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LUTHER (Martin)

LUTHER (Martin). Réformateur allemand (1483-1546) ; d'abord moine augustin, s'élève contre la vente des indulgences et affiche ses quatre-vingt-quinze thèses en 1517 au château de Wittenberg : c'est le début de la Réforme. Luther organise son Eglise, qui n'admet que deux sacrements (baptême, eucharistie) ; il traduit la Bible en allemand, après s'être marié avec une ancienne nonne.


LUTHER (Martin), théologien et réformateur protestant allemand (Eisleben, Thuringe, 1483 - id. 1546). Ses parents étaient ouvriers-paysans. Il fut élève de l'université d'Erfurt (1501), maître en philosophie en 1505, docteur en théologie en 1511. Il devint professeur de théologie à l'université de Wittenberg (1513) et même vicaire général des Augustins en Allemagne (1515). Excellent moine, Luther se plonge dans la pénitence, la prière, la recherche théologique, cherchant à atteindre partout son salut dans la vérité. On connaît sa formule célèbre : « Le chrétien se sait toujours pécheur, toujours juste et toujours repentant. » Il lutta d'abord, au sein de l'Eglise, contre les abus et les erreurs, notamment contre la vente des « indulgences », que Tetzel répandait en Allemagne pour permettre de poursuivre la construction de Saint-Pierre de Rome : chacun pouvait ainsi acheter des bons qui le tenaient quitte de ses péchés. L'opposition de Luther fut le début de la Réforme. Le Petit Traité de la liberté chrétienne (1520) concentre tout l'essentiel de sa pensée, exposée par ailleurs dans le Manifeste à la noblesse allemande et la Captivité de Babylone : il y exprime les principes de l'Eglise invisible (opposée à l'Eglise romaine), qui est celle de la vraie foi, selon laquelle l'homme n'est sauvé du désespoir que par la grâce divine intérieure (et non point par une autorité extérieure qui passerait l'éponge). En 1530, Melanchthon présente, à l'occasion de la diète d'Augsbourg, une confession qui fait suite à une série de travaux de Luther; la Confession d'Augsbourg est aujourd'hui la confession de foi des Eglises luthériennes.


LUTHER Martin. Réformateur allemand. Né à Eisleben (Thuringe) le 10 novembre 1483, mort dans la même ville le 18 février 1546. Il était le fils d’un mineur et appartenait à une famille paysanne de la Thuringe. Elevé par ses parents avec une sévérité tempérée par l’affection, il reçut ensuite une bonne instruction à Magdebourg et à Eisenach. En 1503 il commença à l’Université d’Erfurt l’étude des « arts libéraux », qu’il fit suivre à partir de 1505 par celle du droit, selon le désir de son père qui voulait diriger ce fils très doué vers les honneurs et l’aisance. Mais c’est peu après s’être engagé dans cette nouvelle discipline que Luther, sur le coup de l’épouvante ressentie lors d’un orage pendant lequel il s’était cru au bord de la mort et du Jugement céleste, fit le vœu solennel de se retirer dans un couvent : il entra le 17 juillet 1505 chez les ermites de Saint-Augustin, un ordre mendiant. Luther agissait ainsi en homme du Moyen Age catholique, qui avait toujours vécu dans des milieux animés d’une vive piété, aussi bien dans sa maison familiale que pendant ses études. Il n’avait été touché ni par des philosophies hérétiques ou sceptiques, ni par l’influence humaniste, il était au contraire animé par une foi grave, tout à fait indemne du doute. En allant chercher dans un couvent, comme tant d’hommes l’avaient fait avant lui, une vie de communion plus intime avec Dieu et de sainteté particulière, il ne faisait que suivre l’enseignement de son Eglise. Observant la règle de son ordre et, de la façon la plus scrupuleuse, la direction qui lui était donnée en confession, il se livra à une farouche ascèse. Mais il ne trouva pas la paix. Après avoir été ordonné prêtre en 1507 et désigné pour l’enseignement de la théologie (il était bachelier en 1502, maître en 1505), il reconnut grâce à une fréquentation de plus en plus approfondie de la pensée de saint Augustin, puis de la Bible, la cause de son inquiétude : on lui avait appris à accorder trop d'importance à ses propres bonnes œuvres et pas assez à la grâce divine, seule source pourtant de la rémission des péchés. Et, avec une joie croissante tirée de la pure parole de l’Evangile, il s’aperçut bientôt que la route du désespoir et de l’angoisse spirituelle était devenue pour lui une dure mais salutaire direction