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MYSTIQUE / MYTHE

MYSTIQUE, n.f. et adj. ♦ 1° Sens propre. (Par exemple chez Bergson, Traité § 258.) Expérience donnée par Dieu à quelques très rarissimes êtres, qui sont alors directement unis à Dieu dès cette vie, de telle sorte que leur volonté laisse agir Dieu en plénitude et que leur intelligence ait une connaissance directe de l'essence divine (connaissance humaine, et non compréhension). Extrême rareté de ces phénomènes : «Un excellent maître de la vie spirituelle, le R.P. de Maumigny confiait un jour au R.P. Pinard de La Boullaye qu'à son avis les trois quarts des sujets qui se croient dans les états mystiques sont dans l'illusion...» (R. de SINÉTY, Psychopathologie et direction. ♦ 2° De là résulte qu'il est fréquent qu'une personne se croie favorisée d'états mystiques alors qu'elle est atteinte de névrose voire de psychose (quand elle n'est pas simulatrice) ; d'où le sens péjoratif de ce mot, et aussi l'usage qu'en fit Lévy-Bruhl en y voyant une forme de pensée irrationnelle.

MYTHE, n.m. (gr. muthos «fable», «récit fabuleux»). ♦ 1° Croyance concernant des questions essentielles (origine de l'humanité, survie, etc.). La plupart du temps, le mythe se développe en mettant en jeu les exploits d’êtres héroïques ou divins (par exemple, dans la mythologie grecque). ♦ 2° Platon a utilisé des mythes pour exposer des thèmes concernant la destinée humaine, auxquels il ne pouvait pas donner une expression rationnelle (Aristote n’utilise pas ce procédé ; il s'arrête devant ce qui dépasse son esprit). ♦ 3° Aujourd'hui on a parfois tendance à utiliser le mot «mythe» pour désigner un récit extraordinaire, sans rejeter ni poser l'existence des faits. ♦ 4° Bultmann, exégète allemand, veut «démythiser» le Nouveau Testament, c'est-à-dire qu'il considère les récits miraculeux comme des conceptions simplistes et dépassées, dues à l'infériorité des anciens esprits, et que la mentalité moderne doit éliminer. ♦ 5° «Mythe» prend aussi le sens très général d'imagination, par exemple dans l'utopie, ou chez un homme coupable d'un vol et qui forge le «mythe» d'une attaque à main armée qu'il aurait subie, ou encore chez un escroc qui fait miroiter quelque chose d'extraordinaire (mythe de l'enrichissement facile).

mystique (ou mysticisme), doctrine ou croyance fondée sur le sentiment et l'intuition. — Le mysticisme pense que seul le sentiment peut nous élever à l'idée de l'infini, tandis que la raison nous enferme dans le monde illusoire et artificiel de nos créations verbales. Le mysticisme ne doit pas être confondu avec I'« illuminisme » ou toute forme quelconque et arbitraire d'intuitionnisme : depuis saint Jean de la Croix (XVIe s.), les théologiens reconnaissent que la mystique véritable requiert une technique extrêmement précise et une préparation rigoureuse, qui interdit de la confondre avec n'importe quel désordre du sentiment. On distingue une « mystique négative », qui conduit à l'anéantissement de l'individu dans la divinité, et une « mystique positive », qui l'appelle, au contraire, à un plein épanouissement de lui-même dans la lumière divine. Parmi les mystiques, on peut remarquer particulièrement Maître Eckhart (début du XIVe s.) et Jacob Böhme (fin du XVIe s.), pour l'influence profonde qu'ils ont exercée sur toute la culture et la philosophie allemande, inspirant notamment la philosophie romantique de la nature (Novalis, Jacobi, Schelling). Sainte Thérèse d'Avila et saint Jean de la Croix ont eu un rayonnement particulier. De nos purs, le mysticisme chrétien, exalté par Bergson (et qu'il plaçait bien au-dessus des mysticismes antique et hindou), a trouvé un écho remarquable dans l'œuvre de Simone Weil, où le sentiment de la transcendance se pénètre de lumière et de rationalité, où la mystique éclaire l'homme sur lui-même, dans la réalité de sa vie concrète. Il reste que, sur le plan de l'éthique et des relations humaines, le mysticisme demeure le germe de l'intolérance et des guerres idéologiques. Il s'oppose au « rationalisme » aussi bien qu'à l'« humanisme », pour qui la fin dernière de la vie n'est pas de nous perdre dans une réalité supérieure (Dieu), mais de nous réaliser au niveau de notre humanité (en contribuant à l'amélioration des conditions de vie et au progrès de la culture).

MYSTIQUE, adj. et n. (du latin mysticus, issu du grec musti-cos, «relatif aux mystères»). 1° Comme adjectif. Qui est relatif aux mystères (au sens n° 1) : caché, supposant une initiation, ayant un sens secret, allégorique, religieux. Les sacrements ont un sens mystique. L'Église est le corps mystique du Christ (elle le symbolise, elle en est l’incarnation spirituelle). Dans ce sens, l’adjectif mystique peut s’employer hors de la religion, dans le domaine poétique par exemple, pour évoquer des réalités qui ont un sens symbolique, un sens spirituel caché (emploi fréquent chez Baudelaire). Qui est relatif au mysticisme (au sens n° 1). Les pratiques mystiques. L'intensité mystique de leurs croyances. Des personnes mystiques, ferventes, qui ont l'esprit tourné vers le divin. 2° Comme nom. Personne qui s’adonne au mysticisme, qui est préoccupée par les questions religieuses, qui cherche la présence du divin. Un mystique, une mystique. Un véritable mystique regarde et interprète les choses de ce monde avec les yeux de la foi. Les saints sont en général des mystiques; la réciproque n'est pas vraie. Le mystique est parfois accusé de vivre hors du réel. 3° Comme nom féminin. La mystique est l’ensemble des croyances et des pratiques intensément vécues par les mystiques. Par extension, une mystique représente une foi intense et absolue dans une réalité ou une idée à laquelle on croit (en dehors du domaine religieux). La mystique du peuple. La mystique de la fraternité universelle. Dans ce sens, l’emploi du mot est souvent péjoratif; il incrimine une attitude de foi aveugle, dogmatique, irrationnelle, refusant toute critique. La mystique gaulliste en a aveuglé plus d'un.

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