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NATIONALISME

NATIONALISME, n.m. Attachement préférentiel à la nation à laquelle on appartient, celle-ci étant conçue comme personne morale. Quand le nationalisme se systématise et devient un principe d'action, il peut s'exalter et dégénérer en une idéologie qui développe des sentiments exclusifs, xénophobes et agressifs.
NATION, NATIONALISME
♦ La nation est la version moderne de la communauté politique ; elle prend ainsi le relais de la cité antique, mais son ampleur pose de tout autres problèmes. Considérée depuis la révolution comme le « cadre naturel de la communauté politique » (H. Lefebvre), elle détient le principe de la souveraineté dans la mesure où elle est identifiée au peuple, soit à l’ensemble des citoyens qui la constituent. Ce qui lie ces derniers est d’ordre objectif (territoire, indépendance économique, communauté de langue). Mais, à insister sur de tels critères, on conçoit la nation comme s’imposant à ses membres; on peut au contraire souligner que l’unité nationale est fondée par la volonté de vivre ensemble (Renan) ou l’adhésion des citoyens à des valeurs partagées ; on constate ainsi qu’il existe aussi, pour fonder une nation, des éléments plus subjectifs (traditions et histoire commune, conscience et volonté d’un même destin politique). D’un point de vue logique, la nation est prioritaire sur l’État, dont elle constitue le « berceau ». Historiquement, la relation peut s’inverser, comme on le constate dans de nombreux États du tiers monde qui, héritant de frontières arbitraires issues de la colonisation, doivent dépasser les rivalités ethniques pour constituer tardivement un sentiment national.
♦ La seule exaltation de ce dernier fait de la nation un absolu et alimente le nationalisme, véritable idéologie qui engendre la xénophobie ou le racisme, et oublie que, si la nation rassemble ses membres autour d’un intérêt commun, c’est aussi par opposition à l’intérêt d’autres nations. La tradition du cosmopolitisme, depuis les stoïciens, cherche à dépasser les éventuels affrontements nationaux pour instaurer la plus large communauté possible : celle de l’humanité dans son ensemble.
NATIONALISME
Comme phénomène politique moderne très général, le nationalisme correspond à la volonté de fonder ou de renforcer une conscience nationale et un État-nation. On le distingue cependant du sentiment national parce qu’il entraîne des comportements individuels et collectifs de nature politique et idéologique souvent volontaristes. Comme tel, son emploi peut être laudatif, neutre ou péjoratif. En un sens plus précis, on l’utilise pour identifier des courants idéologiques (nationalisme français, anglais ou allemand). Enfin, comme idéologie moderne à prétention totalisante, il possède des traits distinctifs : crainte du déclin national, hantise de l’ennemi suprême, mobilisation de masse et usage de la propagande. Ses formes extrêmes sont liées au racisme.
Nation et nationalisme.
D’abord il faut noter la différence de nature et de densité axiomatique entre la nation et le nationalisme. Tous les nationalismes se réclament de la nation, mais le critère unique de cette dernière fait défaut. Le nationalisme est plus facile à définir et à connaître que la nation. De même que nous savons mieux ce qu’est une religion qu’un dieu, nous voyons plus clairement les traits communs des nationalismes que la forme universelle de la nation. Le nationalisme est une idéologie qui comporte fréquemment certains caractères des gnoses et des religions. C’est avant tout un instrument de légitimation et de mobilisation politique, mais il apporte aussi des éléments de salut personnel et collectif. Par certains aspects, il touche au sacré, au contraire du libéralisme.
Ensuite, il faut éviter deux tentations simplificatrices. La première serait de ne garder comme référence que le nationalisme et de considérer que la nation est impossible à connaître. Cette tendance, très répandue dans les pays de langue anglaise, en mettant tous les nationalismes sur un plan égal (en tant que souveraineté politique exercée au nom d’une culture nationale), ne parvient plus à expliquer les formes extrêmes du nationalisme, pourtant capitales dans l’histoire idéologique du xxe siècle. Ernest Gellner (1925-1995) le reconnaît à propos du fascisme et du nazisme. Son modèle théorique n’explique pas leur virulence.
La seconde tentation à éviter consiste à sacrifier le nationalisme à la nation, pour trouver la bonne définition de la nation en ne considérant les nationalismes que comme des variantes pathologiques qui s’en écartent. C’est par exemple la tendance habituelle en France, où la tradition républicaine est la référence, tandis que le nationalisme ne serait qu’un excès de fureur qui inverserait le rôle bénéfique de la nation en rôle diabolique, que ce soit à l’intérieur (nationalisme français) ou à l’extérieur (germanisme, fascisme ou nazisme).
