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Maurice Pons

Après avoir obtenu en 1955 le Grand Prix Littéraire de la Nouvelle pour son recueil Virginales, Maurice Pons a de roman en roman apporté la confirmation d’un talent parmi les plus habiles et intelligents de notre époque. Pourtant, et malgré un accueil favorable de la critique, son œuvre n ’a jamais trouvé le large public qu’elle mérite. Écrivain « professionnel » au sens où l’entendent les américains, Pons est un écrivain pour les écrivains. On lui doit, outre une production romanesque déjà importante, des scénarios de films, des traductions de l’anglais, et notamment l’adaptation théâtrale de La danse du sergent Murgrave de John Arden et de Macbird de Barbara Garson. Oeuvre protéiforme, en effet, que celle de Maurice Pons, avec un équilibre miraculeux entre le réalisme du quotidien et le fantastique de nos obsessions les plus secrètes. Deux de ses meilleurs romans pour paraissent à ce titre significatifs : Rosa (dont on lira le très long et savoureux titre dans la bibliographie) et Mademoiselle B. Dans le premier, «une femme superbe en pleine maturité, quelque peu plantureuse » attire les militaires de la mythique principauté de Wasquelham dans sa taverne et dans son lit d’où les malheureux ne reparaissent plus. Les autorités s’inquiètent de ces disparitions et mènent l’enquête, ou plus exactement le chroniqueur Pons accumule les pièces du dossier avec le sérieux et les scrupules de l’historien, mais aussi avec un humour qui ne cache pas ses intentions mystificatrices. Relatant des « événements à peine croyables », le récit vire à la cocasserie et à l’énigme policière. Ce mélange apparemment incongru débouche « sur une réalité lumineuse, sur une remise en question de monde ». Rosa engloutit les hommes dans son texte. Et dans Mademoiselle B., on retrouve ce thème de la dévoreuse d’hommes, du grand retour à la matrice universelle, — thème d’apparence peu originale mais que Maurice Pons traite avec une telle vivacité, avec un tel humour qu’il regagne ici toute sa vérité. Nous plongeons nous aussi avec délices, entraînés par une prose précise, tour à tour sobre ou lyrique, mais toujours incisive, dans l’univers fantasmatique de l’enfance et au sein des profondeurs abyssales de l’âme adulte. Tous les hommes qui approchent l’énigmatique et anonyme Mademoiselle B. sont voués à la mort, au suicide par noyade, pendaison ou accident de la route. A l’instar de Borges, sous l’apparente modestie (ou artifice) de l’enquêteur, Pons nous parle toujours de l’essentiel, de vie et de mort. Mais jamais il ne se prend au sérieux, son humour noir très anglo-saxon déjouant les pièges d’un symbolisme qui pourrait être grossier. A cet égard, on ne s’étonnera pas qu’il soit des rares auteurs français de son importance (ici toute relative) à avoir bénéficié de traductions aux Etats-Unis. Il faut souhaiter que cette admiration américaine soit un jour partagée par les lecteurs français.

► Bibliographie

Principaux titres Métrobate, 1951 ; Virginales, 1955 ; Le cordonnier d'Aristote, 1958 ; Le passager de la nuit, 1960 ; Les Saisons, 1965, Julliard, réed. Christian Bourgois ; Chroniques fidèles des événements survenus au siècle dernier dans la principauté de Wasquelham comprenant des révélations sur l'étrange pouvoir d'une certaine Rosa qui faisait à son insu le bonheur des plus malheureux des hommes, 1967, Denoël ; La passion de Sébastien N., 1968, Denoël ; Mademoiselle B., 1973, Denoël ;

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