de Dieu lui-même. A l’amère déception reçue de la théologie scolastique s’ajoutèrent les impressions repoussantes que Luther rapporta de Rome où il fit un voyage pour les affaires de son ordre en 1511-12. Cherchant la Rome des martyrs et des larges indulgences, qu’en toute bonne foi il s’appliquait encore à acquérir, il trouva la Rome de la papauté mondaine de la Renaissance. Peu après, en 1512, il obtint la charge de professeur d’Ecriture sainte à la jeune Université de Wittenberg, où il avait déjà donné quelques cours en 1508-9. Il y fut le successeur du vicaire général de son ordre, Staupitz, qui le soutint plus que n’importe qui au cours de ses luttes spirituelles. Il y fit une série de Commentaires sur les Psaumes (1513-1515), sur l’Epître aux Romains (1515-16), sur l’Epître aux Galates (1516-17), sur l’Epître aux Hébreux (1517-18) qui ont été retrouvés à l’époque contemporaine sous la forme, soit de manuscrits, soit de notes prises par les étudiants. Luther y jetait les bases de sa théologie, qu’il appela une théologie de la Croix, de la réconciliation par Dieu seul dans l’acte d’amour du Christ; théologie dans la ligne de saint Augustin dont la pensée emplissait alors aussi bien Luther que ses collègues et ses élèves de Wittenberg. Après s être affirmé par ces Commentaires, Martin Luther espéra en 1517 provoquer un renouvellement de la théologie en soutenant des thèses contre les scolastiques, mais ne trouva aucun écho. Il n’en fut que plus surpris de l’étonnante sensation qu’il provoqua par les 95 Thèses sur les indulgences que le 31 octobre 1517 il fit placarder sur la porte de l’église du château de Wittenberg, à l’occasion de l’ouverture d’une dispute académique. Il touchait là à une plaie que de nombreux confesseurs et théologiens avaient déjà dénoncée. Par les indulgences plénières accordées à grand fracas par Rome, et avec lesquelles la Curie parait aux grands besoins financiers suscités par la construction de la basilique Saint-Pierre, le peuple se trouvait amené à croire qu’il était possible de monnayer le rachat des péchés. Les approbations et les acerbes répliques reçues par Luther lui donnèrent l’occasion de préciser sa pensée dans les Résolutions sur les 95 thèses (1518). Il dédia cet écrit, qu’il avait auparavant soumis à son évêque, au pape Léon X pour obtenir de lui qu'il mît un terme à ces excès. Ce lui fut un réconfort de voir que ses frères des provinces allemandes de l’ordre des Augustins le soutenaient dans leur majorité et lui permettaient d’exposer sa théologie au cours d’une « disputatio » qui eut lieu a Heidelberg (1518). Luther fit une grande impression sur ses auditeurs et gagna la à sa cause quelques-uns des futurs réformateurs de l’Allemagne du Sud. Entre-temps il se voyait dénoncé à Rome par l’archevêque Albert de Mayence et un procès d’hérésie était intenté contre lui. Grâce aux efforts de son souverain, le grand-duc de Saxe Frédéric le Sage, qui, bien que n’étant pas son disciple, voulait préserver sa vie, la citation à comparaître à Rome pour interrogatoire fut modifiée à Augsbourg par les soins du légat du pape, le cardinal Cajetan (octobre 1518). Les pourparlers engagés à cette occasion firent comprendre à Luther que la Curie, incapable de réfuter ses accusations, attendait de lui une pure et simple rétractation. Ne pouvant s'y résoudre, il devait s’attendre à l’excommunication, la quelle, ajournée pour des considérations politiques pendant l’élection de l’empereur Charles Quint (1519), fut prononcée pour la première fois en 1520. Cependant, à la suite d’une controverse qui, à Leipzig, l’opposa à Johann Eck (1519), Luther avait été conduit à prendre conscience de ses graves doutes concernant l’institution de la papauté et il s’acheminait vers une nouvelle conception de l’Eglise, fondée, selon l’enseignement du Nouveau Testament, non pas sur le principe de la hiérarchie mais sur celui de la communauté. Il exposa ses idées nouvelles dans les écrits suivants, qui les uns traitaient de problèmes purement religieux, et les autres travaillaient à la réforme de l’Eglise. A la première catégorie appartiennent d’abord : Des bonnes œuvres [Von den guten Werken, 1520], la première éthique « évangélique », et le traite De la liberté du chrétien (1520), dans lequel Luther décrit intensément la liberté du chrétien à l’égard de tout autre dogme, dans la seule foi, et son union avec le prochain dans