l’Évangile : «Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix», disait le Christ la veille de sa mort, «je ne vous la donne pas comme le monde la donne...» (Jean 14, 27-28).

PAIX

Une définition purement négative de la notion, comme simple absence de guerre, paraît insuffisante, ainsi que le remarque Spinoza. Loin d’être le résultat de la soumission ou de l’apathie générale, la paix véritable suppose positivement la concorde entre les hommes par l’accord des cœurs et des esprits.

paix, état de concorde, d'accord entre les membres d'un groupe, d'une famille, et en particulier entre les nations. — La paix avec autrui ne peut résulter, selon Platon, que de la paix intérieure, c'est-à-dire de l'absence d'impulsions violentes, de tendances agressives dans un individu ou dans une nation. Cette paix intérieure ne peut elle-même résulter, toujours selon Platon, que de l'équilibre entre les trois composantes de l'individu que sont les désirs biologiques, le cœur (ou le courage) et l'esprit (ou la raison). Ces trois composantes correspondent, au niveau de la nation, à l'économie (qui satisfait les besoins vitaux), à l'armée (qui incarne le courage et les vertus viriles) et au pouvoir politique (qui est le principe des décisions rationnelles). Si l'équilibre intérieur est rompu soit par la misère, soit par une armée trop faible ou trop forte, soit du fait d'un pouvoir politique coupé de la nation, alors la guerre avec l'extérieur est bien près d'éclater; dans le premier cas (celui de la misère), c'est la « faim » qui poussera les individus d'une nation à envahir un autre pays pour lui prendre ses biens; dans le second cas, la domination de l'élément agressif à l'intérieur d'une nation suscitera rapidement l'expansionnisme à l'extérieur (tel le national-socialisme en Allemagne de 1936 à la Seconde Guerre mondiale); enfin un pouvoir politique désincarné et séparé du corps de la nation provoquera un affaiblissement national, appelant finalement l'intervention étrangère : une nation forte et équilibrée qui possède la paix à l'intérieur, la possède naturellement aussi à l'extérieur. Bref, l'état de paix est d'abord une disposition intérieure, accessoirement une forme de relation avec autrui. Le problème d'une paix perpétuelle entre les hommes — non pas au sens d'un idéal utopique, mais d'un objectif précis d'action politique — a excité l'esprit des philosophes. Quelles sont les conditions politiques de la paix dans le monde? C'est à ce problème que répond l'ouvrage de Kant intitulé Projet de paix perpétuelle (1795) : l'état de paix ne saurait vraiment s'instaurer, selon Kant, que lorsqu'il existera une constitution politique à peu près parfaite, réglant impérativement non seulement les relations des individus dans un Etat, mais les relations des Etats entre eux. Une telle union juridique des hommes ferait de chacun un « citoyen du monde ». Les chefs d'Etat devraient donc avoir pour but, selon Kant, non seulement le bien de leur pays, mais celui du monde entier. A ce projet de Kant a répondu aujourd'hui, sur le plan juridique, la constitution de l'O.N.U., qui tend même à se substituer, lors des différends internationaux, à la Cour internationale de justice de La Haye. Sur le plan des faits, l'aide aux pays sous-développés, pratiquée au premier chef par la France, vise à aider les pays ravagés par la faim et à instituer des liens amicaux avec le plus grand nombre d'entre eux; car l'union politique des Etats ne peut se réaliser que sur la base d'une union économique liant charnellement les Etats les uns aux autres. Une constitution politique mondiale, dotée d'un pouvoir efficace et d'une réalité matérielle (et non d'une simple réalité formelle et idéale comme la charte des Nations unies), ne peut que couronner une union économique entre les grands ensembles continentaux qui constituent le monde. De nos jours, le projet de paix perpétuelle, sans être absolument d'actualité, paraît pouvoir l'être réellement un jour. Le problème de la paix n'est pas un problème militaire (le problème strictement militaire du désarmement semble tout à fait insoluble); il ne pourra devenir un problème politique qu'au moment où les relations économiques, culturelles et humaines auront tissé entre les nations ou les groupes des nations « ennemies » un lien tel que l'union politique résultera d'elle-même. La guerre ne sera inconcevable que lorsque tous les hommes du monde dépendront économiquement les uns des autres.

 

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