Databac

HOBBES (Thomas)

HOBBES (Thomas). Philosophe anglais, (1588-1679), contemporain de Descartes et d'une remarquable longévité. La base de son système est un mécanisme empiriste. Il s’est intéressé d'une manière privilégiée à la morale et à la politique. Il conçoit l'origine de l'humanité comme un « état de nature » dans lequel « l'homme est un loup pour l'homme ». Le remède à cet état de guerre est un pacte social qui donnera la toute-puissance à un souverain, à la tête d'un État conçu comme une machine parfaitement organisée. Le souverain met en place un mécanisme artificiel qu'il convient, dans l'intérêt général, de substituer au mécanisme violent des comportements humains. La justice et les lois sont une raison et une volonté qui s'imposent au citoyen et lui dictent son devoir. L’intérêt du souverain se confond avec l’intérêt général. Toutes les révolutions sont illégitimes. La démocratie est théoriquement légitime, si les individus ont librement remis leurs droits dans les mains du peuple. Mais il faut se méfier de l’ignorance et des méfaits de l’éloquence. Mieux vaut un roi et un conseil secret. Le pouvoir spirituel ne peut pas être opposé au pouvoir du souverain. C’est aux lois civiles de dire le bien et le mal. La paix religieuse, nécessaire à la paix sociale, implique que les mêmes jugements moraux soient partagés par tous. Œuvres principales : De cive (1642), Léviathan (1651), De corpore (1655), De homine (1658).

Philosophe anglais. Fils de clergyman, il fait ses études à Oxford ; précepteur dans une grande famille, il accompagne son élève en France et en Italie. D'autres voyages lui permettent de fréquenter le Père Mersenne à Paris et Galilée à Florence. Pendant la période troublée que traverse son pays, il prend parti pour la royauté : il doit s'enfuir en 1640 et se réfugier à Paris jusqu'à la restauration de Charles II. Le reste de son existence est marqué par diverses polémiques avec les théologiens et savants du temps.

♦ La philosophie de Hobbes repose sur une base empiriste : « La sensation est le principe de la connaissance des principes eux-mêmes, et la science est tout entière dérivée d'elle. » La connaissance rationnelle, néanmoins nécessaire pour construire la science, réside dans l'art d'utiliser et de combiner les signes du langage, mais sans référence à une essence que l'on prétendrait saisir. À la source de notre comportement, il y a un conatus (qu'on retrouvera chez Spinoza), cet effort pour atteindre ce qui nous plaît et fuir ce qui nous déplaît : mouvement vital avec son cortège d’appétits et d'aversions. Triomphe du désir et de la passion, car ce sont, en définitive, ces instances affectives qui déterminent la nature du bien et du mal, mais sous un contrôle de la raison, seule capable - en obéissant à la règle de l’utilité - d’éclairer le puissant instinct de conservation qui est en nous.

Léviathan, ou la Matière, la forme et la puissance d’un État ecclésiastique et civil (1651) se compose de quatre parties où Hobbes, après avoir exposé les principes de son anthropologie, se propose d'établir la science politique sur des bases solides, à la manière d'Euclide pour la géométrie ou de Galilée pour la physique. En vertu de postulats matérialistes, le comportement de l'homme - comme le mouvement du monde - est défini en termes mécanistes : toutes ses actions procèdent d'instincts irrésistibles, incompatibles avec l'idée de liberté. L’état de nature, qui résulte du jeu des forces individuelles, est un état d'instabilité et de misère : soumis aux passions individuelles, l'homme, au départ, n'est pas naturellement social. Il est « sauvage », et son instinct de conservation élémentaire - mis au service de son intérêt immédiat - le conduit à la rivalité, à la lutte contre les autres : « L’homme est un loup pour l'homme. » Ainsi le droit, à l'origine, se confond-il avec la faculté qu'a chacun de lutter pour sa survie. Mais c'est ce même instinct de conservation qui, éclairé par la raison, enseignera à l'homme l’utilité des actes bienveillants et l'inconvénient des actes hostiles, en montrant de surcroît la nécessité, pour chacun, de sacrifier sa liberté naturelle afin que cesse « la guerre de tous contre tous ». C’est ainsi que - contrairement aux sociétés animales qui sont le fruit d'un instinct - la société humaine va naître d’un contrat aux termes duquel les individus consentiront à l'abandon de leurs droits naturels dans l'intérêt de la paix. Ce contrat, une fois établi, ne saurait être remanié ni défait : il y faudrait le consentement de tous, qui est irréalisable. Quant à la procédure démocratique et à son assemblée délibérante, Hobbes s'en méfie : elle favorise la démagogie, et les représentants du peuple ne sont pas toujours compétents ni instruits des affaires publiques. Comme on ne peut compter sur la bonne volonté de chacun, il apparaît que le respect du pacte et la cohésion sociale ne trouveront de garantie que dans la personne d'un souverain qui, héritant des droits et, par conséquent des pouvoirs de tous, sera en mesure d'être l'arbitre suprême, de légiférer et de punir dans les limites de sa force, en principe absolue. Pour échapper à la tyrannie des passions individuelles - sources de luttes incessantes et cruelles -, on va donc se livrer à celle d'un pouvoir politique despotique - dont le nom symbolique, le Léviathan, évoque celui d'un monstre décrit dans la Bible (Livre de Job). Le despotisme, qui s'appuie ainsi sur une conception pessimiste de la nature humaine, trouve sa justification dans la formule suivante : « Les actions des hommes procèdent de leurs opinions et le bon gouvernement des hommes en vue de leur paix et de leur concorde repose sur le bon gouvernement de leurs opinions. » Ce pouvoir absolu - que critiquera violemment Rousseau - diffère de l'absolutisme de droit divin professé à la même époque par des auteurs comme Bossuet. Il existe en effet chez Hobbes une suprématie du politique sur le religieux. D'une part, ce sont les lois civiles qui donnent un contenu aux préceptes du christianisme (par exemple, l'interdiction de voler suppose que soit déterminée juridiquement la propriété). D'autre part la religion, par les guerres qu'elle suscite, peut troubler la paix civile : le souverain doit donc s'en préoccuper, et il serait souhaitable qu'il impose à tous ses sujets un culte et une croyance uniques, le conformisme ayant ainsi une vertu politique plus grande que la tolérance.