l’amour. Parmi les écrits réformateurs, il faut compter le discours A la noblesse chrétienne de la nation allemande (1520) — dans lequel Luther appelle l’élite des laïcs, princes et municipalités des villes, dans un temps où la hiérarchie se montre si notoirement déficiente, à travailler à la réforme religieuse — et le texte intitulé : La Captivité babylonienne de l’Eglise (1520), grande analyse critique de l’enseignement romain sur la question sacramentelle : Luther, pour sa part, ne reconnaît plus que les sacrements désignés expressément dans le Nouveau Testament, le baptême et la communion. Ces écrits divisèrent les esprits en Allemagne, mais autant dans les larges couches populaires que chez les humanistes, les prêtres et les moines, ils trouvèrent de nombreux partisans. L’Eglise n’en combattit Luther que plus vigoureusement. L’excommunication fut suivie de la mise au ban de l’Empire prononcée par Charles Quint, après qu’une convocation à la Diète de Worms, les 17-18 avril 1521, n’eut pu contraindre Luther à se rétracter. Comme Luther ne pouvait courir plus longtemps le risque d’être arrêté et même supplicié, le grand-duc Frédéric le cacha à la Wartburg, près d’Eisenach. C’est là que dans ses écrits sur la Messe privée Privatmesse] et sur les Voeux monastiques (1521], il fit une sorte de bilan de ses connaissances théologiques et, en un trimestre — délai prodigieusement court —, traduisit le Nouveau Testament (1522) — Bible dite de Luther (1534). Cette grandiose manifestation de son génie d’écrivain a donné une base des plus solides à l’unité intellectuelle de la langue allemande et à la poésie allemande d’inépuisables forces. Des innovations aberrantes, commises à Wittenberg par des disciples excessifs de Luther, poussèrent celui-ci, contre la volonté du grand-duc, à abandonner son asile. Après avoir rétabli le calme, il employa les années suivantes à jeter les bases fondamentales de la nouvelle communauté, laquelle est en quelque sorte enracinée dans le livre de la Messe allemande [Deutsche Messe und Ord-nung Gottesdiensts, 1526] qui contient un service de la messe en langue allemande avec prêche et eucharistie. D’autre part la diffusion de l’évangélisme dans des nations diverses lui posa le problème traité dans son ouvrage intitulé : De l'autorité temporelle et des limites de l'obéissance qu'on lui doit [Von weltlicher Obrigkeit, wieweit man ihr Gehorsam schul-dig sei, 1523], qui est la pierre angulaire de la théorie luthérienne de l’Etat : obéissance pour les questions temporelles, mais désobéissance et résistance lorsque le gouvernement civil pénètre dans l’ordre de la croyance et de la conscience. On a souvent oublié plus tard cette attitude critique de Luther à l’égard de l’autorité civile lorsque celle-ci dépasse ses limites, tout comme le fait que, s’il est vrai que dans son traité Un soldat peut-il faire son salut ? [Ob Kriegsleute in seligem Stande sein können, 1526] il donnait une opinion favorable au service militaire du chrétien, il ajoutait que ce dernier doit refuser l’obéissance dans le cas d’une guerre notoirement injuste. Luther parut cependant par la suite durcir d’une manière unilatérale son enseignement sur l’autorité, particulièrement lors de la « guerre des paysans », en 1525, pendant laquelle il combattit avec âpreté les paysans soulevés. Mais on ne doit pas expliquer son attitude par un prétendu dédain de leurs revendications sociales (bien au contraire, il les considérait pour la plupart justifiées), mais par le fait que les paysans menaient cette révolution sanglante au nom du Christ. En combattant ce détournement politique de l’Evangile, il apparut comme un allié des princes, bien qu’il ait vigoureusement dénoncé leur esprit d’injustice. Cette impression fut encore renforcée par les demandes d’aide adressées par Luther aux princes pour la réorganisation de l’Eglise, mais il ne s’agissait en réalité que de secours de nécessité, transitoires, chrétiennement fraternels, aussi longtemps que les nouveaux évêques évangéliques n’étaient pas installés. Luther ne songeait nullement ainsi à faire des princes les chefs de l’Eglise, comme ce fut le cas dans l’histoire postérieure du luthéranisme. A travers tout ceci, Luther paraît avoir évolué d’une attitude révolutionnaire à celle d’un conservateur et d’un auxilliaire de l’Etat. Rien n’est moins exact. La vérité est seulement qu’il fut en tout temps