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JUGER LES CRIMES NAZIS APRÈS NUREMBERG

JUGER LES CRIMES NAZIS APRÈS NUREMBERG

Sources :

INTRODUCTION :

Qu'appelle-t-on crime contre l'humanité ? Il y a crime contre l'humanité dès lors que des individus ou des groupes sont persécutés pour des raisons politiques, culturelles, ethniques, religieuses, dès lors que les populations civiles et les prisonniers font l'objet de sévices pouvant aller jusqu'à la mort. La guerre, une fois déclarée, oppose les membres d'une nation aux membres d'une autre nation. Le conflit doit se limiter à la conquête ou à la défense militaire d'un territoire.

La notion de crimes contre l'humanité apparaît avec la notion de guerre totale. La guerre totale ne touche pas seulement les militaires, mais l'ensemble de la population civile. Juger les crimes contre l'humanité, c'est chercher à limiter ce type de conflit.

  1. NUREMBERG : UN PROCES POUR L'HISTOIRE ET LA MEMOIRE.

En guise de rappel sur le procès de Nuremberg, 3 documents externes : https://databac.fr/rappel-sur-le-proces-de-nuremberg-juger-les-crimes-nazi-apres-nuremberg/

Les Américains tiennent 12 autres procès dits « successeurs » à Nuremberg avant 1949. 177 personnes sont jugées : des médecins des camps, des juristes, des chefs des Einsatzgruppen (commandos qui assassinèrent par balles des centaines de milliers de Juifs) et ainsi que des entreprises comme IG Farben (productrice du Zyklon B), Krupp (production de camions et d'armes), Flick (usines d'armement) en raison de l'emploi de travailleurs forcés et de déportés (cf. Primo Levi - cours précédent). Au total, 5 025 personnes seront jugées dans les zones occidentales, et sans doute plus de 10 000 dans la zone soviétique.

L'ONU adopte en 1948 la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et la Déclaration universelle des droits de l'homme qui engage tous les États à défendre « le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion. ».

Au cours du procès de Nuremberg, le génocide des Juifs est certes évoqué mais dilué dans la masse ahurissante des crimes nazis. Il faudra attendre le procès d'Eichmann en 1961 à Jérusalem pour voir l'un des principaux responsables de la Shoah enfin jugé.

  1. Le procès d'Eichmann : le « Nuremberg du peuple juif »

Le procès d'Eichmann constitue un tournant dans l'histoire de la mémoire juive : c'est le premier procès centré sur l'extermination des Juifs. Diffusé à la radio et à la télévision, il provoque une prise de conscience mondiale de la barbarie nazie.

  1. Qui était Adolf Eichmann ?

Né à Solingen (Rurh) le 19 mars 1906. Elève médiocre (étude de mécanique), il est embauché dans la compagnie minière de son père. A 26 ans, il rejoint le parti nazi autrichien. Se marie et aura 4 fils dont le dernier naîtra à Buenos-Aires en 1955. Gravit les échelons de la SS. En 1942, il est le rapporteur de la conférence de Wannsee. En 1944, il envoie 450 000 Juifs hongrois dans les camps. Responsable de la logistique de la « Solution finale », organisateur de la déportation et de l'extermination de juifs d'Europe. Haut fonctionnaire du IIIe Reich. En 1945, il est arrêté par l'armée américaine mais parvient à s'échapper avec de faux papiers. Il échappe au procès de Nuremberg (où il est cité) en fuyant en Amérique latine via l'Italie en 1950. En Argentine, il travaille dans une usine hydroélectrique puis est mécanicien dans une usine Mercedes-Benz . Sa femme et ses 3 enfants le rejoignent. Il croise l'horrible docteur Mengele (bourreau d'enfants juifs à Auschwitz) en Argentine. Capturé par le Mossad en pleine rue en mai 1960 en Argentine, puis exfiltré en Israël dans des conditions rocambolesques. Ben Gourion est alors premier ministre de l'Etat d'Israël.

Le procès a lieu à Jérusalem du 11 avril 1961 au 11 décembre 1961 : 15 chefs d'inculpation dont crimes contre l'humanité, crimes contre le peuple juif, crimes de guerre, etc. Cage de verre blindée, Procès de 8 mois diffusé à la télévision.