Une contrepartie de l’expansion libérale ?
Dans son appel à la mobilisation, le nationalisme se fonde sur une menace : ennemi idéologique, monde en décadence, oppression insupportable, ou besoin d’appartenance qu’il est urgent d’exprimer parce qu’il est bafoué. Beaucoup de politiques, que l’on qualifiera, pour simplifier, de nationalistes, ont été essentiellement menées contre quelque chose : contre la suprématie de l’Église en Europe, contre l’Ancien Régime, contre l’idée d’empire, contre l’impérialisme colonial, contre le communisme internationaliste, contre l’Occident modernisateur, contre le libéralisme planétaire. Ce fondement oppositionnel éclaire en partie, dans les nationalismes extrêmes, la tendance à se croire persécuté, à surestimer son malheur et à persécuter en retour. Aucun nationalisme ne se réduit cependant à ce mouvement de réaction. Le nationalisme se prête à trop d’expériences différentes pour être érigé en famille idéologique à part entière. Il n’est pas l’équivalent du libéralisme ou du socialisme dans l’histoire des idéologies. Il s’hybride avec d’autres ensembles idéologiques.
Le nationalisme peut être confondu mais ne se confond pas avec le patriotisme. Si l’on peut distinguer le nationalisme dans le pétainisme et l’opposer à son manque de patriotisme, c’est bien parce qu’il allait, pour des raisons idéologiques (traditionnalisme, revanche contre la gauche, antisémitisme), jusqu’à renier le patriotisme en collaborant avec le pays vainqueur. Le cas inverse est celui où la composante patriotique l’emporte sur la composante nationaliste : l’Angleterre de Winston Churchill résiste à l’Allemagne de Hitler à la fois dans son propre intérêt étatique et au nom d’idéaux qui la dépassent. La bataille d’Angleterre se joue simultanément sur ces deux registres : défendre le territoire et les institutions, ce qui est infranationaliste, et défendre une forme de liberté démocratique, ce qui est supranationaliste.
Puisqu’il n’est jamais le substrat universel d’une variété d’idéologies, le nationalisme, s’il est pris au sens large, offre un spectacle plus politique qu’idéologique et n’est véritablement compréhensible qu’en actes.
Universalisme ou particularisme.
Dans la phase de virulence impérialiste, au tournant du siècle, c’est la conflagration des nationalités européennes et de la concurrence colonialiste qui déclenche la Première Guerre mondiale. La Seconde, en dépit de certaines causes nationalistes, est dominée par un enjeu plus vaste où trois idéologies s’affrontent : libérale-démocratique, communiste et raciste. Le nationalisme n’y est pas la composante première, même si son degré va croissant depuis le camp libéral jusqu’au communiste puis au raciste. Le terme « national-socialiste » masque et soutient le thème dominant : racisme biologique et idéologique. Ensuite, la décolonisation fait rapidement apparaître des nationalismes de libération, d’émancipation et d’invention étatique.
La vague nationaliste ayant émergé au tournant des années 1980 est originale puisqu’elle résulte de l’effondrement, sans précédent, du système communiste, dans lequel les rapports de force se nourrissaient en même temps de nationalisme et d’internationalisme. On y retrouve des éléments de la phase des nationalités du xixe, tels que le besoin d’autodétermination et de suffrage universel, et de la décolonisation, tels que l’invention d’un nouvel ordre étatique. On y retrouve aussi les frustrations nationalistes de la grande puissance dépossédée.
En dépit de ses ambitions idéologiques, le nationalisme n’apparaît pas toujours là où on l’attend. Il peut aussi bien être porteur d’universalisme que de particularismes. Il faut, dans chaque cas, analyser ce qu’il porte, comment il est porté et savoir lequel de ces deux aspects est le plus accentué. En France, les Lumières sont devenues, pendant et après la Révolution, une caractéristique nationale qui alimentait parfois un nationalisme français. De façon identique, des courants philosophiques, historicistes et romantiques allemands, qui avaient une visée universelle, se sont exprimés dans des formes nationalistes.