adversaire de la révolution par la violence. Mais jamais il ne voulut confondre l’Etat et l’Eglise, ni accorder à l’Etat un droit sur la croyance et la conscience des citoyens. Pendant l’année de la « guerre des paysans » (1525), Luther dut encore en deux autres domaines marquer les frontières de sa pensée. Erasme, tenu par beaucoup pour un partisan de Luther, l’avait attaqué dans son Essai sur le libre arbitre (1524), auquel Luther répondit par le Traité du serf arbitre (1525), livre dur, riche de signification spirituelle, mais qui a été souvent mal compris : Luther n’est pas un déterministe et ce n’est pas la question « philosophique » de la liberté humaine qu’il pose, mais la question religieuse. Il envisage uniquement l’aliénation de la liberté humaine par le péché et sa libération par la seule grâce. A la même époque, dans son traité Contre les prophètes célestes [Wider die himmlischen Propheten, 1525], Luther se séparait des mystiques spirituels tels que Karlstadt, Thomas Müntzer, etc., qui cherchaient la révélation divine non pas dans la Sainte Ecriture, mais dans l’illumination intérieure. Enfin se préparait la grande controverse sur la Cène qui éclata dans les années suivantes avec les réformateurs suisses Zwingle et Oekolampad et leurs partisans d’Allemagne du Sud. Pendant que ceux-ci ne trouvent dans le sacrement qu’un sens symbolique, Luther maintenait passionnément, en particulier dans son traité Sur la Cène [1528], la présence réelle du Christ. La controverse religieuse de Marburg, en 1529, ne conduisit à aucun accommodement. Ce n’est qu’en 1536, grâce aux tenaces efforts du Strasbourgeois Martin Bucer, qu’un concordat put être réalisé entre les Allemands du Sud et ceux de Wittenberg. Le schisme de la Suisse, en revanche, ne fut pas résolu. Mais le principal travail de Luther fut la poursuite de ses enseignements bibliques réguliers. Autour de sa chaire et de celle de Melanchthon s’assemblèrent des étudiants venus de toute l’Europe et qui devinrent dans leurs patries respectives des réformateurs de l’Eglise. Son souci de l’éducation de la jeunesse se manifeste dans son appel Aux membres du conseil, parce qu'ils doivent établir des écoles chrétiennes [An die Ratsherrn, dass sie christliche Schulen aufrichten sollen, 1524] et surtout dans son Petit Catéchisme (1529), qui est resté jusqu’à nos jours le manuel classique de l’instruction évangélique. Pour les maîtres dans les écoles et les familles, il écrivait le Grand Catéchisme (1529), remarquable somme de son enseignement. Il procédait à l’embellissement du culte divin en écrivant des Hymnes sacrés (1521-28) — dont certains ont été mis en musique par lui-même — tels que « Je viens du haut du ciel » [« Vom Himmel hoch da komm Ich her »], « Dans une profonde détresse, je crie vers toi » [« Aus tiefer Not schrei ich zu Dir »] ou encore le puissant hymne de foi : Dieu est notre forteresse (1529). Luther inaugurait ainsi une tradition de poésie religieuse particulièrement féconde qui devait se maintenir pendant des siècles dans l’Eglise évangélique. Enfin, sans désemparer, il travaillait à l’achèvement de sa traduction de la Bible, dans laquelle son art littéraire se manifeste en pleine lumière dans les parties poétiques de l’Ancien Testament. Jusqu’à la fin de sa vie, il ne cessa de réviser cette grande œuvre. Aussi longtemps que vécut Luther le mouvement réformateur conserva une inébranlable solidité, solidité faite tout entière d’esprit et de foi : Luther ne souhait pas que se constituât une alliance militaire contre l’empereur, il demanda l’aide des Etats protestants lorsque les Turcs menacèrent Charles Quint et, quand celui-ci fut attaqué par le pape, le réformateur se rangea aux côtés du souverain dans un écrit particulièrement vif, Contre la Papauté de Rome [Wider das Papsttum zum Rom, 1545]. D’autre part il confirmait ses frères de foi dans une prédication pacifique, en particulier l’inquiet Melanchthon au cours de la Diète d’Augsbourg (1530), et plus tard dans son importante profession de foi Les Articles de Smalkalde [Die Schmalkaldischen Artikel, 1536]. Quant à son refus de rencontrer le pape dans un concile, il le justifia dans son livre intitulé Des conciles et de l’Eglise [Von den Konziliis und Kirchen 1539], le document le plus significatif sur son ecclésiologie. Luther mourut dans sa ville natale d’Eisleben, où il avait affronté avec succès un dur procès