En guise de défense, Eichmann affirme :

a)    n'avoir été qu'un simple rouage dans l'extermination,

b)    ne pas avoir donné l'ordre du gazage des juifs,

c)    n'avoir qu'obéi aux ordres comme tout soldat,

d)    n'avoir jamais commandité la mort d'aucun juif,

e)    ne pas s'être enrichi,

f)    n'avoir jamais été antisémite.

  1. Eichmann et la « banalité du mal » (Arendt)

Qui était Hannah Arendt ? Né en 1906. Etudes de philosophie. Elève de Heidegger. Victime de la politique antisémite (prison en 1933). Emigre aux USA. En 1961, elle couvre le procès Eichmann à Jérusalem comme journaliste du « The New Yorker ». Elle publiera « Eichmann à Jérusalem », ouvrage où elle raconte le procès.

  • Film « Hanna Arendt » de Margarethe von Trotta :
https://drive.google.com/file/d/14Anja7X9B2zx8hdU-aNeUiCxnDt7D23b/view?usp=sharing

Eichmann n'était pas un monstre. Ni fou, ni pervers, ni même antisémite affirme Arendt. Simplement un petit bourgeois déclassé, sans imagination et sans empathie. Soucieux de sa carrière, de sa promotion au sein du IIIe Reich, il s'applique à l'exécution des ordres reçus d'en haut et non pas sur l'évaluation morale de ses actes : un ordre de Hitler étant pour Eichmann par nature conforme aux exigences des normes morales.

Eichmann était-il kantien ? (Géopolitique et Philosophie)

Eichmann se présente comme « kantien » (= disciple de la morale kantienne) ! Voyons cela :

« C'est l'impératif kantien que j'ai érigé en norme et j'ai conformé ma vie à cette exigence. » dit Eichmann pendant son interrogatoire.

Déformation de la morale de Kant. En effet, Kant n'a pas justifié le nazisme par avance. Pas plus que Nietzsche d'ailleurs…

Kant dit certes qu'il faut faire son « devoir » parce c'est LE devoir. Mais, Kant n'est pas l'apôtre de l'obéissance inconditionnelle et aveugle aux ordres.

Rappel de l'impératif catégorique chez Kant : « Agis uniquement d'après une maxime telle que tu puisses vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle ».

Kant dit qu'une action est morale si - et seulement si - sa maxime (= cad le principe de cette action) est universalisable. En tant que sujet, est-ce que je peux vouloir que tout homme - en tout temps, en tout lieu - fasse cette même action ? Les actions comme le mensonge, le vol, le meurtre sont exclues. La morale chez Kant est fondée non en Dieu, non en affect mais en RAISON. L'impératif d'universalisation vise l'humanité tout entière.

Eichmann n'est pas kantien car il a agi comme nazi et pour les nazis mais pas en tant que sujet universel comme le veut la morale kantienne.

Eichmann fait une interprétation fautive et opportuniste de Kant. Pourquoi ?

Pour Kant, une action est morale si elle est valable pour un aryen comme pour un juif, un tzigane, un français ou un homosexuel.

Pour Kant, le tribunal qui juge de la moralité d'une action c'est la raison et non le Führer. La morale kantienne est une morale de l'autonomie (= se donner à soi-même sa propre loi) et non une morale, comme chez Eichmann, de l'hétéronomie (=celui sous la loi d'un autre… cad Hitler).

Chez Eichmann, l'universalisation et l'autonomie ont disparu au profit des seuls aryens et d'Adolf Hitler. Eichmann n'est pas kantien.

Eichmann se présente comme un simple exécutant d'une activité routinière et administrative. Personnage fade, phallocratique, sans personnalité réelle pourtant responsable du mal absolu qu'est la Shoah : « Eichmann n'était ni un Iago (*), ni un Macbeth (**) et il ne lui serait jamais venu à l'esprit, comme à Richard III (***), de faire le mal par principe. » (Arendt in « Eichmann à Jérusalem »).

(*) Personnage d' «Othello » de Shakespeare : maléfique et machiavélique, il fait croire à Othello que sa femme, Desdémone, le trompe. Au final, Othello tuera sa femme et se suicidera par sa faute.

