Databac

Le savoir nuit-il à la sensibilité ? (HPL 2003 - corrigé)

Thèse: Il y a dans la sensibilité, qu'elle soit sensitive ou esthétique, une sorte de spontanéité irréfléchie qui est la marque de la nature et non du savoir.
Antithèse: Comme toutes les facultés, la sensibilité s'éduque. En gastronomie comme en esthétique, la sensibilité nécessite un apprentissage.


Argument: a sensibilité est cette faculté naturelle qu’ont les hommes de distinguer immédiatement le bon du mauvais et le beau du laid. Point n’est besoin de culture ni d’éducation pour savoir si l’on aime ou si l’on n’aime pas.

1a. La sensibilité, les goûts sont immédiats.
C'est tout de suite que je sais si quelque chose me plaît ou me déplaît, qu'il s'agisse d'un mets nouveau dans mon assiette ou d'une musique nouvelle à la radio. Si la musique techno ne me plaît pas, on aura beau me forcer à l'écouter ou tenter de me convaincre de sa beauté, cela ne changera pas mon goût. Elle restera toujours pour moi vacarme assourdissant à l'opposé des harmonies qui font la beauté de la musique classique.

1b. On ne peut pas me convaincre d'aimer.
La sensibilité est du ressort des sens et non de celui de la raison. Le jugement de connaissance vise à produire une science, et cela a du sens que de vouloir convaincre de sa vérité. Par contre, le jugement de goût produit une conscience, et le plaisir se développe dans le rapport du sujet à l'objet qui lui plaît sans la médiation de l'expérience ni l'intermédiaire du savoir. Aussi, l'on peut dire que la sensibilité est naturelle. On a du goût ou l'on n'en a pas en fonction de sa sensibilité au beau et au bon.

1c. Le jugement esthétique ne repose que sur l'appréciation subjective.
Il n'y a pas de critère du beau et du laid, du bon et du mauvais. Ce qui constitue le beau esthétique ou l'agréable sensitif, c'est le plaisir ou le déplaisir que provoque en moi la contemplation d'une œuvre ou la dégustation d'un mets. Est agréable ce qui me fait plaisir, est beau ce qui me plaît.

=> Conclusion de la thèse: Apprendre à aimer n'a pas de sens. Soit l'on aime (un plat, une œuvre), soit l'on n'aime pas et aucune éducation n'y peut rien changer. La sensibilité est naturelle et innée. Elle ne dépend pas du savoir.


Argument: La sensibilité demande à être formée afin d'affiner son sentiment ou de donner à la valeur d'une oeuvre un fondement objectif. Dans cette mesure, la sensibilité est toujours culturelle, c'est le résultat d'un apprentissage, d'une éducation ou d'une initiation.

2a. La sensibilité peut être éduquée. Nous savons tous qu'un enfant n'a pas la même sensibilité qu'un adulte. Cela vient du fait que le goût se forme petit à petit par les expériences vécues et les savoirs acquis. On peut donc dire que la sensibilité dépend toujours du savoir. L'homme ne peut aimer que ce qu'on lui a appris à apprécier tant sur le plan du sensitif que sur celui de l'esthétique. Certains mets demandent un apprentissage, certaines œuvres nécessitent une initiation.

2b. La sensibilité exige une culture esthétique.
Pour entrer dans l'univers d'un artiste, il est besoin de faire un effort. Le beau n'est pas toujours immédiatement accessible Ce n'est qu'en étendant ma connaissance de l'art que je peux saisir toutes les finesses et les qualités d'une œuvre et ainsi parfaire mon goût. Avoir du goût, c'est être capable de juger du beau. Si je veux juger Dante, il faut que je m'élève à sa hauteur. Si je veux comprendre tout le tragique du tableau "La cène" de L. de Vinci, il me faut connaître la culture chrétienne.

3c. La sensibilité est d'origine sociale.
Des analyses sociologiques (inspirées plus ou moins fidèlement de Marx) ont montré que la sensibilité de l'individu est formé en grande partie par sa classe sociale et les conditions de vie qu'elle implique. C'est pour cette raison d'ailleurs qu'il peut fonctionner comme un moyen de «distinction»: «Dis-moi ce que tu aimes et je saurai qui tu es ! ».

=> Conclusion de l'antithèse: Savoir et expérience améliorent progressivement mon goût. Aussi, il faut dire que le goût dépend directement de la culture que mon milieu me donne.








Liens utiles