intenté par le comte de Mansfeld. Il repose dans l’église du château de Wittenberg, l’église des 95 thèses. Ce fut une âme forte et passionnée, remplie à la fois de croyance et d’humour — v. ses Propos de table (1566) — mais souvent aussi accablée de mélancolie ; un époux et un père de famille plein de tendresse (il s’était marié en 1525, moins par tempérament amoureux que pour donner aux autres un exemple), ami fidèle à ses amis, ennemi acharné pour ses ennemis. Il ignorait l’indifférence, la sagesse diplomatique. Dans toute sa nature il était un exact contraste de son célèbre contemporain Erasme. Il n’en reconnaissait pas moins les mérites scientifiques et voyait dans la redécouverte des langues anciennes, conjointe à celle de l’Evangile, les grâces divines particulières de son temps. Peu d’êtres humains ont apporté autant de changements dans le monde que Luther. Et cela ni avec la science ni avec la force militaire, mais seulement avec la puissance de la foi et du sérieux avec lequel il reposa la question de Dieu et du principe évangélique. Sans qu’il l’ait voulu, parce que l'Eglise le condamna sans l’entendre, un schisme de la chrétienté sortit de cette réforme de l’Eglise à laquelle il s’efforçait. Ce ne sont pourtant pas seulement les églises nouvelles qui en furent issues, mais l’Eglise catholique elle-même qui en profita. Et, bien au-delà des frontières de ta pure religion, c’est une grande partie du monde qu’il fit entrer dans une ère nouvelle. A partir de la liberté de la foi personnelle, qu’il avait affirmée, commença à grandir une civilisation de la personnalité, de la conscience et de la liberté.

Luther, Martin (Eisleben 1483-id. 1546); théologien et réformateur allemand.
Né en Thuringe, ce fils d’un exploitant minier aisé, après avoir subi l’influence des Frères de la Vie commune, a pu commencer des études à l’université d’Erfurt. Contre la volonté de ses parents, il entre, à la suite probablement d’une violente émotion ressentie au cours d’un orage, au couvent des Ermites de Saint-Augustin à Erfurt (1505). Ordonné prêtre en 1507, il est dès l’année suivante chargé de cours à l’université de Wittenberg. Il fait en 1510 un voyage à Rome pour s’occuper des affaires de son ordre. Nul doute que la vision de la cour très mondaine du pape Léon X ait indigné le jeune moine. Toutefois, l’heure n’est pas encore à la révolte. « Ce qui importe à L., de 1505 à 1515, ce n’est pas la réforme de l’Église, c’est L., l’âme de L., le salut de L. Cela seul » (L. Febvre). De retour à Wittenberg, il est reçu docteur en théologie (1512), et obtient une chaire d’Écriture sainte. Depuis longtemps, L. vit un drame intérieur. Porté à l’anxiété, formé aux leçons désespérantes de l’occamisme, nourri de l’idée que nous ne pouvons savoir si nos œuvres sont agréables à Dieu, il est hanté par la crainte de la damnation, conscient de demeurer un pécheur en dépit de tous ses efforts pour mériter le salut, et est prêt de sombrer dans le désespoir. Il se détache peu à peu des observances conventuelles, cesse de dire la messe. Mais c’est par le biais de son enseignement universitaire qu’il est amené, en étudiant l’Épître aux Romains, à trouver la réponse à ses interrogations : seule la foi -et non les « bonnes œuvres » - peut conduire à la «justification » avec l’aide de la grâce divine. C’est son « expérience de la Tour », vécue par lui comme une véritable libération. Dès 1516, il commence à enseigner à Wittenberg sa doctrine de la «justification par la foi seule (sola fide) », où se ressent notamment l’influence de la doctrine augus-tienne de la grâce, mais, à cette époque, L. ne songe pas à sortir de l’Église. C’est la campagne des Indulgences, prêchée en Allemagne par Tetzel, qui l’amène, le 31 octobre 1517, à afficher sur la porte de l’église du château de Wittenberg ses quatre-vingt-quinze thèses, principalement dirigées contre le commerce des indulgences. Ce geste, qui n’est au départ que la protestation d’un simple moine contre un des nombreux « abus » de l’Église, devient un acte qui va transformer de fond en comble le monde chrétien. Les thèses de L., aussitôt traduites en allemand, se répandent comme une traînée de poudre dans une Allemagne que les scandales de l’Église ont, depuis plus d’un siècle déjà, peu à peu détachée de Rome. Sommé de comparaître devant la cour pontificale, L. sollicite l’appui de son souverain, l’électeur de Saxe Frédéric le Sage, qui, sans pour autant être de ses disciples, pense qu’il ne peut au nom de la justice lui refuser cette faveur. Comme la voix de la Saxe peut être décisive lors de l’élection impériale, alors imminente, le pape Léon X consent à ce qu’une audience ait lieu en Allemagne, à l’occasion de la diète d’Augsbourg (oct. 1518). Le légat pontifical Cajetan essaie en vain d’amener L. à se rétracter. Le débat théologique se poursuit et connaît son point culminant lors de la dispute de Leipzig (juin-juill. 