(**) Soif de pouvoir, il assassine, sur les ordres de sa femme (lady Macbeth), le roi Duncan et devient le souverain de l'Ecosse.

(***) Laid, difforme, mauvais, il fait assassiner son frère, ses neveux, sa femme ! « si mal adapté à être amant que j'ai décidé de devenir méchant » (Shakespeare)

Eichmann est plus médiocre que méchant. Il n'incarne pas le mal absolu mais seulement un fonctionnaire zélé, soucieux de réussite sociale. Eichmann n'a montré ni antisémitisme ni folie, son seul but : « faire carrière ». Arendt parle de « banalité du mal » : on n'a pas besoin d'être un monstre ou d'avoir des prédispositions particulières au crime pour organiser ou pour laisser faire des actes monstrueux. Par conséquent tous les hommes sont capables de commettre les crimes les plus atroces. Le mal naît d'une absence de remise en cause critique des ordres reçus. Abandon du pouvoir de penser, d'imagination et d'empathie (= se mettre à la place des autres). Le totalitarisme sera une machine à produire des « monstres » cad des êtres obéissants, serviles et imbéciles.

Attention, ne pas confondre la banalité du mal avec la banalisation du mal.

Eichmann est condamné à mort le 15 décembre 1961. Son appel sera rejeté. Au pied de la potence, le 31 mai 1962 à Tel Aviv, il refusera d'admettre qu'il ait pu commettre un crime contre l'humanité. Pendu et incinéré. Ses cendres seront dispersées dans la mer Méditerranée.

  1. Les procès de Düsseldorf et de Cologne.

Le procès d'Eichmann incite les autorités allemandes à poursuivre les criminels nazis en liberté : des responsables d'Auschwitz (1963-1965) sont jugés à Francfort, et ceux responsables de la déportation de Juifs de France sont jugés à Cologne (1979-1980).

  1. Les bourreaux d'Auschwitz à Francfort

Premier procès d'Auschwitz : Le cas de Rudolf Hoess

Né en 1900, il combat durant la première guerre mondiale. Anti-communiste, il est condamné à 10 ans de prison pour le meurtre d'un jeune militant. S'engage dans le parti nazi. Il est le commandant du camp d'Auschwitz-Birkenau de 1940 à 1944. C'est lui qui fait inscrire « Arbeit macht Frei » (« le travail rend libre ») à l'entrée du camp. Il généralise l'utilisation du Zyklon B à des fins exterminatrices, fait construire des fours crématoires. Il porte à 10000 le nombre de juifs exterminés par jour dans le camp. Arrêté en 1946, il comparaît comme témoin à Nuremberg où il estime à près de trois millions le nombre de juifs exterminés à Auschwitz… Remis aux autorités polonaises, il est condamné à mort par un tribunal. Il est exécuté par pendaison le 16 avril 1947 sur le lieu même de ses crimes.

Robert Merle s'inspirera de Hoess pour écrire son livre « La mort est mon métier » (cf. cours La Shoah dans la littérature et le cinéma).

Article Wikipédia ê

Le procès de Hoess est notamment suivi, près de vingt ans plus tard, par le « procès d'Auschwitz », qui se tient à Francfort de décembre 1963 à août 1965 : sur les 22 accusés, 17 sont condamnés, dont seulement 6 à la peine maximale, la prison à vie ; près de 85 % des SS qui servirent à Auschwitz et survécurent à la guerre n'ont jamais été condamnés103.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Proc%C3%A8s_de_Francfort

  1. Le procès de Cologne.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Proc%C3%A8s_de_Cologne Article Wikipédia

  1. Les derniers procès de la Shoah en Europe

En France la loi de 1964 rend le crime contre l'humanité imprescriptible, des procès de criminels nazis deviennent possibles. Il faudra attendre 1987 pour que soit jugé pour crime contre l'humanité : Klaus Barbie.

