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La monnaie dans la Grèce antique

monnaie. À l’époque homérique et jusqu’à l’invention de la monnaie, dans ce pays d’oligarchies de propriétaires terriens, l’étalon monétaire était le bœuf; parallèlement il était cependant plus pratique d’utiliser comme moyen d’échange des barres de métal (bronze, cuivre, argent, or) qu’on débitait en lingots et qu’on pesait, comme le faisaient depuis des millénaires les peuples orientaux et égéens. Les poids qui servirent de base aux comptes monétaires furent empruntés par les Grecs aux peuples orientaux. L’idée de la monnaie est attribuée aux Lydiens, mais il est acquis que c’est plutôt une invention des cités commerçantes d’Ionie, qui utilisèrent l’électron (alliage naturel d’or et d’argent), que leur fournissait la Lydie, pour le marquer de leur sceau, qui garantissait le poids et l’aloi du métal, économisant ainsi les longs pesages. C’est au VIIIe s. av. J.-C. qu'apparaissent en Ionie les premières lentilles métalliques ainsi frappées. Les cités commerçantes de la Grèce propre, et surtout Argos, Chalcis et Érétrie en Eubée, adoptèrent ce système : Phidon d’Argos installa à Égine des ateliers monétaires qui utilisèrent un poids adapté de mesures babyloniennes et qui donnèrent le système éginétique. Ce système fut adopté surtout dans les pays doriens et dans le nord de la Grèce. L’Eubée choisit un étalon plus faible, d’où naquit le système euboïque, qui fut utilisé en Ionie, en Eubée, dans les colonies chalcidiennes et corinthiennes, et à Athènes après la réforme de Solon. Corinthe adopta le système euboïque sous les Cypsélides, mais elle divisa le statère en 3 drachmes au lieu des 2 du système euboïque, de manière que 4 drachmes corinthiennes équivalussent à 1 statère éginétique, ce qui lui permettait d’avoir une monnaie bivalente. Officiellement, Athènes adopta la monnaie tardivement, à l’époque de Solon; sous Dracon, en 620 av. J.-C., le bœuf restait encore l’unité de valeur. Les subdivisions monétaires de l’Attique étaient à peu près identiques à celles des autres systèmes. La drachme, qui, à l’époque de Périclès, valait approximativement 1 franc-or, était en argent, et ses subdivisions étaient : le tétrobole (4 oboles), de 2/3 de drachme ; le diobole (2 oboles), de 1/3 de drachme; l’obole, de 1/6 de drachme ; la demi-obole (hèmiôbolion) ; il existait en dessous deux monnaies de cuivre : le double chalque (dikhalkon), de 1/4 d’obole ; le chalque (khalkous), de 1/8 d’obole. Les multiples étaient : la double drachme (didrakhmon) et la quadruple drachme (tetradrakhmon), ou statère d'argent. Le statère d’or (khrysous statêr), désigné aussi sous le nom de khrysous, valait 20 drachmes. Les unités de compte étaient la mine (mnâ), somme de 100 drachmes, et le talent (talanton), de 60 mines, ou 6 000 drachmes. Sans autre désignation, le talent était une somme en argent. Le talent d'or était évalué à 10 talents d'argent. Chaque cité avait ses propres monnaies, et le droit de frappe n’appartenait qu’à l’État. Milet, Éphèse et les cités de l’Ionie, qui prirent d’abord le sicle phénicien pour étalon, eurent les premières leur « hôtel des monnaies » (ar-gyrokopeion) ; à Athènes, il était situé près de la chapelle du héros « stéphanéphore », où étaient aussi conservés les poids et mesures étalons, et placé sous le contrôle des métronomes. Les monnaies des cités étaient d’ordinaire en argent (les chalques en cuivre sont rares, les monnaies de bronze inexistantes; les monnaies d’or sont en général des monnaies royales); chaque cité les frappait à un emblème, qui, en général, lui était propre : c’était un animal dont le nom rappelait la cité (la chèvre et le bouc d’Aigai, d’Achaïe et de Macédoine, le dauphin de Delphes, le phoque de Phocée, la rose de Rhodes, la pomme de Mélos, la grenade de Sidê), un animal ou un objet propre à la région (le cheval et le taureau de Thessalie, la chouette d’Athènes, la tortue d’Égine, le thon de Cyzique, l'amphore et la grappe pour les Cyclades, l’épi de blé à Métaponte et à Orchomène, la chèvre à Paros, le taureau à Sybaris, le cheval à Kymè, la vache à Corcyre, un Pégase ailé à Corinthe); Syracuse avait adopté le quadrige ; Pæstum, Poséidon armé du trident, Naxos (Sicile), Dionysos ; Tarente, Apollon agenouillé... Ces monnaies se révèlent comme de véritables œuvres d’art, qui, souvent, imitaient des statues célèbres : ainsi Cnide, qui adopta l’Aphrodite que Praxitèle avait sculptée pour son temple, Rhodes le taureau de Zéthos et Amphion. Les souverains frappaient des monnaies à leur effigie ; certaines prirent un caractère international, les différentes monnaies posant toujours un difficile problème pour les échanges entre cités : ainsi, l’électron de Lydie ou la darique perse (celle-ci valait à peu près le statère attique); le « philippe macédonien » remplaça la darique avec le statère d'Alexandre. Mais des monnaies de cités eurent aussi ce caractère international : les drachmes de Marseille, en Gaule; les statères de Corinthe, en Illyrie ; les tétradrachmes de Thasos, en Thrace ; les statères de Phocée, de Rhodes et de Cyzique avaient cours dans tout le bassin de l’Égée, mais ce furent surtout les tétradrachmes athéniens qui l’emportèrent sur les marchés internationaux. Signalons à côté de cela les monnaies propres à une ligue, comme les monnaies au bouclier échancré de la ligue Béotienne, et les accords comme celui que passèrent vers 400 av. J.-C. Mytilène et Phocée, qui frappèrent ensemble des monnaies réunissant leurs deux noms. Les conséquences de cet usage de la monnaie furent multiples : d’une part, elle précipita la chute des oligarchies terriennes en permettant aux bourgeoisies commerçantes de posséder un moyen d’échange qui remplaçait les biens immobiliers ; d’autre part, elle créa le commerce de l’argent (chrêmatistique), donna naissance aux banquiers, trapezites, et au grand négoce. Par ailleurs, la monnaie représentait, pour les cités qui la frappaient, un signe de leur indépendance, mais aussi un moyen de domination. Ainsi Athènes chercha-t-elle à imposer ses propres monnaies, et, en fin de compte, le succès des monnaies de Philippe et d’Alexandre le Grand, diffusées jusqu’en Gaule, est lié à la puissance de l’empire macédonien.

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