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LES ANIMAUX SE SUICIDENT AUSSI...


Les Romains étaient persuadés que les animaux pouvaient, eux aussi, se donner la mort. Et qu’ils le faisaient pour les mêmes raisons que les hommes.


Selon les Romains, il arrive que les animaux se donnent volontairement la mort.
Si les biologistes et les éthologues modernes sont sceptiques sur ce comportement, les Romains, eux, ne connaissaient pas ces hésitations. Dans leur univers mental, le suicide des animaux était rare, mais il existait. Au point que, comme cela avait été fait pour les humains, on avait recueilli pour les animaux les cas les plus frappants de mort volontaire. Et c’est vraisemblablement dans un recueil de ce genre que Pline l’Ancien (23-79), amiral, érudit et écrivain, puisa les exemples qu’il nous rapporte.
Il s’agit d’un véritable jardin de curiosités. Des tétras en volière, privés de liberté, retiennent leur respiration. Un aigle se précipite dans le bûcher funéraire de la jeune fille qui l’avait élevé. Des dauphins meurent volontairement de regret, de tristesse et de douleur parce que l’enfant dont ils se sont épris a disparu.
Des chiens et des chevaux se tuent par fidélité à leur maître. Un étalon se jette dans un précipice lorsqu’il découvre qu’on l’a accouplé avec sa mère.
Un éléphant, enfin, au nom prédestiné, Ajax, qui avait refusé de traverser un fleuve à la tête du troupeau qu’il commandait, dégradé à la suite de ce refus et supplanté par l’éléphant Patrocle, se laisse mourir de faim, préférant la mort à la honte.
Pour chaque exemple que rapporte Pline existe un parallèle dans le monde des humains, que ce soit dans la manière de se tuer ou dans les raisons invoquées. Car les motifs avancés pour rendre intelligible le suicide de ces animaux sont ceux par lesquels les auteurs romains expliquent la mort volontaire des humains. C’est-à-dire les principes qui régissent les conduites sociales du Romain : la fides (foi), la dignitas (dignité) et l’honos (honneur). Autrement dit, les Romains éprouvent quelques difficultés à penser le suicide de l’autre, que ce soit un animal ou un homme, en dehors de leurs propres critères d’appréciation. Et parier de la mort volontaire de l’éléphant, du barbare ou de l’esclave, c’est encore une façon de parier de celle du Romain.
On en trouvera une excellente illustration dans les Métamorphoses d’Apulée (v. 125-ap. 170) qui racontent les tribulations initiatiques d’un homme, Lucius, transformé en âne. Par trois fois l’âne veut se tuer. Par trois fois les mobiles appartiennent à l’espèce humaine. Ici, l’assimilation de la mort volontaire animale à la mort volontaire humaine est totale. Ainsi les animaux se tuent comme se tuent les Romains.    

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