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IDÉE

IDÉE. n.f. (gr. idea «forme visible», «aspect»). Sens général. Notion intelligible. A partir de ce sens général, ce terme prend dans chaque grande philosophie un sens propre en rapport avec l’ensemble des thèses, puisqu’il désigne l’opération la plus universelle de l’esprit (comprendre, savoir). ♦ 1° Platon. (Toujours avec une majuscule : Idée). Nature intelligible et réelle, appartenant à un ensemble harmonieux d’autres Idées, dans le rapport desquelles elle se détermine, l’unité de ce cosmos noêtos (monde intelligible) étant fondée dans l’idée suprême du Bien, source de l’être et de la vérité de toutes les Idées. Ex. : l’idée du Beau, du Juste, de l’Homme, etc. — Les choses sensibles participent aux Idées, desquelles elles tiennent leur réalité et leur intelligibilité (dégradées par rapport à l’excellence des Idées). Ainsi, Socrate est un homme par participation à l’idée d’Homme-en-soi. De même chez les platoniciens chrétiens tels que saint Augustin ou Malebranche, où les Idées sont vues dans la lumière du Verbe divin. ♦ 2° Aristote. L’idée (ou concept) a la même fonction déterminante et intellectuelle, mais elle n’est pas séparée du monde sensible. ♦ 3° De même chez saint Thomas d’Aquin. ♦ 4° Pour Descartes, les idées sont «de vraies et immuables natures», par lesquelles nous connaissons ; «claires et distinctes», elles sont vraies ; elles peuvent être innées, adventices ou factices. L’idée suprême est l’idée de Dieu, Être parfait, de qui tout reçoit l’être et l’intelligibilité. ♦ 5° Spinoza distingue les idées confuses (qui ne sont qu’opinion ou imagination) et les idées adéquates, vérités où l’entendement perçoit exactement (perçoit vrai). ♦ 6° Kant distingue le concept et l’idée, à laquelle il redonne le sens platonicien, pour y voir une représentation transcendantale c’est-à-dire à laquelle aucun objet de l’expérience ne correspond ; l’idée est inaccessible ; elle est seulement posée comme explication dernière des faits (l’âme, le monde, Dieu). ♦ 7° Hegel maintient le mot Idée au sens platonicien intégral, pour signifier que n’est réellement réel que ce qui contient et exprime l’idée ; celle-ci est ainsi l’unité dialectique du concept (pensé et logique) et de la réalité naturelle existant en fait ; les Idées s’engendrent par la dialectique. ♦ 8° Claude Bernard désigne par «idée directrice» l’hypothèse suggérée par les faits, que la vérification expérimentale devra juger. ♦ 9° Bergson situe dans l’ordre secondaire et superficiel de la science les conceptions intellectuelles, pour voir dans l’intuition l’acte de connaissance absolument vraie. ♦ 10° Les nominalistes réduisent l’idée au mot. Ex. : Roscelin, Condillac.

idée

Produit de la pensée sur une question précise.

Commentaire Une idée peut être un concept (ex. : l'idée de la liberté) ou une opinion (ex. : les idées de Voltaire sur la tolérance).

L'idée fait intervenir la pensée et alimente la réflexion. Elle est le produit d'une activité de l'esprit, qui cherche à extraire un savoir du monde sensible ou à tirer la conclusion d'une expérience. Elle peut jaillir instantanément, comme une évidence s'imposant d'elle-même à l'esprit, ou, au contraire, se présenter comme le fruit d'un travail de recherche. Pour trouver des idées dans une dissertation, il est important de remettre en question les acquis, de tenir à distance les approches conventionnelles d'un problème. Une fois pris ce recul, il est possible de considérer la question d'un œil neuf, de s'interroger sur les causes et la signification d'un événement ou d'un phénomène. La pensée, délivrée du poids des lieux communs (idées toutes faites) et des clichés (images stéréotypées), peut s'exercer librement. Grâce à cette discipline naissent des idées personnelles, qu'il faut ensuite soutenir par une solide argumentation.