1519), lorsque Johann Eck amène L. à tirer les conséquences de ses affirmations : rejet de la primauté romaine et de l’autorité des conciles, valeur unique de l’Écriture comme contenu de la foi (Sola Scriptura), inutilité de la tradition patristique, inexistence du purgatoire. La rupture avec Rome est désormais inévitable. Ses « grands écrits réformateurs » de 1520 (À la noblesse chrétienne de la nation allemande, De la captivité babylonienne de l'Eglise et De la liberté chrétienne) font de lui en Allemagne un héros national. L. y définit la doctrine du sacerdoce universel, affirmant que l’Ecriture est intelligible à tout croyant et défendant le libre examen contre l’autorité ecclésiale ; il y critique les sacrements, ne gardant, comme attestés dans l’Ecriture, que le baptême et l’eucharistie. L’écho que l’action de L. a trouvé dès l’origine au sein de l’Empire rend inefficaces sa condamnation, puis son excommunication par le pape (3 janv. 1521). Le nouvel empereur Charles Quint, craignant de provoquer un soulèvement en le faisant arrêter, se contente de le citer à comparaître devant la diète de Worms. L. s’y présente courageusement (17-18 avr. 1521) et refuse de revenir sur ses écrits. L’Empereur met alors L. au ban de l’Empire, mais ne peut toutefois publier 1’ « édit de Worms » que lorsque la Diète a fini de siéger et qu’une partie des princes a quitté la ville. L. doit d’avoir la vie sauve à l’électeur Frédéric le Sage, qui le fait enlever sur la route de Wittenberg et le cache pendant près d’un an à la Wartburg où il est en sécurité (1521-1522). C’est là que L. traduit en allemand le Nouveau Testament, premier élément de sa traduction de la Bible qui va marquer de façon décisive l’évolution de la langue allemande, et ceci tout en rédigeant de nombreux pamphlets et traités (contre la messe, contre les vœux monastiques, etc.). La diffusion de la nouvelle doctrine n’est pas entravée en Allemagne par la mise au ban de L., du fait que les princes veulent affirmer leurs libertés face à l’Empereur. Bien plus, tandis que L. séjourne à la Wartburg, des novateurs révolutionnaires, comme Karlstadt, commencent à radicaliser sa doctrine, distribuant la communion sous les deux espèces, prônant l’iconoclasme. Les « prophètes de Zwickau » privilégient 1’ « illumination » sur la « parole ». L. quitte la Wartburg dès 1522 pour rétablir l’ordre. La seule chose qui compte pour lui est le « royaume de Dieu » qui, en aucun cas, ne peut être confondu avec le « royaume du monde ». Toutes les tentatives pour ériger une théocratie sont à ses yeux contraires à la Bible et doivent être condamnées. C’est pourquoi, après avoir refusé d’appuyer la révolte des chevaliers conduits par Franz von Sickingen (1522), il combat encore plus nettement Thomas Münzer et les anabaptistes. Lorsque la guerre des paysans ébranle l’Empire (1524-1525), il fait appel aux princes, leur demandant de l’aider à combattre l’interprétation « charnelle » de sa doctrine, tout en reconnaissant la justesse de bien des revendications. Par son violent pamphlet Contre les hordes criminelles et pillardes des paysans (mai 1525), il les incite à la répression : « Exterminez, et que celui qui a le pouvoir agisse...», une attitude qui provoque bien des déceptions dans les rangs de ses partisans. A peu près au même moment se produit la rupture avec l’humanisme. La convergence des débuts (primauté de l’Écriture, dédain pour les rites, les dévotions traditionnelles, les dogmes trop contraignants) a très vite laissé apparaître de sérieuses divergences : à l’optimisme des humanistes, qui croient en la bonté naturelle de l’homme, à sa possibilité de coopérer à son salut, s’oppose le pessimisme de L., qui affirme la totale impuissance de l’homme pécheur. La rupture éclate au grand jour lorsque, pour répondre au De libero arbitrio d’Erasme (1524), L. publie son De servo arbitrio (1525). La