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Jean Douassot

Né en 1924, Jean Douassot est également connu comme peintre et graveur sous le nom de Fred Deux. Jean Douassot, s’il est très présent par sa peinture dans les galeries parisiennes, n’a rien publié depuis Nœud coulant en 1971. Il n’est donc pas, en 1977, sur le devant de la scène littéraire, mais ses livres sont là, à la fois mal connus du grand public et tenus pour très importants par tous ceux qui les ont lus. Importants par leur ampleur, leur souffle, leur verbe, leur folie. Importants parce qu’ils dérangent, agressent, choquent, parce qu’ils sont à la littérature ce que sont à l’art dans les paysages bretons ces monolithes à l’origine mystérieuse, inexplicable. Ils ne doivent rien ni au réalisme classique ni à l’avant-garde. Ils ont une présence brute. Ils s’imposent par leur masse. Longs récits déchirés, cris multipliés, répercutés par mille échos ils trouent le silence mais aussi bien pulvérisent la rhétorique comme un pavé une glace. L’œuvre de Douassot comporte quatre livres : la Gana, Sens inverse, la Perruque, Nœud coulant, quatre gros livres qui réinventent le roman d’apprentissage, qui disent l’horreur et, comme son inverse, l’éblouissement morbide d’une jeunesse misérable (la Gana), la jeunesse et l’entrée dans la vie, la difficulté des premiers métiers, des premières amours (Sens inverse), la violence et la guerre (Nœud coulant). Des quatre livres, c’est la Gana qui donne le ton. Si les suivants sont plus maîtrisés, plus construits, ils sont aussi plus apaisés (même si l’horreur et la révolte les traversent, les secouent). L’écrivain peut-être y est plus sûr de lui et, à ce titre, les lecteurs épris de composition ou de bien-dire préfèrent Sens inverse ou la Perruque. Mais la Gana est un livre qui claque comme une gifle, qui ouvre sur un univers tout ensemble monstrueux et humain, un monde de sous-prolétaires, c’est-à-dire de pauvres, d’opprimés, de malades. La Gana est l’histoire d’une enfance terrible et fantastique, hantée par les sanies (la mère crachant le sang, puis le préventorium), les douleurs, les désirs, la mort, ponctuée aussi d’invraisemblables fêtes et racontée par un poète proprement goyesque. L’écriture de Douassot est comme le chant fascinant et insupportable de nos abîmes, de ce qui dans notre société demeure ordinairement caché.

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