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Langage et autorité : Y a-t-il un pouvoir du langage ? (Les pouvoirs de la parole - L’autorité de la parole)

Langage et autorité: Y a-t-il un pouvoir du langage? (Cours de spécialité d’humanités, littérature et philosophie)

Distinguer pouvoir et autorité : le pouvoir est une question de place de l'individu dans une structure publique ou privée (par exemple, le président de la République, le pdg dans une entreprise) tandis que l'autorité peut relever du charisme personnel (= aura, prestance suscitant l'adhésion voire la fascination), des compétences (l'autorité d'un spécialiste) voire reposer sur la menace ou la corruption (le parrain d'une mafia). Détenir le pouvoir ne confère pas toujours de l'autorité et avoir de l'autorité ne signifie pas toujours détenir le pouvoir. Ainsi, tel professeur peut disposer d'une certaine autorité sur ses élèves grâce à son charisme tout en ne détenant pas un grand pouvoir dans le ministère de l'EN. A l'inverse, un autre professeur pourra « coller » ses élèves (ab-user de son pouvoir) sans avoir beaucoup d'autorité.

Pouvoir = capacité d'user de la coercition.

Autorité = capacité de se faire respecter sans user de coercition.

 

Introduction.

 

Idée d'un pouvoir du langage est surprenante, car le langage utilise des mots cad des signes conventionnels et arbitraires, contrairement aux actes ou à la force qui agissent directement sur le réel et sur les hommes. Mais le langage bien que symbolique, a une grande influence au sein de la société humaine. Le mythe de la tour de Babel illustre cette puissance du langage. La Bible explique ainsi la diversité des langues humaines : Dieu aurait introduit la confusion en brisant la langue-mère originelle pour éviter que les hommes ne deviennent des dieux.

Problématique : D'où vient l'autorité des paroles ? Quelle est l'autorité du langage dans nos sociétés politiques ? Peut-on parler d'un langage du pouvoir et d'un pouvoir du langage ? Si la parole peut commander les hommes peut-elle également les guérir ?

1. De la mythologie à la philosophie: la Tour de Babel.

Selon l'Ancien Testament, tour érigée en Babylonie (Irak, Syrie) pour atteindre les cieux (= le Paradis). Orgueil, prétention humaine provoquant la colère de Dieu et la création des langues.

« Genèse » (XI, 1-9) = peuple babylonien construit un édifice si haut permettant de forcer la porte du ciel : « Construisons une ville, avec une tour dont le sommet soit dans les cieux ». À l'origine de cette entreprise de roi Nemrod : aller directement au paradis sans intercesseur. À la demande du roi, le peuple se serait mis à la tâche jusqu'à ce que Yahvé rappelle aux hommes les limites de leurs pouvoirs. Punition divine : la multiplicité des langues — la création des langues —, les bâtisseurs ne pouvant plus communiquer entre eux, la construction de la Tour sera interrompue. Afin de définitivement les punir, Dieu a ensuite dispersé les hommes sur toute la surface de la Terre. Le récit de la Genèse semble jouer sur les termes hébreux Bābhel (« porte du ciel ») et bālāl (« confusion »).

Interpretation:

  • La jalousie de Dieu. Dieu inquiet de la tentative des peuples de s'unir en parlant une même langue afin de lui désavouer son autorité. Pour faire échec, Dieu mélange leur langage pour qu'ils ne se comprennent plus les uns les autres cad il met fin à une entreprise commune en les éloignant, en les dispersant, en créant plusieurs langues. Ce mythe montre les liens étroits qu'unissent les notions de pouvoir, d'autorité et de langage. Ce que nous allons developer ci-dessous.
  • 2. Le pouvoir du langage.

Fonctions essentielles du langage = expression de la pensée et communication entre les hommes, d'où son importance dans les phénomènes de pouvoir. Echanges linguistiques comme fait primordiale des sociétés humaines. Si l'homme est un « animal politique » (Aristote), il est tout autant un « animal parlant »

Dans la société, le langage est ce qui permet ou interdit l'action. Le droit s'écrit et se dit. La langue officielle d'un pays reflète l'unité et le pouvoir de l'Etat. C'est ainsi que la Révolution française a permis l'implantation progressive du dialecte parisien en France. La classe bourgeoise dominante avait intérêt à l'unification linguistique, lui offrant par là même le monopole de l'autorité politique.

