L’autorité du langage - L’expérience de Stanley Milgram : Tous soumis ? Tous bourreaux ?

-       https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram (Article Wikipedia)

-       https://www.youtube.com/watch?v=XRxhnl6ueV8&frags=wn&ab_channel=ThibaultGouttier

-       https://www.dailymotion.com/video/xak9gu (« I comme Icare », 1979, film de Verneuil).

-       https://www.youtube.com/watch?v=XRxhnl6ueV8 (une bonne analyse claire et concise)

-       https://www.youtube.com/watch?v=8fYXOheNpQ8 (analyse d’un psychologue)

Milgram (ƚ 1984): Psychologue américain. Universités de Yale et d’Harvard. Expérience menée entre 1960 et 1963. Montrer la tendance des individus à la soumission à l’autorité. Evaluer le degré d’obéissance d’un individu à l’autorité perçue comme légitime.

-       Adaptation cinématographique de l’expérience de Milgram : https://www.dailymotion.com/video/xak9gu (« I comme Icare », 1979, film de Verneuil).

Laboratoire scientifique publie une annonce à participer à une expérience sur l’apprentissage et la mémorisation. Expérience rémunérée.

Chaque expérience implique 2 participants reçus par une équipe scientifique en blouse blanche.

Tirage au sort entre les 2 participants pour désigner un « élève » et un « professeur ».

L’ « élève » est installé sur une chaise électrifiée.

Le professeur est installé dans une autre pièce face à un pupitre sensé envoyer des décharges électriques à l’ « élève » lorsque celui-ci se trompe dans la mémorisation d’une liste de mots.

Le « chercheur »/ « scientifique » et l' « élève » sont en vérité des comédiens.

L' « élève » fait exprès de se tromper sur les associations de mots et fait semblant de souffrir aux décharges électriques fictives envoyées par le « professeur » qui ne sait rien de la supercherie.

Au début il s’agit d’une décharge assez légère mais plus les erreurs seront nombreuses, plus les décharges seront puissantes (de 15 V en 15 V). La décharge maximale est de 450 V = décharge mortelle !

L’élève commence à souffrir et exprime sa douleur (gémissements, cris, supplications). Selon le protocole, au-delà de 300 V, l'élève dit qu'il ne répondra plus aux questions du professeur.

Le professeur entre dans un conflit moral. Il a conscience qu’un laboratoire scientifique n’est pas un lieu de tortures.

Le « chercheur » demande au « professeur » de continuer l’expérience coute que coute. 4 phrases seront prononcées lorsque le professeur résistera à envoyer une décharge électrique.

1)    « Veuillez continuer s’il vous plait. »

2)    « L’expérience exige que vous continuiez. »

3)    « Il est absolument indispensable que vous continuiez. »

4)    « Vous n’avez pas le choix : vous devez continuer. »

A la fin, on révèle le pot aux roses, cad que l’expérience était fictive et que c’était le « professeur » qui était testé. On le rassure (l’ « élève » était un comédien) mais on le culpabilise. Qui est le plus sadique le professeur ou le scientifique 😉.

En moyenne 26 sujets sur 40 soit 63 % des « professeurs » envoient le choc électrique maximal soit 450 V.

En cas de contact physique entre l’ « élève » et le « professeur », le taux d’obéissance tombe à 30 %

En cas d’ordre contradictoire de la part des scientifiques, le taux d’obéissance tombe à 0 %.

Tous les candidats ont accepté de participer à l'expérience, et, après encouragements des scientifiques, les « professeurs » ont au minimum envoyés 135 V.

Milgram a qualifié les résultats de l’expérience d’ « inquiétants ».

Ne pas juger mais comprendre. Les professeurs se sont nous tous.

L’obéissance est une tendance sociale générale liée à l’intégration dans un système hiérarchique.

Dans tout groupe, existence d’une hiérarchie perçue comme légitime car nécessaire au fonctionnement du groupe et à sa tête une ou des autorités.

Notre degré d’obéissance à une demande est influencé par le crédit que l’on place dans celui dont émane la demande. Un scientifique en blouse blanche dans un laboratoire avec une équipe, intégré dans une hiérarchie sociale, a beaucoup de crédit, et il est « normal » de lui faire confiance a priori. Si on ne peut pas faire confiance à un scientifique (à un professeur, à un policier, etc.), c’est notre confiance dans les structures mêmes de la société qui s’évaporent. Sans confiance, pas de société possible. Confiance comme condition de possibilité de la coexistence sociale. Penser qu’il est anormal d’obéir à une autorité légitime est une naïveté.

L’individu n’a pas une autonomie absolue. Nous passons notre vie à obéir : professeur, fisc, police, patron, père.

Idem pour le conformisme social : l’homme est un être mimétique parce que social. Pour lui, l’exclusion du groupe signifie la mort.

