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INCONSCIENT

INCONSCIENT, adj. et n.m. ♦ 1° Adjectif. Ce qui n’a pas de conscience, en particulier de conscience morale, de réflexion (un être inconscient est un être incapable de se rendre compte de ce qu’il fait, et même de se juger). ♦ 2° Substantif, surtout en psychanalyse. Instance psychique supposée par Freud pour expliquer des phénomènes subis par le sujet (rêves, actes manqués, phobies, etc.). C’est l’ensemble des phénomènes inaccessibles à la conscience. Jung a proposé l’hypothèse d’un inconscient collectif formé des archétypes universels (le dragon, le refuge, etc.) qui symboliseraient des instincts fondamentaux de l’homme. — Ne pas confondre avec subconscient, qui désigne ce qui n’est pas actuellement conscient, mais qui peut le devenir (par exemple un souvenir) ; en principe, l’inconscient est inaccessible en dehors de ses effets.

INCONSCIENT

1. L’adjectif inconscient a des sens différents selon le nom auquel il se rattache : - Venant d’inconscience, il signifie «qui n’a pas de conscience» soit par nature (la matière est inconsciente), soit par défaillance (l'anesthésie rend inconscient) : il signifie aussi « qui n’a pas de conscience morale » (agir de façon inconsciente et irresponsable).

- Venant d’inconscient, il désigne ce qui échappe à la conscience tout en étant quelque chose qu’elle pourrait connaître (un désir inconscient). Voir ci-dessous, sens 2.

2. Le nom inconscient désigne un des systèmes de l’appareil psychique humain tel qu’il est défini par S. Freud. C’est le concept central des thèses freudiennes et, par suite, de toute la psychanalyse (1) .

L’inconscient constitue un domaine psychique particulier qui a ses propres contenus et ses mécanismes propres. Il contient des représentations (pensées, images, souvenirs...) refoulées, c’est-à-dire repoussées ou écartées de la conscience. Ces représentations sont régies par des mécanismes propres dont on peut dire, rapidement, qu’ils se caractérisent par l’indifférence à la réalité, à ses limites et à ses contraintes. Ainsi l’inconscient ignore le doute, la contradiction ou l’interdiction : on peut apercevoir cette indifférence à la logique de la réalité dans les rêves qui paraissent décousus, incohérents ou absurdes. Dans ses derniers écrits, Freud attribue les caractères de l'inconscient à tous les domaines psychiques qu’il distingue alors : Ça , Moi , Surmoi , mais à des degrés différents. Voir ces mots.

- On évitera d’employer le terme subconscient comme synonyme d'inconscient; bien que subconscient soit assez répandu, il laisse, à tort, entendre qu’il s’agirait d’une sous-conscience, d’une conscience affaiblie ou défaillante alors désigne une réalité différente de la conscience.

- Reconnaître l’existence d’un inconscient modifie la conception qu’on a de l’homme. Cela revient à dire que la conscience ne connaît pas et ne maîtrise pas tout ce qui se passe en l’homme. Cette thèse a soulevé la protestation de certains philosophes soucieux de maintenir la puissance, et la responsabilité, de la conscience dans l’action humaine. Ce sont particulièrement, en France, Alain (1) et J.-P. Sartre(2).

- De plus, Freud conçoit la vie psychique de façon dynamique : elle est agitée et changeante car conscience et inconscient s’affrontent sans cesse dans des luttes ayant des formes et des issues différentes. Les éléments refoulés cherchent à se manifester tandis que la censure tente de les en empêcher.

3. Les sciences humaines ont fait un usage élargi de l'inconscient au point que M. Foucault parle de « la place privilégiée » de la psychanalyse envers laquelle aucune science humaine ne peut se dire indépendante (3). L’inconscient, dans les sciences humaines, n’est plus considéré comme un ensemble de contenus individuels mais comme une structure de la société. C’est-à-dire que différents faits sociaux (la langue, la parenté ou la cuisine) sont organisés selon des règles — symétrie, opposition, inversion... — communes et inconscientes pour les membres de cette société. On parle alors d’inconscient structural. Il importe de ne pas confondre cette notion avec celle d'inconscient collectif : voir article suivant.