Autres œuvres : Du citoyen (1649) ; Du corps (1655) ; De la nature humaine (1658).

Philosophe anglais (1588-1679). • Malgré une réputation sulfureuse, Thomas Hobbes demeure, avec Machiavel, l’un des fondateurs de la science politique. • Récusant la thèse d’une sociabilité naturelle de l’homme (Aristote), Hobbes imagine au contraire qu’à l’état de nature, les égoïsmes s’affrontent dans des conflits d’autant plus meurtriers que les hommes sont égaux sur le plan des aptitudes physiques et intellectuelles : c’est « la guerre de tous contre tous ». • Pour que puissent régner la paix et la sécurité, il faut, suggère Hobbes, que les hommes passent ensemble une convention par laquelle ils se dessaisissent de leur « droit naturel » (le droit de s’approprier toutes choses par la force) au profit d’un tiers : l’État. • Le corps artificiel ainsi formé a la puissance du « grand Léviathan » évoqué dans la Bible : véritable « dieu mortel », il peut faire toutes choses impunément, et son autorité est absolue. Principales œuvres : Du Citoyen (1642), De la Nature humaine (1650), Léviathan (1651), Du Corps (1655), De l’Homme (1658).



HOBBES Thomas

. Philosophe anglais. Né à Westport (Malmesbury, Wiltshire) le 5 avril 1588, mort à Hardwick (Devonshire) le 4 décembre 1679. Fils d’un ecclésiastique, il fréquenta les écoles de sa ville natale et, grâce à 1 aide d’un oncle, poursuivit ses études au Magdalen Hall d’Oxford. En 1608 il entra au service de la famille Cavendish, en qualité de précepteur de William, second comte de Devonshire, qu’il accompagna deux ans plus tard dans son « grand tour » en Europe. Cette période de la vie de Hobbes demeure assez obscure; nous savons seulement qu’il étudia opiniâtrement le grec et se lia d’amitié avec Bacon et Ben Jonson. Après la mort de son élève en 1628, il passa au service de sir Gervaise Clinton, au titre de précepteur de son fils, et y demeura jusqu’en 1631, date à laquelle les Cavendish le rappelèrent pour assurer l’éducation du troisième comte de Devonshire à qui il avait dédié, trois ans auparavant, une traduction de Thucydide. Durant ces années, son intérêt se déplaça peu à peu des lettres classiques vers les sciences, et lorsqu’en 1634 il accompagna son élève sur le continent, il profita de l’occasion pour connaître les personnalités du monde scientifique : à Pise, par exemple, il fut en relation avec Galilée. En 1637 il regagna la Grande-Bretagne et s'installa, avec Cavendish, à Chats-worth mais, bientôt, les graves troubles politiques qui suivirent l’ouverture du Long Parliament, et la mauvaise tournure que prit la cause de l’absolutisme royal, dont Hobbes était partisan convaincu, le poussèrent, en hiver 1640, à repasser la Manche pour se fixer à Paris. Peu de temps auparavant, il avait fait connaître à ses amis une de ses oeuvres — tout au moins des fragments — connue sous le nom d'Eléments de la loi naturelle et politique; ce fut sous la forme de deux traités distincts que cet ouvrage fut publié pour la première fois : De la nature humaine et Du corps politique; Hobbes reprit le sujet de la seconde partie et le développa dans les Eléments philosophiques du citoyen publiés à Paris. En 1651, Hobbes quitta Paris — où il avait vécu chez un autre membre de la famille Cavendish, sir Charles, et avait fréquenté Descartes et Gassendi — et retourna dans l’Angleterre de Cromwell pour n’être pas contraint de se convertir au catholicisme. Ce n’était point tant par fidélité au protestantisme qu’en raison de ses convictions philosophiques relatives à la supériorité de l’Etat sur l’Église, et en raison de cet anticléricalisme intransigeant qui provoquèrent, après sa mort, la condamnation publique de son oeuvre entière par l’université d’Oxford. Hobbes, de France, emportait avec lui le manuscrit de Leviathan, ouvrage auquel son nom est principalement attaché, et qu’il fit éditer à Londres l’année même de son retour. Ce fut à Londres également que parurent les Lettres sur la liberté et la nécessité [1654] qui suscitèrent une polémique avec l’évêque Bramhall, ainsi que la première et la deuxième partie des Eléments de philosophie : Du corps