Malebranche et l'astronomie
« On suppose (...) que les planètes décrivent par leurs mouvements des cercles et des ellipses parfaitement réguliers; ce qui n’est point vrai. On fait bien de le supposer, afin de raisonner, et aussi parce qu’il s’en faut de peu que cela ne soit vrai; mais on doit toujours se souvenir que le principe sur lequel on raisonne est une supposition. (...) Il ne faut donc pas s’étonner si l’on se trompe, puisque l’on veut raisonner sur des principes qui ne sont point exactement connus; et il ne faut pas imaginer que la géométrie soit inutile à cause qu’elle ne nous délivre pas de toutes nos erreurs. Les suppositions établies, elle nous fait raisonner conséquemment. Nous rendant attentifs à ce que nous considérons, elle nous le fait connaître évidemment. Nous reconnaissons même par elle si nos suppositions sont fausses : car étant toujours certains que nos raisonnements sont vrais, et» l’expérience ne s’accordant point avec eux, nous découvrons que les principes supposés sont faux. Mais sans la géométrie et l’arithmétique on ne peut rien découvrir dans les sciences exactes qui soit un peu difficile, quoiqu’on ait des principes certains et incontestables. » MALEBRANCHE
QUESTIONNAIRE INDICATIF
• Quelle est la thèse du premier paragraphe? S’agit-il de se prononcer sur ce que sont en réalité les mouvements des planètes ou s’agit-il d’établir que la géométrie ne donne qu’une approximation de la réalité physique ? Ou d’autre « chose »? • Importance, au début du deuxième paragraphe de « exactement » et « toutes » (nos erreurs)? • Quels sont les différents niveaux d’utilité de la géométrie pour le physicien? — Fournir une méthode de raisonnement rigoureux? valide? — Nous donner une connaissance évidente de certains aspects du réel ? (pour comprendre ici le sens d’évident se référer à la doctrine cartésienne de l’évidence). — Permettre de rectifier des suppositions fausses du fait de la place qu’elle occupe dans un processus de réfutation expérimentale (si l’expérience est contraire à ce qui était attendu on est en droit de rejeter, par application de la loi de contraposition, comme fausses les suppositions émises). • En quoi ce texte a-t-il toujours une « actualité » philosophique ? — problème de la mathématisation du réel (est-ce la géométrie qui peut l’assurer ou des formes mathématiques plus élaborées ?) — problème de l’approximation (et du rôle particulier des mathématiques dans « la deuxième approximation », Cf. Bachelard). — problème du rôle de l’expérience dans la vérification (ou sans doute plus exactement dans la réfutation, la « falsification » des hypothèses. Cf. Popper).