1. Alain (1868-1951) : Éléments de philosophie, Idées, Gallimard. 2. J.-P. Sartre (1905-1980) : L'être et le néant, chap. Faire et avoir, coll. Tel, Gallimard. 3. M. Foucault (1926-1984) : Les mots et les choses, chap. Les sciences humaines, Gallimard.

(1). S. Freud (1856-1939) : il est difficile de résumer ce qu’il en est de l’inconscient puisque tous les ouvrages de Freud visent à en analyser les contenus et le fonctionnement. On peut lire spécialement : Métapsychologie — chap. l’inconscient — coll. Idées, Gallimard ; Essais de psychanalyse — chap. le Moi et le Ça - éd. Payot ; Nouvelles conférences sur la psychanalyse, coll. Idées, Gallimard.

 

INCONSCIENT

Au sens général, l’adjectif peut qualifier un être totalement dépourvu de conscience aussi bien qu’un individu irréfléchi ou non conscient de telle circonstance particulière. Dans l’histoire de la philosophie, un certain nombre d’auteurs ont de façon ou d’autre partiellement anticipé sur la découverte freudienne de l’inconscient, en admettant l’existence, parallèlement aux phénomènes dont nous avons conscience soit de « petites perceptions » (Leibniz) ou « perceptions obscures » (Maine de Biran) échappant à notre réflexion, soit d’un principe métaphysique d’où la conscience émergerait chez certains êtres (Schopenhauer) comme une sorte de « cas particulier » (Nietzsche).

♦ C’est cependant avec Freud que l’inconscient (noté souvent les) va devenir un concept dont la portée est immense puisque sa mise au point (qui dérive essentiellement de la pratique thérapeutique) va bouleverser la conception traditionnelle du psychisme et du comportement humains. Cet inconscient est d’abord à comprendre au sens strict, c’est-à-dire comme constitué par ce qui ne peut jamais accéder à la conscience : représentations, désirs, fantasmes qui sont l’objet d’un refoulement dans la mesure où ils sont inacceptables (du point de vue de la conscience morale ou sociale). Ces éléments, une fois refoulés, restent dotés d’une énergie pulsionnelle : il faut concevoir l’inconscient comme essentiellement dynamique, c’est-à-dire désireux de faire circuler ses représentations - qui ne pourront accéder au préconscient* et à la conscience qu’à la condition de se transformer (notamment grâce au rêve) et d’adopter des apparences anodines. Le fait que de tels processus échappent à la conscience signifie donc que ce qui constitue la réalité profonde (selon Freud, les neuf dixièmes environ) de l’activité psychique d’un individu lui reste ignoré : là où la pensée classique admettait un contrôle absolu du sujet sur sa conduite et sa pensée, l’inconscient freudien introduit une faille « incomblable » - le sujet méconnaissant ce qui le détermine, en particulier la fixation durable dans l’inconscient (qui ignore le temps) des traumatismes essentiellement subis dans l’enfance, qui pourront être pathogènes. Dans sa seconde topique, Freud attribuera au ça les caractères initialement attribués à l’inconscient.

♦ Pour sa part, Jung élaborera la notion d’inconscient collectif pour désigner les archétypes ou pulsions fondamentales caractérisant l’espèce humaine et dont hérite chaque individu : ces archétypes se retrouvent aussi bien dans les rêves que dans les légendes - à travers les variantes locales de chaque culture - et dans le folklore.

  INCONSCIENT COLLECTIF Expression et notion non freudienne créée et utilisée par C. G. Jung (1) et ses disciples. L’inconscient, pour Jung, n’est pas personnel mais collectif, n’est pas acquis mais inné : c’est l’expérience de toute l’espèce humaine qui se transmet héréditairement de génération en génération ; c’est, à la fois, une réserve de forces et de « sagesse des siècles » qui permet à l’individu de forger sa propre expérience. Cet inconscient collectif recèlerait en particulier des archétypes qui se retrouvent dans des images ou des mythes communs à des cultures pourtant étrangères les unes aux autres (par ex. le serpent symbole du mal, le mythe du déluge...).   1. C. G. Jung (1875-1961), disciple de Freud qui rompit ensuite avec lui : L'homme à la recherche de son âme, Petite Bibliothèque Payot.

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