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La globalisation des risques environnementaux rend nécessaire un renforcement des régulations internationales

La globalisation des risques environnementaux rend nécessaire un renforcement des régulations internationales Durant les deux dernières décennies du xxe siècle, l’évolution des connaissances scientifiques a mis en évidence de nombreux risques environnementaux à caractère global. La destruction de la couche d’ozone, le changement climatique, la diminution de la biodiversité, la désertification, la déforestation, la pollution des océans sont autant de risques environnementaux dont les causes et les effets peuvent se manifester en tous les points du globe. Ainsi, quel qu’en soit le lieu, l’émission accrue de certains gaz comme le dioxyde de carbone ou le méthane contribue à l’augmentation de l’effet de serre, ce qui pourrait provoquer des changements climatiques dont les conséquences néfastes affecteront tous les habitants de la planète [voir « Le risque climatique est l’occasion d’expérimenter une régulation par des mécanismes de marché »]. Ce type nouveau de risques et de problèmes demande un traitement intégré tant du point de vue géographique (les pollutions et les organismes vivants ne connaissant pas les frontières) que du point de vue des milieux (les grands cycles biogéochimiques terrestres étant inéluctablement couplés). De plus, on a affaire à des problèmes de responsabilité diffuse et inégalement partagée qui, loin de permettre la simple application de principes du type « pollueur-payeur », suggèrent l’adoption de politiques fondées sur le « principe de précaution » et sur celui de la « responsabilité commune mais différenciée », le tout dans le cadre d’une démarche procédurale de développement durable [voir « Le développement durable est un projet politique pour toute l’humanité »]. Ainsi s’impose progressivement la recherche d’approches et de solutions communes sous la forme d’une coordination internationale, qu’il s’agisse de prévention ou de lutte contre les dégradations. Deux types d’approche juridique L’outil principal d’une telle coordination est l’élaboration de conventions et de traités internationaux. L’adoption de traités portant sur l’environnement par des États souverains n’est pas une nouveauté. Au début du xxe siècle, des conventions internationales existaient déjà, mais elles visaient uniquement la protection d’une espèce ou d’un groupe d’espèces animales ou végétales. Elles constituaient ainsi des efforts ponctuels et disjoints pour lesquels les formules juridiques étaient relativement simples, contrairement au cas des risques globaux que nous connaissons aujourd’hui. En ce qui concerne ces derniers, deux types d’approches ont été tentées. La première, exhaustive, consiste à définir de façon complète et précise des droits qui régiront les relations avec tel système écologique menacé (protection, utilisation des ressources, etc.), tout en s’assurant de la participation du plus grand nombre possible d’États et en recherchant un vote consensuel. L’exemple le plus notoire d’une telle approche est la convention des Nations unies sur le droit de la mer et des océans, signée en 1982 à Montego Bay. La seconde option, dite progressive, consiste àétablir une « convention-cadre » qui fixe des principes généraux et qui permet de construire ensuite une série de protocoles d’application contenant des règles et des objectifs précis afin de réaliser les buts énoncés dans la convention. Un exemple type de cette approche est la convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone (1985), suivie par le protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, et ses amendements successifs de 1990, 1992, 1995, 1997 et 1999). Mais il faut surtout citer la très ambitieuse convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (adoptée en 1992 à Rio, lors de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement - CNUED) et son protocole de Kyoto, adopté en 1997, par lequel les pays industrialisés s’engagent à réduire ou limiter leurs émissions de six gaz à effet de serre (dont le gaz carbonique, le méthane et le protoxyde d’azote) en 2008-2012 par rapport aux niveaux atteints en 1990. S’y ajoutent les accords de Bonn et de Marrakech (2001), qui définissent les institutions et procédures de mise en œuvre de ce protocole, ouvrant la voie à sa ratification par de nombreux États - à l’exception des États-Unis. La nécessité de cadres évolutifs La première des deux approches, l’approche exhaustive, permet en principe de s’assurer que les négociations portent bien sur tous les aspects du problème et évite que les vraies questions ne soient évacuées par la rédaction de quelques grands principes abstraits. Cependant, elle présente des défauts considérables. Elle se traduit en premier lieu par des processus de négociation très longs. Ainsi, les discussions sur le droit de la mer ont duré plus de quatorze ans et il fallut attendre encore douze années pour que le traité soit ratifié… autant d’années durant lesquelles la situation environnementale continue de se dégrader. Les problèmes environnementaux globaux sont par ailleurs extrêmement complexes, souvent empreints d’incertitudes. Leurs conséquences ainsi que les effets des solutions envisagées peuvent n’être perceptibles qu’à long terme. Ces caractéristiques ne permettent pas d’envisager une approche exhaustive. Un processus dynamique est alors préférable pour intégrer progressivement l’évolution des connaissances et l’expérience acquise. C’est pourquoi la plupart des conventions internationales d’environnement traitant de risques globaux (climat, biodiversité, désertification) sont des conventions-cadres assorties de protocoles, modèle plus approprié en raison de sa flexibilité, de sa négociabilité et de son adaptabilité. Les obstacles incontournables du droit international Quel que soit le type de traité, la coordination internationale est un exercice difficile. La souveraineté des États reste un principe incontournable du droit international. Il n’existe pas d’autorité supérieure chargée d’en faire respecter les règles et d’en assurer l’application, les sujets des normes, les États, étant en même temps leurs auteurs. En définitive, le droit international a un caractère nettement volontariste : il ne peut qu’inviter les États à respecter des traités auxquels ils ont librement adhéré, et les possibilités d’imposer des sanctions aux contrevenants sont extrêmement limitées. Du reste, les Nations unies n’ont jamais recouru à des sanctions économiques ou militaires pour faire respecter un quelconque traité. Pourtant, l’adoption de règles communes pour gérer les risques environnementaux globaux est un enjeu politique majeur pour ce début de xxie siècle. Ces risques imposent la mise en place de processus de coopération sans précédent, notamment entre pays du Nord et pays de Sud. Le démarrage difficile de ces processus durant les deux dernières décennies du xxe siècle tient beaucoup à l’ampleur des enjeux et des objectifs poursuivis. Le succès de la convention visant à protéger la couche d’ozone est souvent donné comme l’exemple même de la réussite. Mais le bannissement de quelques substances chimiques - pour lesquelles des substituts satisfaisants existent - constitue un objectif relativement facile à respecter. Il en va autrement de la mise en place de règles internationales efficaces pour la protection de la diversité biologique, ou de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui impose des changements majeurs dans nos façons de produire et de consommer. De tels enjeux nécessiteront de nouvelles manières de concevoir les relations internationales ainsi que des innovations juridiques pour construire un équilibre entre respect de la souveraineté et besoin de coordination entre États. Celle-là sera d’autant plus efficace que les pays et leurs citoyens - de mieux en mieux informés - verront leur intérêt à collaborer. Le changement pourrait venir d’une meilleure prise de conscience par chaque gouvernement de l’interdépendance écologique dans laquelle son pays se trouve inévitablement entraîné et des avantages à long terme qu’il pourrait tirer d’une collaboration internationale dans ce domaine.

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