Citations Moi je soutiens que les idées sont des faits. (Flaubert, Correspondance.) Les idées..., les idées, je vous l'avoue, m'intéressent plus que les hommes ; m'intéressent par-dessus tout. Elles vivent, elles combattent ; elles agonisent comme les hommes. (André Gide, les Faux-Monnayeurs.) Car c'est une grande force, en vérité, que d'être hors du temps : de vivre dans les idées, dans le contact avec des auteurs de pays divers et de temps lointains, qui sont très différents et qui pourtant vous touchent, donc vous ressemblent. Cela fortifie, cela aide. (Jacqueline de Romilly, l'Enseignement en détresse.)

IDÉE

1. Sens courant très vague : projet (avoir une idée en tête) ou opinion (mes idées politiques).

2. Toute forme de pensée, c’est-à-dire tout ce que l’esprit se représente (la sensation n'est pas une idée : elle est éprouvée, elle n'est pas représentée).

3. Accompagnée d’un complément d’objet (idée de triangle ; idée de mammifère), idée devient synonyme de concept, c’est-à-dire d’idée générale et abstraite.

4. Sens particuliers dans certaines philosophies :

- Chez Platon, Idée (avec une majuscule) désigne des réalités éternelles et divines qui sont les modèles des choses sensibles. Il existe, pour Platon, un «monde des Idées» (Idée du Beau, du Bien, ou même Idée du chien, du lit...) dont le monde sensible n’est qu’une imitation (1).

- Chez Kant, on trouve la formule «idées transcendantales » ou encore « idées de la raison pure » qui désigne des représentations (l’âme, le monde, Dieu) auxquelles ne correspond aucun objet d’expérience. Il s’agit de termes façonnés par la raison pour représenter l’unité du sujet (l’âme), l’unité des phénomènes (le monde) et l’unité de toutes les existences (Dieu) (2).

1. Platon : République, livre VII, allégorie de la caverne, éd. Garnier-Flammarion ; Le Parménide, éd. Garnier-Flammarion : dialogue très ardu et subtil sur le rôle des Idées. 2. Kant : Textes choisis. La Raison pure, p. 142, éd. P.U.F.

IDEE (n. f.) 1. — Élément de la pensée (« forme de la pensée par laquelle nous avons conscience de cette même pensée », Descartes ; « objet de nos pensées », Locke). 2. — Représentation de quelque chose (le sentiment n’est pas une idée) : l'idée est distincte de son idéat. 3.— Représentation intellectuelle de quelque chose (la sensation n’est pas une idée) ; en ce sens, l'idée correspond souvent à une activité de l’esprit (Syn. concept) et on l’oppose à l'image qui est une représentation matérielle (dans le cerveau, la sensibilité, etc.). 4. — Forme des choses contenant leur raison et leur intelligibilité ; cette forme peut être : a) un élément de la pensée subjective de Dieu, et secondairement de l’homme (Descartes, Leibniz, etc.) ; b) un élément même de la réalité (Aristote) ; un type d’être existant ; c) un type d’être existant dans un monde spécifique et dont l’être sensible correspondant n’est qu’une imitation (Platon). 5. — Kant nomme idées transcendantales ou idées de la raison pure, par opposition aux concepts de l’entendement, les représentations (l’âme, le monde, Dieu) auxquelles ne correspond aucun objet susceptible d’être donné dans la sensibilité. 6. — Pour Hegel, unité de l’existence et du concept. 7. — (Sens vulg.) Projet, dessein (avoir une idée) ; opinion. 8. — Idées innées, adventices, factices : cf. ces mots. 9. —Idéat : objet d’une idée («L’idée vraie doit s’accorder avec son idéat », Spinoza). 10. — Idéation : fonction mentale consistant à former ou enchaîner des idées. 11. — Idéel : qui concerne l’idée ; souv. Syn. idéal, au sens 1.

 

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