Les possesseurs du pouvoir ont la maîtrise du langage. Prêtres et scribes, professeurs et hommes d'Etat, juristes et avocats, journalistes et hommes des médias connaissent cette puissance du langage. Dieu lui-même se manifeste même par un acte de langage : « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle. En elle était la vie. » disait déjà Saint-Jean. Dieu « appelle » les ténèbres nuit et « appelle » la lumière jour, et le ciel et la mer. Acte créateur divin est un acte de langage. Le Démiurge est un locuteur.

Traditionnellement, le langage était l'instrument privilégié du chef, du chaman, du dominant. L'ethnologue Pierre Clastres (ƚ 1977) a montré l'asymétrie de l'échange entre le chef et la tribu dans les sociétés primitives : alors que les membres de la communauté échangent biens et femmes, le chef ne donne que des mots et il reçoit en échange biens et femmes. Le chef de tribu est choisi selon des critères précis préétablis par la société. Il doit être un bon chasseur, un guerrier averti et posséder des dons oratoires. Toutes ces normes autour du chef ne relèvent pas d'un choix conscient des membres de la société mais sont imposées par la société elle-même.

L'agora d'Athènes était le lieu de disputes, de collusions oratoires. Avec la société grecque apparaît la démocratie, c'est-à-dire l'égalité entre la parole de chacun, qu'expriment les deux règles fondamentales que sont l'isonomie (la même loi pour tous) et l'iségorie (égalité de la parole de chacun). C'est dans ce cadre que peut apparaître la figure du sophiste, spécialiste de la rhétorique. Avec les sophistes, la dimension socio-politique du langage a pris une importance capitale. Les sophistes étaient des professionnels du langage qui pouvaient monnayer leurs services au prix fort : les jeunes membres de la classe aisée pouvaient ainsi apprendre à combattre les arguments de l'adversaire, à convaincre un auditoire, etc. Ces facultés conféraient un pouvoir direct dans la mesure où de nombreux rapports de force étaient réglés par la discussion publique et le vote à la majorité. Ainsi le succès dans la sphère politique et juridique dépendait directement de la maîtrise de la langue de l'orateur. Ce droit de parole est essentiel, et régi par des règles. Le citoyen, devenu orateur, tient en main un bâton, sceptre matérialisant l'autorité de sa parole : tel l'orateur homérique qui saisit le « skeptron » pour être autorisé à parler. De ce simple fait, celle-ci est alors considérée comme sacrée et respectée en tant que telle. On imagine le profit que peut tirer un tribun talentueux d'une telle situation. Pour ces raisons, les sociétés se sont appliquées à réguler la parole de manière à la canaliser et à en maîtriser le plus efficacement possible les effets.

Avec la société contemporaine, l'usage du langage comme instrument de pouvoir se développe. Pensons aux médias, aux scientifiques, aux experts, aux publicitaires, aux spécialistes de la communication (qui sont en quelque sorte les sophistes d'aujourd'hui – nos « menteurs professionnels », diront les plus critiques) … Le pouvoir politique est toujours essentiellement symbolique : aujourd'hui encore les hommes politiques ne font rien d'autre que parler ou écrire (et signer). Mais la sphère politique (au sens étroit) n'a pas l'apanage du langage comme moyen de domination. Celui-ci, comme le pouvoir lui-même, est répandu dans l'ensemble de la société. De l'intellectuel au mendiant en passant par le professeur, la société moderne unit étroitement savoir et pouvoir et multiplie donc le nombre des « manipulateurs de symboles » professionnels.

On le sait l'homme des médi    as séduit le politique, le premier sert le second mais le second doit nécessairement emprunter plus ou moins ses techniques au premier.

 
3. Le langage du pouvoir.

Bourdieu (ƚ 2002), dans « Ce que parler veut dire » (1982), s'interroge sur le pouvoir symbolique du langage. Bourdieu affirme que la langue est instrument de pouvoir et plus précisément qu'elle possède un pouvoir symbolique : classer, désigner, montrer, ordonner et instituer. Bourdieu nous montre que qui détient la langue détient aussi "le capital symbolique" (prestiges et honneurs). Les classes dominantes établissent et perpétuent leur pouvoir par la possession de la langue "adéquate" (le bien-parler, la maîtrise d'une culture) ou la "justesse" des jugements esthétiques.