  1. Le procès de Klaus Barbie

Klaus Barbie (né en 1913 à Bad Godesberg, mort à Lyon le 25 septembre 1991) a été le chef de la Gestapo (police politique du Troisième Reich) à Lyon entre 1943 et 1944. Sous ses ordres, sont torturés et exécutés de nombreux résistants, dont Jean Moulin. Tristement surnommé « le boucher de Lyon », il donne l'ordre d'exécuter de nombreux otages et de déporter des milliers de Juifs à Drancy — étape intermédiaire avant les camps de la mort. Il est aussi accusé de plusieurs crimes contre l'humanité : torture, assassinat, massacre, déportation de Juifs dont les 44 enfants d'Izieu raflés le 6 avril 1944 et envoyés à Auschwitz. Il est arrêté en Bolivie le 5 novembre 1982, il est extradé vers la France pour son procès. Le 11 mai 1987, le procès de Klaus Barbie s'ouvre enfin devant la Cours d'assises du Rhône à Lyon. Procès hors-norme avec 102 témoins cités, 42 avocats, 800 journalistes, 113 associations qui se sont portées parties civiles. La seule lecture de l'acte d'accusation prendra deux jours. Dès le 3ième jour, l'accusé dit refuser de se présenter au tribunal, il se considère comme un otage et non comme un détenu. Il sera contraint de comparaître. L'avocat principal de Barbie, Jacques Vergès annonce qu'il se fera accusateur de la Résistance et du colonialisme (autre crime contre l'humanité pour lequel l'Etat français n'a pas été jugé). La seule défense de l'accusé face à la cour est celle de la guerre : « C'était la guerre, et la guerre, c'est fini. » Le procès se termine le 3 Juillet 1987, après huit semaines d'audiences. Le samedi 4 Juillet 1987, à 00h40, après plus de six heures de délibérations les trois magistrats et les neufs jurés rendent le verdict. Barbie est déclaré coupable sans circonstances atténuantes des dix-sept crimes contre l'humanité dont il était accusé. IL EST CONDAMNE À LA RECLUSION CRIMINELLE À PERPETUITE « pour la déportation de centaines de Juifs de France et notamment l'arrestation, le 6 avril 1944, de 44 enfants juifs et de 7 adultes à la maison d'enfants d'Izieu et leur déportation à Auschwitz. ». Il décède d'un cancer à la prison lyonnaise de St Joseph, le 25 septembre 1991, à 77 ans.

1987 : Les temps forts du procès de Klaus Barbie | Archive INA

https://www.youtube.com/watch?v=AbfNElUtFr8

D'autres procès « pour mémoire » auront lieu, notamment celui de Paul Touvier en 1992, Maurice Papon en 1998.

b) Le procès de Paul Touvier

Né en 1915 d'une famille catholique traditionnaliste et nationaliste, il entre dans la Milice (organisation paramilitaire française à la solde de l'armée allemande) à Lyon où il fait arrêter des juifs et des résistants. Il fait fortune en spoliant les biens de ceux qu'il arrête. A la libération, il est condamné à mort par contumace. Touvier vivra plus de 40 ans en cavale avec la complicité de prêtres et des moines qui le cachent dans des monastères. Il est arrêté en 1989, dans un prieuré à Nice. Jugé par la Cour d'assises des Yvelines il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1994 pour crimes contre l'humanité : le massacre de Rillieux (7 familles juives fusillées), l'attentat contre la synagogue de Lyon le 19 décembre 1943, l'assassinat des époux Basch, la déportation de Jean de Filippis, l'assassinat de Lucien Meyer, la déportation d'Eliette Meyer et de Claude Bloch. Il meurt à la prison de Fresnes en 1996.

  1. La traque des derniers nazis

 

Les derniers criminels nazis sont traduits en justice en Allemagne dans les années 2000. Très âgés, ils disparaissent peu à peu. Pourtant, à l'été 2013, le centre Simon-Wiesenthal lance en Allemagne une campagne d'affichage pour débusquer les derniers nazis => https://www.lefigaro.fr/international/2013/11/25/01003-20131125ARTFIG00520-allemagne-la-campagne-d-affichage-pour-retrouver-les-criminels-nazis-porte-ses-fruits.php

Qu'est-ce que le centre Simon-Wiesenthal ?

