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Montaigne: «Nous n'avons aucune communication à l'être. »

«Nous n'avons aucune communication à l'être. » Montaigne, Essais (1580).

Pour les sceptiques, le problème de la confrontation de la raison au réel nous entraîne dans un cercle vicieux: si nous portons par la raison un jugement sur le réel, il faudrait ensuite juger si ce jugement est vrai, puis juger encore ce nouveau jugement, et ainsi de suite. C'est donc un cercle sans fin, et l'on ne peut jamais parvenir à affirmer «ceci est vrai» de manière définitive. La philosophie sceptique permet de prendre conscience de la distance qui nous sépare des choses et de tout ce qui restera à jamais hors de notre portée. Elle pose elle-même un problème logique: affirmer qu'«aucune connaissance n'est possible», c'est aussi porter un jugement qui prétend à la vérité.

 


XVIe siècle. ♦ « Son livre est un vrai séminaire de belles et notables sentences, dont les unes sont de son estoc, et les autres transplantées si heureusement et d’une telle naïveté dans son fonds qu’il est malaisé de les juger pour autres que siennes. » Étienne Pasquier. XVIIe siècle. ♦ «Montaigne sait bien ce qu’il dit, mais il ne sait pas toujours ce qu’il va dire. S’il a dessein d’aller en un lieu, le moindre objet qui lui passe devant les yeux le fait sortir de son chemin pour courir après un second objet. Mais l’importance est qu’il s’égare plus heureusement qu’il n’allait tout droit... » Guez de Balzac, 1657. ♦ « Le sot projet qu’il a de se peindre ! et cela non en passant et contre ses maximes, comme il arrive à tout le monde de faillir, mais par ses propres maximes... Il inspire une nonchalance du salut, sans crainte et sans repentir... Ce que Montaigne a de bon ne peut être acquis que difficilement. Ce qu’il a de mauvais, j’entends hors les mœurs, pût être corrigé en un moment, si on l’eût averti qu’il faisait trop d’histoires et qu’il parlait trop de soi.» Pascal, 1670. ♦ «L’air du monde et l’air cavalier soutenus par quelque érudition font un effet si prodigieux sur l’esprit qu’on l’admire souvent, que l’on se rend presque toujours à ce qu’il décide, sans oser l’examiner... Ses idées sont fausses, mais belles. » Malebranche, 1674. ♦ « Ah ! l’aimable homme ! qu’il est de bonne compagnie ! C’est mon ancien ami; mais à force d’être ancien, il m ’est nouveau... » Mme de Sevigné, 1679. XVIIIe siècle. ♦ « Dans la plupart des auteurs, je vois l’homme qui écrit; dans Montaigne, je vois l’homme qui pense. » Montesquieu. ♦ « Le charmant projet que Montaigne a eu de se peindre naïvement comme il l’a fait; car il a peint la nature humaine... Un gentilhomme campagnard du temps de Henri III, qui est savant dans un temps d’ignorance, philosophe parmi les fanatiques, et qui peint sous son nom mes faiblesses et mes folies, est un homme qui sera toujours aimé. » Voltaire, 1734. ♦ « 0 Montaigne ! toi qui te piques de franchise et de vérité, sois sincère et vrai, si un philosophe peut l’être, et dis-moi s’il est quelque pays sur la terre où ce soit un crime de garder sa foi, d’être clément, bienfaisant, généreux; où l’homme de bien soit méprisable et le perfide honoré. » J.-J. Rousseau. XIXe siècle. ♦ « Une chose qu’on n’a pas fait assez ressortir c’est que Montaigne n’est pas un système de philosophie, ce n’est pas même avant tout un sceptique, un pyrrhonien; non, Montaigne c’est tout simplement la nature... la nature au complet sans la grâce. » Sainte-Beuve. ♦ « Je ne connais qu’un seul écrivain que, sous le rapport de la probité, je place au rang de Schopenhauer, et même plus haut : c’est Montaigne. Qu’un tel homme ait écrit, vraiment le plaisir de vivre sur cette terre en a été augmenté... C’est à son côté que j’irais me ranger s’il fallait réaliser la tâche de s’acclimater sur cette terre. » Nietzsche. XXe siècle. ♦ « Le scepticisme aimable de Montaigne, tout aimable qu’il soit, n’en est pas moins un violent nihilisme. » Azorin. ♦ « La force de Montaigne vient de ce qu’il écrit toujours au moment même, et que la grande défiance qu’il a de sa mémoire, qu’il croit mauvaise, le dissuade de réserver rien de ce qui lui vient à l’esprit, en vue d’une présentation plus savante et mieux ordonnée. » André Gide. ♦ « De nom et de baptême, il est chrétien; il va à la messe, pour suivre la coutume; mais le christianisme ne joue aucun rôle dans sa vie intérieure; s’il a laissé en lui des traces, ce sont des habitudes de gestes et de langage. Montaigne n’est pas plus chrétien que Voltaire; il l’est beaucoup moins qu’André Gide... » A. Maurois.

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