Dans « Les Héritiers » (1964) Bourdieu (Pierre) et Passeron (Jean-Claude) notent que la réussite scolaire dépend étroitement de l'aptitude à manier la langue d'Idées propre à l'enseignement et l'avantage va à ceux qui ont fait des études classiques. Succès ou échecs, qu'étudiants ou professeurs ont tendance à imputer au passé immédiat, quand ce n'est pas au don, sont liés, en réalité, à des orientations précoces qui sont le fait du milieu familial. La thèse est que l'école reproduit pour une part les inégalités sociales et que le langage joue un rôle important dans la différenciation sociale. Le système scolaire n'est nullement un appareil neutre au service de la culture et de la République. Les enseignants contribuent (in-consciemment) à transmettre les normes et valeurs de la classe dominante.

Au total, l'oeuvre de P. Bourdieu nous semble illustrer l'idée selon laquelle le capital économico-social a besoin pour se perpétuer d'un capital symbolique et culturel, tout aussi important que le premier. La domination d'une classe sociale sur une autre est aussi, celle de la domination de la langue de cette classe sur cette autre. Le langage n'est pas seulement cet instrument neutre et raisonnable qui a pour fonction la communication, il est aussi l'objet d'une lutte, l'enjeu des conflits sociaux. A sa manière, il traduit, indique et reflète la division d'une société. Il est « violence symbolique », « imposition arbitraire de l'arbitraire culturel dominant et tendant à produire la reconnaissance de l'arbitraire culturel qu'il inculque comme culture légitime ».

  • Quelques exemples :
  • Les « spécialistes » ou technocrates invités sur les plateaux de télévisions sont pour la plupart des universitaires payés par l'Etat.
  • Les médias sont la propriété d'une oligarchie mondialiste, de « familles » ou d'institutions financiers :

 
4. Langage et contre-pouvoir.

Si le pouvoir se manifeste dans et par le langage, ce dernier à son tour influence le Pouvoir, à tel point que l'évolution des phénomènes langagiers a une signification historique et politique considérable : l'invasion du fran-glais traduit ainsi notre infériorité à l'égard du monde anglosaxon, lorsque la France était la puissance mondiale dominante, on parlait français jusqu'à Moscou et dans toutes les ambassades. L'exemple de la francophonie montre qu'il n'est pas facile de sortir d'une situation de dépendance linguistique et économique. A contrario, on obtient le phénomène de la langue de bois qui est une conséquence de la glaciation du langage et/ou de la glaciation du Pouvoir. La langue de bois ressasse sans aucune considération pour la nouveauté des situations. Le pouvoir rabâche inlassablement les mêmes clichés, les mêmes poncifs, les mêmes clichés (libéralisme, Europe, liberté d'entreprendre, etc.). Art de parler pour ne rien dire. Imperturbables devant le démenti des faits, les dirigeants continuent à moudre le grain des mots, et le jeu de la conquête du pouvoir ressemble parfois à un théâtre d'ombres.

Aussi, il faut bien qu'un jour, change ce langage jugé rétrograde lorsque le décalage entre les faits et le dire devient intolérable. Les vraies révolutions – celles qui ne se contentent pas de changer les titulaires du pouvoir – sont celles d'une langue nouvelle. La révolution se manifeste aussi par un acte de langage. La prise du pouvoir ne s'accompagne pas par hasard de déclarations solennelles, de thèses, de profession de foi, ou de manifeste.

John Austin (1911-1960) a étudié en détail certains jeux de langage, et il a montré que le langage peut notamment servir à agir. Austin parle d'énoncés performatifs (de l'anglais « to perform », accomplir) pour désigner ces jeux de langage. Alors que les énoncés constatifs sont vrais ou faux, les énoncés performatifs ne sont ni vrais ni faux, ils peuvent simplement réussir ou échouer à accomplir l'action qu'ils visent à accomplir.

J.-L. Austin dans les conférences réunies sous le titre « Quand dire, c'est faire » (la traduction littérale du titre anglais est plus explicite encore : « Comment faire des choses avec des mots ») ont introduit la distinction entre les énoncés constatifs et les énoncés performatifs.

* Lorsque je dis « il pleut», « le chat a mangé la souris », « Macron est le président de la france», je me contente de constater, de décrire ce qui existe dans le monde. Ces énoncés sont dits constatifs.

* Quand je dis « je te prête mon ordinateur», « je te donne 100 euros », « Je te promets fidélité », « N'y va pas », « Va au diable ! », "Je vous déclare mari et femme", « Je baptise cet enfant », je ne borne pas à dire ce qui est, j'agis d'une certaine manière (par des mots seulement) et réellement je change quelque chose à la configuration du monde. Prêter, donner, promettre, commander, insulter, c'est faire quelque chose avec des mots. Inversement, il n'est pas possible d'accomplir sans mots ces actions (je ne peux ni prêter, ni donner, ni promettre, ni commander, ni insulter sans le moyen du langage). Austin appelle performatifs les énoncés qui sont des modes d'action sur le réel.

