Jean Frémon

Né à Asnières en 1944. Travaille dans l’édition. Et si la « réalité » n’était qu’un miroir aux alouettes ? C’est un peu la question que pose toute l’écriture contemporaine, soit qu’on remplace la réalité par le texte, soit que, comme Frémon, on se refuse à cela encore. Bien plus, Frémon ne se refuse pas à ceci ou à cela : il se refuse — tout court. Ni l’Histoire, ni l’histoire, mais peut-être la fable : une parole sans origine ni fin. L’écriture, dit-il dans son premier livre, est « cet abri idéal d’où sont effacés tous figurants (.. .) où sont abolis tous projets ». Cela va bien sûr contre l’idée même de livre, qui ressemble au tonneau des Danaïdes. D’autres y mettraient un Diogène, Frémon y met une fuite. Dans L'Origine des légendes et Ce qui n ’a pas de visage, le récit se récite lui-même, sans même de voix pour le soutenir. Frémon se moque bien de l’arbitraire du récit, comme disait Valéry : il en part, il y reste. Il écrit sur le mode quasi enfantin du II y aurait ». Blanchot, certes, mais aussi Michaux, un Michaux doux, mais c’est la même lutte passive contre le clown et ses fictions. Moments-trous, moments de la pure perte : « le blanc qui efface les Codes », comme dit Barthes. L’écriture est l’expérience de la fatigue, elle est pratique de la sécession. Comment faire œuvre dans le désœuvrement ? Voilà toute la question. La vacuité, l’indifférence, le refus de la cohérence, tout cela implique une écriture de la contestation calme qui tend à minimiser, à contredire, à s’imposer comme une constante inadvertance. Dans ces livres, méticuleux et pondéré dans leur légèreté, Frémon échappe comme un sage chinois. Sage, car finalement nul n’échappe à la sagesse et à l’affirmation. Même dans l’Utopie du Rien, il y a encore ceci : la littérature, un écrivain. Il le sait : « Rompre est l’impossible absolu ». ► Bibliographie

Le Miroir, les alouettes, Seuil, 1968 ; l'Origine des légendes, Seuil, 1972 ; Discours de la fatigue, Fata Morgana, 1972 , Ce qui n'a pas de visage, Flammarion, coll. Textes, 1976.