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Jean-Loup Trassard

Jean-Loup Trassard est né en 1933. Licencié en droit. Il publie ses premiers récits en 1961 sous le titre L’Amitié des abeilles. S’il vit à Paris il a gardé des liens très étroits avec la Mayenne, son pays natal.

D’entrée de jeu les récits de L’Amitié des abeilles donnèrent le ton, plus précisément ouvrirent l’espace dans lequel l’œuvre allait s’inscrire et qu’elle ne cesserait d’explorer. Déjà se dégageaient deux évidences : Trassard avait l’étoffe d’un écrivain et il ne ressemblerait à personne. Précise, dense, la narration rassemblait en peu de pages tous les signes d’une réalité, toute l’épaisseur d’une vie. Si brefs que fussent les récits, les mots avaient un poids, les phrases une sorte de pulpe chamelle. Il y avait comme des détours et des pauses pour respirer une fleur, contempler un vol d’oiseau, apprécier la richesse d’une herbe, la profondeur d’un labour, chauffer un verre dans le creux de la main, affûter un outil. Au bout de quoi, on s’étonnait d’être déjà au terme et que des faits si simples aient suffi à révéler l’essentiel. Tout cela également indiquait que l’auteur se situait hors des modes. Un seul de ses récits se déroulait à Paris, et, pour le reste, il était question de chevaux, de chasse aux taupes, du village natal et de la maison familiale. Ancré dans sa Mayenne, habitant par l’écriture son territoire d’enfance — constituant du même coup son domaine d’écrivain — Trassard n’était ni un auteur régionaliste ni, bien qu’il ne parlât que de choses concrètes, un réaliste — au sens ordinaire du terme. Ses livres suivants : L’Erosion intérieure, Paroles de laine, L ’ancolie le confirmèrent. Les paysages, les coutumes, les gens, les travaux et les jours n’étaient pas pour lui prétexte à raconter des anecdotes, mais les matériaux d’une écriture, les figures d’un monde que cette écriture déchiffrait et reconstruisait. Le récit était pour lui moyen de conjoindre l’espace et le temps, de mettre à jour et d’amener à maturation ce qui était enfoui dans le sol ou la mémoire, de donner aux lieux familiers dans la durée comme suspendue de l’écrit, une dimension d’infini, une présence irréfutable. Aussi bien Paroles de laine et L’ancolie sont des livres très modernes. Non tant parce qu’il consonnent avec le goût récent de nos contemporains pour la nature et sa protection (leurs motivations sont bien antérieures et autrement profondes) que parce que s’y invente une écriture, sensuelle et signifiante, qui est d’abord lecture, déchiffrement mais aussi bien défrichement d’un territoire, d’un pays. Territoire intérieur et pays inlassablement parcourus où les chemins de terre et les sentiers du rêve se confondent. Territoire et pays où tout, déjà, d’une certaine manière, est écrit. Cette trace dans la vigne, ce trou dans la haie, cette tache dans l’arbre, Trassard les lit et les nomme passage du lièvre, cache de la perdrix, nid de l’oiseau comme il reconnaît l’heure ou la saison dans un reflet sur les eaux, dans la sécheresse ou la boue du chemin. Les odeurs lui sont dictionnaires, les couleurs lui sont lexiques mais à les respirer, les voir, comme à flatter le col du cheval, tâter le flanc d’une cruche, sentir sous ses pieds les marches du perron, parler avec le berger, le charpentier ou le bourrelier, il éprouve la jouissance vive de celui qui adhère aux choses et en connaît le sens. Il découvre toute une histoire là où d’autres ne perçoivent que de l’inanimé, il entend battre les secrets de la vie, palpiter les profondeurs du village là où il ne semble y avoir que conversations ordinaires et gestes quotidiens. Son écriture est comme la charrue du laboureur, elle met à jour ce que cachaient la surface, l’apparence. Ainsi ses récits ouvrent un espace, réel et imaginaire, connu et réinventé où toutes choses sont solides et ont saveur, sont lisibles et font rêver, et où l’homme enfin — l’auteur, le lecteur — peut habiter poétiquement. ► Bibliographie

Récits L'Amitié des abeilles, 1960, collection Jeune Prose, Gallimard; L'érosion intérieure, 1965; Paroles de laine ,1969; L'ancolie, 1975, collection Le Chemin, Gallimard;

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