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Kant: La révolution copernicienne

En réfléchissant sur la manière dont les mathématiques et la physique sont parvenues à des certitudes a priori, c'est-à-dire indépendamment de toute expérience, Kant a accompli cette "révolution copernicienne" et a découvert, contre les empiristes, que le sujet structure l'objet qu'il cherche à connaître : "Nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes".

Problématique

Les Anciens ont rapidement constaté qu'on ne peut connaître des objets mathématiques que les propriétés tirées de leur concept. Par contre, la physique a dû abandonner la méthode empirique, pour admettre que, même dans la nature, la raison n'aperçoit que ce quelle a elle-même produit.

Enjeux

Dans la recherche scientifique, la raison ne peut pas se contenter de recevoir passivement les données de l'expérience. Au contraire, c'est en posant des questions à la nature quelle peut connaître ce que déjà elle cherchait. La connaissance par simple observation ne suffit pas, comme le montrera l'essor de la méthode expérimentale.

La révolution copemicienne

Le premier qui démontra le triangle isocèle (qu'il s'appelât Thalès, ou de tout autre nom) fut frappé d'une grande lumière ; car il trouva qu'il ne devait pas s'attacher à ce qu'il voyait dans la figure, ou même au simple concept qu'il en avait, pour en apprendre en quelque sorte les propriétés, mais qu'il n'avait qu'à dégager ce que lui-même y faisait entrer par la pensée et construisait a priori, et que, pour connaître certainement une chose a priori, il ne devait attribuer à cette chose que ce qui dérivait nécessairement de ce qu'il y avait mis lui-même, suivant le concept qu'il s'en était fait. La physique arriva beaucoup plus lentement à trouver la grande route de la science ; car il n'y a guère plus d'un siècle et demi qu'un grand esprit, Bacon de Verulam, a en partie provoqué, et en partie, car on était déjà sur la trace, stimulé cette découverte, qui ne peut s'expliquer que par une révolution subite de la pensée. Je ne veux ici considérer la physique qu'autant qu'elle est fondée sur des principes empiriques. Lorsque Galilée fit rouler sur un plan incliné des boules dont il avait lui-même déterminé la pesanteur, ou que Torricelli fit porter à l'air un poids qu'il savait être égal à une colonne d'eau à lui connue, ou que, plus tard, Stahl transforma des métaux en chaux et celle-ci à son tour en métal, en y retranchant ou en y ajoutant certains éléments, alors une nouvelle lumière vint éclairer tous les physiciens. Ils comprirent que la raison n'aperçoit que ce qu'elle produit elle-même d'après ses propres plans, qu'elle doit prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements suivant des lois constantes, et forcer la nature à répondre à ses questions, au lieu de se laisser conduire par elle comme à la lisière ; car autrement des observations accidentelles et faites sans aucun plan tracé d'avance ne sauraient se rattacher à une loi nécessaire, ce que cherche pourtant et ce qu'exige la raison. Celle-ci doit se présenter à la nature tenant d'une main ses principes, qui seuls peuvent donner à des phénomènes concordants l'autorité de lois, et de l'autre les expériences qu'elle a instituées d'après ces mêmes principes. Elle lui demande de l'instruire, non pas comme un écolier qui se laisse dire tout ce qui plaît au maître, mais comme un juge qui a le droit de contraindre les témoins à répondre aux questions qu'il leur adresse.

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