Critique d'Austin par Bourdieu :

Bourdieu va critiquer la linguistique d'Austin qui néglige les conditions socio-historiques dans et par lesquelles nos énoncés peuvent être ou non performatifs : « L'autorité réside dans les conditions sociales de production et de reproduction de la distribution entre les classes de la connaissance et de la reconnaissance de la langue légitime ».

La performativité du discours d'autorité se fait sous certaines modalités qui définissent l'usage légitime :

  • Il doit être prononcé par la personne légitimée à la prononcer (prêtres, professeurs, politiques…)
  • Il doit être prononcé dans une situation légitime ; c'est-à-dire devant les récepteurs légitimes (messe, cours, conférence de presse, assemblée, conseil des ministres)
  • Il doit être prononcé dans les formes (syntaxiques, phonétiques…) légitimes 6. La puissance curative du langage
     

    Cours sur l'inconscient (lire pages 20 à 23, pages 30 à 34, pages 36 à 38) https://drive.google.com/file/d/1gfUm0op6pMojYCHFbVRxLqslgsi1Q1Ao/view?usp=sharing

"Ça parle là où ça souffre": cet aphorisme de Jacques Lacan souligne la liaison étroite entre le langage et la psychanalyse. Lapsus, rêves, cure, tout se joue autour de la question du langage et de sa signification.

La révolution psychanalytique part d'une constatation dont toute l'oeuvre de Freud s'efforce d'administrer la preuve en étendant ses recherches depuis le comportement du sujet individuel jusqu'aux manifestations culturelles de l'humanité (art, religion, guerre, morale); l'homme n'est pas le centre de lui-même. L'inconscient s'exprime en lui, malgré la censure du surmoi. Dans les rêves, les lapsus, les symptômes névrotiques, « ça » parle, plutôt que « je » parle. Il y a en lui un autre sujet que le sujet conscient de la psychologie traditionnelle dont les racines sont à trouver du côté de la sexualité: l'inconscient. Cette séparation entre le moi et le ça conduira Lacan à postuler un « sujet clivé ». L'homme est parlé par son inconscient plutôt qu'il ne parle : « Je suis où je ne pense pas, je pense où je ne suis pas. »

La découverte freudienne n'est donc pas une recherche de type biologique ou physiologique, encore moins une apologie des instincts, et le psychanalyste n'est pas tant à comparer à un explorateur de fonds inconnus qu'à un linguiste tentant de déchiffrer des réseaux de signes et d'en interpréter le sens. Ce qui a été "refoulé" continue de fonctionner en dehors du sujet, et le nouveau sujet de cet "en dehors" est strictement ce qu'on nomme inconscient. Une vérité, une conduite refoulée s'expriment ailleurs, dans un autre registre, en langage chiffré et clandestin. Sous la voix claire de notre conscience, murmure ou quelque fois crie une autre voix, celle d'une histoire très ancienne, celle de notre passé individuel et plus généralement de notre culture qui nous conte des récits faits d'inceste, de meurtre et de parricide. Le complexe d'Œdipe comme l'histoire se présente comme une énigme à résoudre.

Freud, nous donne donc à comprendre que l'homme est indissociablement un être de désir et un être de langage et que le premier a besoin du second pour se dire ou pour se cacher. L'inconscient est donc un langage qui ne cesse de parler, qu'il s'agisse de la folie, parole qui a renoncé à se faire (re)connaître, ou de la "normalité" dans laquelle le sujet ne parvient que rarement à maîtriser son inconscient.

Dans tous les cas de figure, la psychanalyste nous montre que le lieu en lequel l'homme accède à son humanité est le lieu de l'ordre du Symbolique, c'est-à-dire de la culture formellement identique à l'ordre du langage. Mais, cet ordre du Symbolique peut être aussi le lieu où l'homme "rate" son humanité.

Ainsi, toute psychanalyse s'organise autour du langage, de la "maladie" à la "guérison" en un geste qui légitime l'intérêt que linguistes, analystes et anthropologues lui portent.