Réforme continue néanmoins de progresser avec le soutien des princes. La nouvelle doctrine offre à ceux-ci une occasion de s’opposer au pouvoir impérial, renforcé par la récente victoire de Pavie. La première diète de Spire (1526) reporte la solution du problème religieux à un concile général. En attendant, les princes ont les mains libres. Convaincu que la véritable Église est invisible, le Réformateur accepte de laisser princes et magistrats prendre en main la réforme des Églises locales, se contentant de leur fournir une confession de foi (petit et grand catéchismes de 1529), des conseils pratiques et un matériel liturgique (il compose lui-même nombre de chorals, dont le célèbre Ein feste Burg ist unser Gott). Bien qu’enclin à la prudence, il supprime la confession, la messe privée, les jeûnes, et donne, par son mariage avec une ancienne religieuse, Catherine de Bora, l’exemple du renoncement au célibat ecclésiastique. L’exemple fourni par la Saxe électorale sert de modèle aux autres Églises locales. L’électeur Jean-Frédéric Ier le Magnanime est le premier à organiser des visites d’églises et ses envoyés ont pour mission de surveiller la diffusion et l’intégrité de la nouvelle doctrine. Bien que L. continue d’être respecté en tant qu’autorité spirituelle, la Réforme, devenue un enjeu politique, lui échappe de plus en plus. D’autres hommes, à leur tête Melanchthon et Bucer, défendent devant les diètes la cause de la Réforme. Le landgrave Philippe de Hesse s’efforce d’unir les États allemands favorables à la nouvelle foi. Lorsque la seconde diète de Spire (1529) prétend interdire aux princes allemands le droit de régler eux-mêmes les questions religieuses, les princes luthériens répliquent par une protestation, qui leur vaut le nom de « protestants ». Au même moment, la nouvelle doctrine subit sa première grande scission. Contrairement à L. qui soutient la présence simultanée dans les espèces du pain et du vin, et du corps et du sang du Christ (« consubstantiation »), le réformateur suisse Zwingli ne voit dans la communion qu’un repas commémoratif, un simple symbole. Le colloque de Marburg (1529) ne permet pas d’arriver à un accord. Plus tard, c’est contre Calvin que L. a à combattre, mais en 1530, lorsque Charles Quint convoque la diète d’Augsbourg, on peut penser que la restauration de l’unité chrétienne est encore possible. L., toujours au ban de l’Empire, ne peut y assister, mais il s’y fait représenter par Melanchthon et approuve les expressions modérées et conciliantes proposées par ce dernier dans la Confession présentée à la Diète, et connue depuis comme la « Confession d’Augsbourg ». Toutefois, la Diète montre l’impossibilité de parvenir à un accord et, par la suite, L. s’oppose fermement à toutes les nouvelles tentatives de réunion avec l’Église catholique. Les « articles de Smalkalde » de 1537, exposé de la foi protestante que L., à la demande de l’électeur Jean-Frédéric de Saxe, fait approuver par l’assemblée de Smalkalde pour être présenté au concile général que Paul III projette de réunir à Mantoue, accentuent encore les divergences entre le point de vue luthérien et le point de vue catholique. Tandis que Charles Quint est retenu par les guerres qu’il mène contre le roi de France François Ier, les princes luthériens se disputent les évêchés sécularisés d’Allemagne du Nord. Lorsque l’Empereur obtient à Spire en 1544, contre une prolongation de la paix religieuse, l’aide des princes luthériens contre la France, ce qui lui vaut la réprobation du pape, L. intervient de nouveau dans les affaires temporelles. Dans son écrit Contre la papauté de Rome, instaurée par le diable, il défend l’Empereur. Il n’hésite pas non plus à défendre, en 1539, son protecteur Philippe de Hesse, accusé de bigamie. Le Réformateur meurt à la veille de la guerre de Smalkalde, qui amène certains princes protestants, comme Maurice de Saxe, aux côtés de l'Empereur contre leurs coreligionnaires. L. avait déjà, dans ses dernières années, pu assister aux graves dissensions survenues entre ses disciples (Agricola, Melanchthon, Osiander), ce qui ne l’empêcha pas de manifester sa jovialité dans les Propos de table recueillis par ses amis. Il meurt peu après avoir composé un dernier pamphlet contre la papauté. Bibliographie : J. Delumeau, Le Cas Luther, 1983 ; L. Febvre, Un destin : Martin Luther, 1968 ; H. Diwald, Luther, trad. all. C. Greis, 1985.