À l’inverse, le nationalisme, en tant que préservation active d’un peuple, draine et accumule des éléments idéologiques nouveaux. L’aspiration à l’autonomie politique et ses répercussions culturelles produisent une invention folklorique de la tradition. La recréation surpasse alors la revitalisation. Ainsi le kilt écossais est-il un enfant du xixe siècle et non du Moyen Âge. En tant que stimulant idéologique, le nationalisme a connu quelques réussites étonnantes. Le sursaut patriotique russe, par exemple, a, pendant la Seconde Guerre mondiale, assuré le triomphe du stalinisme, devenu nationalisme russe actif sous le masque de l’internationalisme prolétarien. N’est-ce pas un nationalisme chinois qui a suscité une curieuse hybridation de capitalisme et de communisme ?
Indéfiniment, semble-t-il, les expériences nationales du nationalisme donnent et reçoivent une identité politique.
NATIONALISME, n. m.
1° Vif attachement à la nation à laquelle on se sent appartenir, dont l’exaltation peut conduire à la xénophobie.
2° Doctrine, fondée sur ce sentiment, visant à l’affirmation de la nation, de l’identité nationale, et pouvant déboucher sur une volonté de puissance à l’extérieur : le nazisme, par exemple, s’est défini comme un « national-socialisme ».
Les méfaits historiques du nationalisme font de ce mot un terme souvent péjoratif de nos jours. Il ne faut pourtant pas oublier qu’au départ, le nationalisme a eu un rôle progressiste, voire révolutionnaire : les peuples se sentaient participer librement à une communauté dont le destin était entre leurs mains, et non plus les jouets de pouvoirs monarchiques qui se livraient à des guerres, ou à des partages de territoire, sans souci des habitants. L’idée de nation souveraine a fondé ainsi le patriotisme révolutionnaire. C’est vers la fin du XIXe siècle que l’idée de nation a été traitée comme une fin en soi, une essence liée au thème de la race ancestrale, à laquelle doit être soumis l’individu, et qui doit manifester sa grandeur collective ou sa supériorité sur les autres peuples. Dès lors, le nationalisme devenait impérialisme, s’enfermant dans un système doctrinal offensif/défensif qui devait mener aux deux grandes guerres mondiales. Le nationalisme est parfois positif comme libérateur; il est absolument négatif comme oppresseur. Le problème est que la limite est parfois difficile à établir, les mouvements partisans (conservateurs) ayant l’art de le faire basculer du premier aspect dans le second (cf. les événements de l’ex-Yougoslavie).
NATIONALISME nom masc. - 1. Sentiment d’attachement à sa propre nation, et exaltation de celle-ci pouvant aller jusqu’au chauvinisme et à la xénophobie. 2. Doctrine visant à faire de la grandeur nationale l’objectif essentiel de toute politique. Historiquement, il est souvent difficile de distinguer les différents sens du mot nationalisme. Le sentiment précède sans doute l’élaboration de la doctrine, mais celle-ci, en le justifiant, le renforce et le relance. Le nationalisme a présenté des visages très différents de lui-même. En France comme dans le reste de l’Europe, il a d’abord correspondu aux aspirations révolutionnaires des peuples désireux de renverser l’ordre de l’Ancien Régime et du congrès de Vienne : la théorie de la souveraineté nationale visait à se substituer au principe monarchique. A la fin du XIXe siècle, cependant, le nationalisme change de nature : à la suite de la défaite de la France devant la Prusse en 1870 et à la faveur de l’affaire Dreyfus, il passe à droite, se fait conservateur, xénophobe et antisémite ; il devient exaltation intolérante de la grandeur française et rejet violent de tout ce qui la menace. L’amour de la nation, de la terre où l’on est né, est un thème qui a été largement exploité par les écrivains français. De Du Bellay à Péguy en passant par Hugo, les poètes ont chanté la patrie française. À la fin du siècle dernier s’est développée une véritable littérature nationaliste dont Barrés fut sans doute le plus brillant représentant : l’individu, pour lui, n’existait qu’en fonction de la terre et des morts dont il se découvrait l’héritier ; la mission de la littérature devait être de ranimer et d’entretenir l’énergie nationale. Les deux grands conflits du XXe siècle ont amené les écrivains à prendre position sur la question du nationalisme et de ses effets historiques : Proust {Le Temps retrouve) et Céline ( Voyage au bout de la nuit) dénoncent le « bourrage de crâne » patriotique de la Première Guerre mondiale tandis qu’Aragon redonne sens au mot « patriotisme » dans ses poèmes de la Résistance {La Diane française).

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