C'est dans « La science des Rêves » (1900), cette « voie royale vers l'inconscient », que Freud pose clairement l'existence d'un autre langage que celui de la communication conventionnelle. Freud s'intéresse au rêve car en tant qu'expression de l'inconscient, il permet d'accéder à des représentations refoulées. Le rêve est un rébus, c'est-à-dire une suite de graphismes exprimant par homologie une phrase qu'il s'agit de retrouver. Dans le rêve, tout est signe. Les rêves parlent, ils ont un sens. Bien loin d'être pur non-sens, ils possèdent une signification dont la structure est analogue à celle d'une phrase mutilée, tronquée, truquée et dont il importe de reconstituer l'enchaînement et la lecture cohérente. Freud découvre donc, en laissant dire le rêve, que le désir tend à s'y accomplir et qu'une « pensée » est possible sans le "je pense" cartésien ou kantien. Bien plus, les rêves obéissent à des règles de transformation comparables aux règles de la rhétorique : tout objet, personne ou thème peut en condenser plusieurs autres ou plusieurs phantasmes peuvent être condensés en une seule image.

Par ailleurs, l'essentiel est généralement déplacé vers une situation accessoire comme un détail infime peut porter le mot-clef.

Freud raconte qu'une de ses patientes rêve qu'elle achète dans un magasin, un chapeau noir très cher. Pendant son analyse, elle raconte qu'elle est amoureuse d'un jeune homme très riche mais qu'elle est mariée à un vieil homme très malade. Il y a déplacement car elle désire inconsciemment la mort de son mari. Ce désir refoulé va être exprimé par la couleur du chapeau : le noir, couleur du deuil. Il y a condensation car le chapeau exprime plusieurs choses. Son prix symbolise la fortune du jeune homme. Le chapeau exprime tout à la fois le désir de séduire (Eros) et celui de mort (Thanatos). La veille, cette femme était passée devant deux chapeliers : le rêve puise dans les choses anodines qu'on a vu la veille, les symboles que vont exprimer l'inconscient.

Le rêve se présente comme un récit manifeste, parfois fort embrouillé mais toujours réputé interprétable.

Il y aura donc deux contenus dans le rêve :

- un contenu manifeste, c'est le rêve tel qu'on le perçoit. Autrement dit, l'expression symbolique du désir.

- un contenu latent, c'est le désir inconscient qui va être transformé, déformé, codé par le contenu manifeste. Le rêve et le psychanalyste ont un rôle inversé. Le travail du rêve part du contenu latent pour lui donner une expression symbolique. Le psychanalyste part du contenu manifeste, le rêve tel que le lui raconte son patient et cherche à l'interpréter, à redescendre au contenu latent.

Condensation, déplacement, transposition sont donc les termes-clés qui ponctuent l'élaboration d'une interprétation des rêves. Le contenu manifeste est une transcription, une traduction dans une autre langue du contenu latent. Si le rêve a la structure d'une phrase, c'est qu'il s'y passe des transformations: on y traduit des idées en figures, on y saisit du sens dans un détournement, on y lit la vérité quand elle se cache dans le mensonge. Ainsi, l'analyste des rêves réside dans le décryptage des réseaux de mots, d'allusions, de références, réseaux qui manifestent ainsi l'existence d'une véritable "logique de l'inconscient" (bien qu'elle obéisse à d'autres règles que celle de la veille: en particulier, elle n'obéit pas aux principes de non-contradiction ou de temporalité des séquences.

Aussi le rapport thérapeutique est-il d'emblée un rapport de langage entre l'analysé et l'analysant. Selon l'expression de Lacan: « le sujet commence l'analyse en parlant de lui sans vous parler à vous ou en parlant à vous sans parler de lui. Quand il pourra vous parler de lui, l'analyse sera terminée ».

Enfin, toutes les perturbations du langage normal sont des indices qui renvoient au fonctionnement de l'autre langage. Lapsus, oublis traduisent à leur manière une perturbation dans la chaîne de l'inconscient; ainsi de l'oubli d'un mot: à la place du rapport normal signifiant/ signifié surgit un autre signifiant qui symbolise le refoulement d'un signifié interdit ou allusif. De même, le lapsus montre qu'un intrus apparaît dans la chaîne signifiante et traduit-trahit un voeu, un conflit, une angoisse.

On peut même penser qu'une part notable du plaisir que provoque en nous l'œuvre d'art provient de la sublimation et de la transposition de désirs inconscients.

  1. Conclusion

Toutes ces analyses montrent, de manière très détaillée, que le langage n'est pas seulement un instrument théorique, mais constitue aussi un outil pratique qui permet d'agir directement sur le monde. Ceci permet de comprendre certains échanges de mots et comment le langage peut conférer un certain pouvoir à celui qui le maîtrise. En bref, on peut dire que le rêve de puissance est un rêve de langage. Il fonde et manifeste le Pouvoir et celui-ci s'exerce par celui-là.

 

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