LUTHER, Martin (Eisleben, 1483-id., 1546). Théologien et réformateur allemand. Son combat pour une réforme intérieure de l'Église aboutit à une rupture définitive avec Rome et à la création d'une nouvelle religion chrétienne, le protestantisme, reposant sur deux principes : l'autorité des Ecritures en matière de foi et la doctrine de la justification de l'homme par la grâce. Né dans une famille de petits-bourgeois d'origine paysanne, Luther commença par entreprendre des études de droit puis, hanté par l'idée du Salut, décida d'entrer dans le couvent des ermites de Saint-Augustin à Erfurt (1505), où il s'astreignit à de sévères mortifications. Docteur en théologie en 1512, il obtint en 1513 la chaire d'Écriture sainte à l'université de Wittenberg. Ce fut à partir de 1515, en enseignant l'Épître aux Romains de saint Paul, que Luther perçut en toute clarté l'affirmation du Salut par la seule foi et non par l'accumulation de confessions, pénitences et bonnes oeuvres. En référence à la doctrine paulinienne de la justification par la foi, il s'éleva contre la vente des indulgences, destinées en réalité à la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome. En 1517, il afficha sur les portes du château de Wittenberg ses « 95 thèses » où il dénonçait le principe de la vente des indulgences comme une trahison des Évangiles. Ce texte, rédigé d'abord en latin puis traduit en allemand, eut un énorme retentissement et marqua le début de la Réforme en Allemagne. Ni les attaques de J. Eck à Leipzig - qui l'accusait de répandre les idées de Jan Hus - ni l'intervention du légat pontifical Cajetan ne le firent se rétracter. En 1520, la bulle Exsurge Domine de Léon X condamna ses positions. Luther publia alors, la même année, trois écrits décisifs que l'on peut considérer comme le manifeste de la Réforme : À la noblesse chrétienne de la nation allemande - dirigé avant tout « contre la tyrannie et l'inutilité de la Curie romaine » et constituant une sorte de programme pour un éventuel concile ; De la captivité de Babylone - sur les sacrements -, et enfin De la liberté du chrétien où il affirmait l'autorité de la seule Ecriture sainte. Excommunié et mis au ban de l'Empire par la Diète de Worms (1521), Luther fut accueilli au château de la Wartburg par son protecteur, Frédéric de Saxe. Il y séjourna durant 18 mois, se consacrant à une intense production littéraire, et traduisant en particulier la Bible en allemand, version complète de l'Écriture qui reste encore aujourd'hui la meilleure en langue allemande. De retour à Wittenberg en 1522, marié à Katarina von Bora en 1525 dont il eut six enfants, Luther consacra le reste de sa vie à lutter contre le catholicisme, contre les révoltes sociales (guerre des Paysans) en prenant le parti des princes et contre toute déviation de sa doctrine. Durant les dix années qui suivirent sa mort, Charles Quint dut engager une lutte implacable contre le protestantisme, puis la paix d'Augsbourg (1555) sanctionna la division confessionnelle de l'Allemagne. Voir Anabaptistes, Augsbourg (Confession d'), Calvin (Jean), Contre-Réforme, Smalkalde (Ligue de), Wyclif (John), Zwingli (Ulrich).

Martin Luther (1483-1546) est le premier réformateur religieux du XVIe siècle. Natif d’Allemagne, il entre en 1505 au couvent des Augustins. Il y poursuit des études de théologie puis devient professeur de l'université de Wittenberg. Voulant réformer l’Eglise sans attendre l’aval de la papauté, il s'en sépare et fonde l’Eglise luthérienne.

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