La création de l’euro modifie le fonctionnement du Système monétaire international
La création de l’euro modifie le fonctionnement du Système monétaire international
La création de l’euro en janvier 1999 a constitué une innovation importante pour le fonctionnement du Système monétaire international (SMI). En terme de PIB, les douze pays de la zone euro représentaient fin 2000 65 % de celui des États-Unis et le double de celui du Japon. Leur ouverture commerciale sur l’extérieur de la zone était de l’ordre de 14 % du PIB, soit sensiblement la même que celle des États-Unis et moitié moins que celle de la France ou de l’Allemagne avant janvier 1999.
Après quelques années d’expérience, de nombreux doutes continuaient de planer sur la place de l’euro dans le SMI. Serait-il en mesure de concurrencer le dollar en provoquant une recomposition en sa faveur des portefeuilles privés et des réserves des banques centrales ? D’un point de vue normatif, rien n’est moins sûr. Dans des marchés financiers liquides et en relations étroites (globalisés), les grandes fonctions de la monnaie (unité de compte, intermédiaire des échanges et réserve de valeur) peuvent être remplies par des monnaies différentes. Ainsi, rien n’oblige un pays échangeant des biens avec des pays européens à régler ses transactions en euros. En général, cependant, les pays qui ancrent leur monnaie sur une devise (les monnaies asiatiques ancrées sur le dollar avant la crise des années 1997-1998, par exemple) sont aussi incités à l’utiliser comme réserve de valeur, voire comme moyen d’échange.
L’euro face au dollar
Pour ébranler l’hégémonie du dollar, il faudrait donc que des pays décident d’ancrer leur monnaie non plus sur le dollar mais sur l’euro. Cela apparaissait peu probable. Si l’ancrage des monnaies des pays d’Europe centrale et orientale (PECO) sur l’euro était vraisemblable du fait de leur entrée programmée dans l’Union européenne (UE), la Russie restait liée au dollar au travers de ses échanges commerciaux importants avec les États-Unis et les pays d’Asie. Les monnaies de ces pays, majoritairement ancrées sur le dollar, devaient en toute logique s’arrimer au yen. Les pays d’Amérique latine restaient, pour leur part, fortement liés à la devise américaine. Quelques pays d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient (Maroc, Turquie) auraient pu accorder plus de poids à l’euro dans leurs transactions internationales ; les refus essuyés par ces deux pays concernant leur demande d’entrée dans l’UE remettaient en question cette évolution.
Cinq éléments sont susceptibles de provoquer l’attrait des investisseurs pour une devise : son rendement, sa liquidité, le souci de diversification du portefeuille, le risque de change et les moyens de se couvrir contre lui. Le problème du rendement d’une devise ne se distingue pas de celui de la politique menée par la Banque centrale européenne (BCE) ; il dépend cependant aussi du déséquilibre entre les offres et les demandes pour cette devise, donc en quelque sorte de la liquidité du marché. La liquidité du marché de l’euro était assurée dès sa naissance : en mars 1999, 36 % des émissions nettes d’obligations étaient libellées en euros et 58 % en dollars (ces taux s’établissaient respectivement à 32 % et 50 % en 2001). En outre, dès la fin 1996, 34 % des encours de prêts internationaux et des avoirs extérieurs des banques et 24 % des réserves de change des banques centrales étaient libellés dans les devises des pays de la future zone euro. Ces deux dernières proportions étaient cependant supposées diminuer jusqu’aux environs de 15 % après le passage à l’euro. En effet, la partie des réserves des banques centrales européennes qui était constituée de devises européennes devait rejoindre les contreparties internes de la masse monétaire européenne. La BCE n’avait donc pas de raison de réduire un peu plus ses réserves en vendant les dollars détenus. Ainsi, il n’y avait pas lieu de s’attendre à un afflux d’euros sur les marchés : sa liquidité avait précédé sa naissance.
Les conditions d’attractivité d’une devise
Deux arguments plaidaient pourtant en faveur d’une augmentation de la demande de réserves en euros de la part des banques centrales. D’une part, il était probable (mais pas certain) que les banques centrales des pays dont le commerce extérieur était fortement tourné vers la zone euro choisissent cette devise comme réserve de référence. Parmi ces pays, cependant, nombreux étaient ceux qui avaient depuis longtemps une part importante de leurs réserves de change libellée en devises européennes. D’autre part, les banques centrales, comme les investisseurs privés, pouvaient vouloir diversifier leur portefeuille de devises et substituer des euros à des dollars ou à des yens. Une réallocation progressive des portefeuilles en faveur de l’euro pouvait donc intervenir, car le marchéétait vaste et liquide. Hélas, cet argument peut être utilisé dans le sens contraire : du fait de la disparition du risque de change et de l’homogénéisation des rendements des différents titres européens libellés en euros, les motifs de diversification des investisseurs européens pouvaient les amener à détenir davantage de titres libellés en dollars ou en yens.
Au final, les positions du dollar et de l’euro devaient rester figées, et ce d’autant plus que les investisseurs privés et publics maintenaient leur tendance à privilégier les placements en leur propre monnaie. La masse d’euros en circulation était considérable, après que les actifs financiers libellés en devises européennes eurent été convertis en euros, mais rien n’indiquait en 2001 que la demande et l’offre d’euros augmenteraient.
Euro fort ou euro faible ?
La valeur de l’euro a été l’objet de controverses dans plusieurs pays de l’UE avant 1999. La conclusion de ces débats était que l’euro serait une monnaie forte. Deux raisons étaient avancées. D’une part, l’excès d’investissement par rapport à l’épargne disponible aux États-Unis, associé à l’excès contraire dans l’UE, entraînait l’accumulation d’actifs étrangers par les Européens, donc l’augmentation de l’euro par rapport au dollar. Cette situation devait perdurer en raison des faibles déficits publics européens et de la reprise limitée de l’investissement dans l’UE à la fin des années 1990. D’autre part, l’euro devait être fort en raison du désir de la BCE d’asseoir sa crédibilité : une politique monétaire de taux d’intérêt élevés devait signaler que la BCE accordait autant d’importance que la Bundesbank à la lutte contre l’inflation.
Les premières années d’expérience de la BCE ont laissé une impression mitigée : après la baisse d’avril 1999, la BCE s’est lancée dans une spirale de hausses des taux d’intérêt, qui n’a pas mis fin à la chute de l’euro par rapport au dollar, tout en alimentant, au lieu de la réduire, l’inflation dans la zone euro. En fin de compte, la valeur de l’euro par rapport au dollar reste largement prévisible : elle dépend des différences de conjonctures de part et d’autre de l’Atlantique, des divergences dans les politiques monétaires des banques centrales américaine et européenne et, plus marginalement sans doute, des anticipations des opérateurs sur les marchés de change. Finalement, l’euro sera fort si la conjoncture s’améliore dans la zone euro. Si tel n’est pas le cas, la dépréciation de l’euro participera à la relance de l’activité sur le Vieux Continent.
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