et De l’homme [De homine] respectivement en 1655 et 1658. Les accusations d’antireligion que le clergé anglais porta contre le philosophe l’obligèrent à se retirer à Chatsworth chez les comtes de Devonshire, ses anciens protecteurs, où il demeura le restant de ses jours. Malgré les attaques de ses adversaires, la réputation de Hobbes se répandait en Europe, et, lorsque le grand-duc Cosme de Médicis se rendit en Grande-Bretagne, il voulut rencontrer le vieux philosophe. Durant ses dernières années, Hobbes s’occupa d’une traduction en vers de L’Iliade et de L’Odyssée, rédigea son Autobiographie versifiée, et un ouvrage historique sur la révolution, Behe-moth Of the Long Parliament. En 1669 il voulut suivre le comte de Devonshire lorsqu’il quitta Chatsworth pour Hardwick; mais il ne put supporter les fatigues du voyage et mourut. Ses anciens biographes racontent que Hobbes était né prématurément à cause de la terreur éprouvée par sa mère pendant la panique occasionnée par l’approche de 1’ « Invincible Armada ». Ce fut pour cette raison qu’on fit de Hobbes le philosophe de la peur, car ce fut ainsi que l’on interpréta sa rigoureuse codification de l’autorité de l’Etat et du souverain qui le personnifie en raison d’un contrat intervenu entre lui et le corps des sujets : peur du désordre (du bellum omnium contra omnium, de l’« homo homini lupus ») et d’être abandonné à lui-même parmi le conflit des plus forts. En réalité, Hobbes est amené à conclure que seul l’absolutisme de l’Etat peut garantir le droit et imposer la paix sociale (à la suite de l’expérience des guerres de religion en France, et plus proche encore des luttes intestines et de la guerre civile en Angleterre). Dès 1628, avec sa traduction de Thucydide, il avait voulu donner un avertissement modérateur à ses compatriotes, au milieu desquels il entendait personnellement soutenir le parti de l’absolutisme royal légitimiste. Cependant, ce furent précisément les partisans de Charles 1er et de Charles II qui combattirent le philosophe, parce qu’il avait exclu (ce qui était dangereux) le légitimisme de droit divin et le traditionalisme politico-juridique. Sur les bases d’un matérialisme sensualiste et mécanique radical et d’une anthropologie réaliste, Hobbes considère l’homme comme un individu qui agit selon les lois d’un égoïsme utilitaire; parmi ces lois fondamentales se trouvent celles qui dérivent de l’instinct de conservation et de l’instinct de domination. De ces lois, Hobbes déduit logiquement sa théorie politique. Le naturalisme sensualiste de Hobbes se rattache à celui de la Renaissance italienne, sa théorie politique à celle de Machiavel, son absolutisme à celui de Bodin. Sa polémique rationaliste, matérialiste et anticléricale sera reprise par Diderot, d’Holbach, Voltaire; au XIXe siècle, le sociologue Tönnies réveilla l’intérêt envers Hobbes; et publia certaines de ses oeuvres restées manuscrites. ♦ « Je le trouve beaucoup plus habile en morale qu’en métaphysique, ni en physique; quoique je ne puisse nullement approuver ses principes ni ses maximes, qui sont très mauvaises et très dangereuses. » Descartes. ♦ « Profond et bizarre philosophe, bon citoyen, esprit hardi, ennemi de Descartes, toi qui t’es trompé comme lui, toi dont les erreurs en physique sont grandes, et pardonnables parce que tu es venu avant Newton, toi qui as dit des vérités qui ne compensent pas tes erreurs, toi qui le premier fis voir quelle est la chimère des idées innées, toi qui fus le précurseur de Locke en plusieurs choses, mais qui le fus aussi de Spinoza, c'est en vain que tu étonnes tes lecteurs en réussissant presque à leur prouver qu’il n’y a aucune loi dans le monde que des lois de convention; qu’il n’y a de juste et d’injuste que ce qu’on a convenu d’appeler tel dans un pays. » Voltaire. ♦ « Ses erreurs même ont plus servi au progrès de l’esprit humain qu’une foule d’ouvrages tissés de vérités communes. » Diderot. ♦ « Esprit d’une trempe exceptionnelle, chez qui un empirisme radical, poussé à la limite, produit une construction singulière de raison intransigeante et de froid réalisme pratique. » Cazamian.

Liens utiles