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Nature - Schelling

Nature

• Ne désigne pas l’ensemble des êtres, mais leur fondement ou soubassement à eux tous, Dieu compris. Ou encore : l’identité du subjectif et de l’objectif (S = O), avec prépondérance de l’objectif.

•• Terme assez difficile à fixer de manière univoque en raison de sa polysémie au sein d’une « philosophie en devenir ». La Nature demande à être pensée non seulement comme objet, notamment des sciences de la nature, mais surtout comme un Moi, un sujet déployant son activité, une natura naturans, une libre productivité, voire une poétique qui la fait apparaître comme « le premier poème issu de l’imagination divine ». Il appartient en effet constitutivement à la Nature d’être une sorte de Protée, riche de ses propres métamorphoses, mais d’autant plus insaisissable, comme le tourbillon d’eau (cette « flamme humide » dont parlait Novalis, et par là du spirituel rentré) toujours sur le point de se défaire en se faisant. Proto-révélation de l’Absolu, la Nature se dit au passé, comme passé ancestral, immémorial de l’homme, et à vrai dire elle aurait pu ne pas être : c’est en ce sens une erreur, ira jusqu’à dire Schelling, ou encore une métaphore. Mais s’il y a une philosophie de la Nature, c’est parce qu’il y a une nature de la philosophie, parce que le philosophe a une nature à exorciser. La Naturphilosophie ne consiste pas à suivre le chemin entrepris par Fichte dans la constitution du système d’un idéalisme transcendantal, à savoir de l’esprit à la nature, mais à frayer, à l’inverse, le chemin de la nature à l’esprit.

••• Tributaire à certains égards de l’état des sciences naturelles de son temps, la Naturphilosophie de Schelling n’est pourtant en rien périmée eu égard au projet spéculatif, transcendantal qui l’anime. Deux thèses fondamentales s’en dégagent : 1) philosopher sur la nature, c’est créer la nature, autrement dit réaccomplir en soi le mouvement par lequel elle advient comme nature hors de nous, et 2) une philosophie de la Nature achevée serait celle où la Nature se résorberait en intelligence. À l’exception de Kant, auquel il reconnaît un grand amour de la nature, Schelling ne voit dans les systèmes modernes qu'Unnatur, ou absence criante de nature. La nature évanouie ou ratatinée chez Fichte lui semble tout aussi peu recevable que l’agonie du concept chez Hegel, dont l’Encyclopédie définit la nature comme « l’idée sous la forme de l’être autre ». Mais c’est surtout le mécanisme et le dualisme cartésiens — celui-ci étant le véritable péché originel de la philosophie moderne — qui constitue la cible de ses attaques, dans le divorce qu’il institue entre nature et esprit, réduisant celle-là à l’étendue de la res extensa. La Nature est pour nous un auteur très ancien, qui a écrit en hiéroglyphes, et dont les pages sont colossales, selon des images gœthéennes. Elle est « esprit visible », temple insoupçonné en même temps que cathédrale engloutie, cauchemar métaphysique, ou encore jeune fille somptueusement parée à qui l’homme a fait faux bond le jour de ses noces, lui qui devait en être le « remueur magique », mais, au lieu d’en être le lien, l’a comme court-circuitée.

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