Phénomène de délégation de la responsabilité. Abandon de sa responsabilité morale au profit d’une autorité qui prend en charge les conséquences de nos actes. On est couverts. C’est l’autorité qui agit en nous. La responsabilité se dilue. « Etat agentique » (Milgram) = état d’agent, d’outil, de simple exécutant / moment où le sujet cesse d’être libre et autonome, et, se réfugie derrière la responsabilité de l’autorité hiérarchique.

Comportement des Allemands sous le nazisme = explicable par cette expérience de Milgram. Déresponsabilisation de ses actes à une autorité supérieure. => Cf. le cas Eichmann - cours sur les monstres.

Citation : « Soumission à l'autorité » de Stanley Milgram :

« Une variante de l'expérience de base décrit un dilemme plus courant que celui que nous venons de présenter : le sujet ne recevait pas l'ordre d'abaisser la manette commandant la décharge électrique, mais simplement d'accomplir une action secondaire (faire passer le test d'apprentissage à l'élève) tandis qu'un autre participant se chargeait de la manipulation du stimulateur. Dans cette condition expérimentale, sur quarante adultes de l'agglomération de New Haven, trente-sept ont continué jusqu'au niveau de choc le plus élevé. Vraisemblablement, ils excusaient leur conduite en se disant que la responsabilité incombait à celui qui actionnait la manette. Cet exemple illustre une situation dangereuse qui caractérise toute société complexe : sur le plan psychologique, il est facile de nier sa responsabilité quand on est un simple maillon intermédiaire dans la chaîne des exécutants d'un processus de destruction et que l'acte final est suffisamment éloigné pour pouvoir être ignoré. […] » (Milgram)

Comportement humain qui consiste à persévérer dans l’erreur sans changer de cap ou de stratégie. Car changer de comportement reviendrait à reconnaître que l’on s’est trompé dans des prises de décisions précédentes.

On préfère, par exemple, continuer à se tromper ou à perdre de l’argent plutôt que de remettre en cause ses choix ou investissements passés.

Exemple de la guerre du Vietnam (1955 - 1975) : Une fois la guerre déclarée et en dépit des lourdes pertes humaines et financières, le président Dwight D. Eisenhower n’a jamais voulu arrêter le conflit.

Exemple de l’abonnement Prime d’Amazon : Parce qu’ils ont payé un abonnement annuel pour une livraison rapide et gratuite, les clients vont multiplier les achats !

Si le « professeur » arrête l’expérience, il reconnaît implicitement qu’il a eu tort d’infliger des décharges électriques. En continuant l’expérience, le professeur justifie tout ce qu’il a fait jusque-là.

Tous les sujets ont manifesté des signes de réticence à partir de 75 V quand l’ « élève » commençait à protester : « Dois-je vraiment continuer ? », « Est-il normal que l’élève souffre ? », etc.

=> https://vimeo.com/236613667 (enregistrement d’époque)

Expérience créée un conflit intérieur entre conscience morale et la certitude d’être face à une autorité morale légitime.

Tension morale ressentie par les « professeurs ».

« Rôle de la tension

La tension que ressent l'individu qui obéit est le signe de sa désapprobation à un ordre de l'autorité. L'individu fait tout pour baisser ce niveau de tension ; le plus radical serait la désobéissance, mais le fait qu'il ait accepté de se soumettre l'oblige à continuer à obéir. Il fait donc tout pour faire baisser cette tension, sans désobéir. Dans l'expérience de Milgram, des sujets émettent des ricanements, désapprouvent à haute voix les ordres de l'expérimentateur, évitent de regarder l'élève, l'aident en insistant sur la bonne réponse ou encore lorsque l'expérimentateur n'est pas là ils ne donnent pas la décharge convenable exigée. Toutes ces actions visent à faire baisser le niveau de tension. Lorsqu'il n'est plus possible de le faire diminuer avec ces subterfuges, le sujet désobéit purement et simplement. »

øøø

Citation - « Soumission à l'autorité » de Stanley Milgram :

« Dans les démocraties, les dirigeants sont élus par tous les citoyens, mais une fois à leur poste, ils sont investis de la même autorité que ceux qui y parviennent par d'autres moyens. Et comme nous avons maintes fois l'occasion de le constater, les exigences de l'autorité promue par la voie démocratique peuvent elles aussi entrer en conflit avec la conscience. L'immigration et l'esclavage de millions de Noirs, l'extermination des Indiens d'Amérique, l'internement des citoyens américains d'origine japonaise, l'utilisation du napalm contre les populations civiles du Vietnam représentent autant de politiques impitoyables qui ont été conçues par les autorités d'un pays démocratique et exécutées par l'ensemble de la nation avec la soumission escomptée. Dans chacun de ces cas, des voix se sont élevées au nom de la morale pour flétrir de telles actions, mais la réaction type du citoyen ordinaire a été d'obéir aux ordres. » (Milgram)