Simon Wiesenthal (1908 - 2005), ancien déporté, qui consacre sa vie à la recherche d'anciens criminels nazis. Il joue un rôle important dans l'arrestation d'Eichmann et dans la traque vaine de Josef Mengele (médecin qui a mené des expérimentations médicales sur des détenus dont des enfants à Auschwitz).

Simon Wiesenthal fonde en 1977 un centre chargé de traquer les anciens nazis, de préserver la mémoire de l'Holocauste et de lutter contre l'antisémitisme.

Pour Serge Klarsfeld, de tels procès ne sont plus souhaitables plus de 60 ans après les faits.

Qui est Serge Klarsfeld ?

Avocat, dont le père mourut à Auschwitz, qui se consacre avec sa femme Beate :

  • à la reconnaissance et à la mémoire de la Shoah (création de l'association Fils et filles de déportés juifs de France (FFDJF)) ;
  • à démasquer d'anciens nazis et responsables de la Shoah (procès de Cologne, René Bousquet, Klaus Barbie, etc.)
  • à la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français dans la Shoah (Décret du 13 juillet 2000 instituant des réparations financières pour les orphelins de juifs déportés depuis la France).

John Demjanjuk, retraité américain, soupçonné d’avoir été Ivan le Terrible dans les camps de Sobibor et de Treblinka. Extradé en Israël pour être jugé, il est acquitté par manque de preuves. Mais il est à nouveau extradé en Allemagne. Il meurt en 2002 dans une maison de retraite alors que son procès est toujours en cours. Il ne sera jamais condamné. Voir la série Netflix qui lui est consacrée : https://www.netflix.com/fr/title/80201488 Oscar Groning, un ancien comptable du camp d’Auschwitz a été condamné par la justice allemande en 2015, soit 70 ans après les faits. Bruno Dey est condamné en juillet 2020 à 2 ans de prison en tant qu’ancien garde SS au camp du Stutthof, à l’âge de 94 ans, alors qu’il avait 17 ans au moment des faits. Irmgard Furchner : https://www.france24.com/fr/europe/20211019-allemagne-ouverture-du-proc%C3%A8s-de-l-ancienne-secr%C3%A9taire-de-camp-nazi-de-stutthof

Conclusion : Peut-on juger les crimes contre l'humanité ? (Géopolitique et Philosophie)

Le procès de Nuremberg révéla, aux yeux du monde, des atrocités littéralement inimaginables. C'est pour prévenir la récidive d'un tel drame et pour renforcer le droit international en matière de guerre qu'eut lieu ce procès.

Juger les crimes de guerre part de l'idée que la guerre doit respecter certaines règles. Sans le respect de celles-ci, elle peut conduire aux pires catastrophes, faire de l'homme, selon le mot de Hobbes, « un loup pour l'homme » qui ne connaît plus de limite dans la cruauté et la barbarie. La guerre totale ne doit pas échapper à l'ordre du droit. L'humanité est menacée par sa propre violence si elle ne se dote pas des outils juridiques pour limiter l'extension de la guerre totale, de la « guerre absolue » et de la « montée aux extrêmes » pour parler comme Clausewitz. Si la guerre doit être soumise à des règles, des garde-fous, il faut prohiber certaines exactions. Faute de pouvoir les prohiber au moment du conflit, il faut pouvoir les juger en se fondant sur le droit international de la guerre. L'Etat qui bafoue l'humanité de l'homme devra en rendre compte devant tous.

Toutefois, il apparaît que les criminels de guerre sont souvent des vaincus. Pouvoir, en toute justice, condamner les crimes de guerre, cela implique la constitution de tribunaux composés de toutes les nations. Cela implique également que chaque État accepte la possibilité d'être lui-même accusé d'avoir perpétrer des crimes contre l'humanité. Par exemple, la France n'a pas fait l'objet d'un procès pour crime contre l'humanité, alors même qu'au cours de la guerre d'Algérie, elle a commis des actes relevant de ce chef d'accusation. De même, nul procès contre les Etats-Unis pour avoir utilisé la bombe atomique contre le Japon.

Contre la vengeance des vainqueurs sur les vaincus, il faut croire à la justice dans le cadre de la mémoire car une justice sans la mémoire n'est pas vraiment la justice.

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